Telle une galaxie, le vodoun est un ensemble composé de plusieurs planètes ayant en partage un élément-clé, l’espace. Au Bénin, les planètes du vodoun sont les innombrables divinités qui l’animent et l’élément-clé qu’elles ont toutes en partage est « Ifâ » en Yoruba ou simplement le « Fâ » en Fon. Depuis la nuit des temps, cet art divinatoire qui est d’abord et surtout une divinité, pour la spiritualité africaine et le vodoun en l’occurrence joue le même rôle que joue le cœur dans le corps humain. Après notre découverte du Guélédé, et du retour des ancêtres (Égoungoun) voici une nouvelle incursion dans la spiritualité béninoise…
Dans le Vodoun, tout commence en effet par « Ifâ » et tout finit par « Ifâ » car son message est d’essence divine, voire même prophétique. C’est à la fois une science et une divinité présidant au destin de l’homme. C’est un livre ouvert sur le passé, le présent et l’avenir qui enseigne à l’homme, ses liens forts avec la nature. C’est la parfaite harmonisation des quatre éléments fondamentaux, piliers essentiels tant de la création de notre macrocosme que de celle de notre microcosme. Selon Professeur David Koffi Aza, le Fâ est un gisement de potentialités car à part son caractère visionnaire, il est un conseiller par excellence et également « médecin ». En effet, les maladies les plus élémentaires de l’Homme peuvent être guéries rien qu’à partir des tracés du Fâ. Aussi, peut-il être utilisé pour harmoniser le foyer, pour trouver de l’emploi, pour faire prospérer ses affaires ou encore pour assurer sa protection et son autodéfense.
Inscrit depuis 2005 par UNESCO sur la liste des « chefs-d’oeuvres du patrimoine oral et immatériel de l’humanité, le Fâ est un art divinatoire qui s’exécute à l’aide d’un chapelet à deux branches identiques appelé « Akplê ». Par branche, il ne peut y avoir que 16 combinaisons possibles. Celles-ci sont les figures de base ou figures-mères du Fâ. Il s’agit de : Gbe, Yeku, Sa, Guda, Loso, Wenlen, Di, Woli, She, Fu, Lete, Tula, Ka, Trukpen, Aklan, Abla. L’assemblage des deux branches donne une combinaison 16 x 16, soit 256 combinaisons ou signes ou encore arcanes. Chacun de ces signes est appelé « Du » (lire dou) en Fon et « Odu » (odou) en Yoruba et sont répartis comme suit : 16 « Du-gan » ou « Du-mêdji » qui ne sont rien d’autre que des figures doubles (par exemple, Gbe-mêdji, Yeku-mêdji, Guda-mêdji, etc…) ; et 240 « Du-vi » ou « Vikando » qui sont les représentants des maisons géomanciques. Les 256 signes du Fâ constituent 256 possibilités de vies humaines selon le Fâ.
Le langage du Fâ est symbolique. Il se traduit par des traits simples ou doubles selon que les quatre demi-noix de chaque chapelet retombent ouvertes ou fermées. L’ensemble des traits des deux branches du chapelet forment la représentation figurative de chaque Du qui porte un nom construit à partir des deux figures-mères qui la composent.
Le Fâ, c’est aussi et surtout de la poésie car chacun de ses Du comporte 16 vers (allégories) qui racontent de façon lyrique un mythe, un conte, une chanson, un proverbe, une devinette sur lesquels s’appuie le « Bokônon » (devin en Fon) pour interpréter l’oracle du Fâ. Les vers de tous les arcanes mis ensemble forment une banque de plus de 4096 allégories. Par ailleurs, faut-il souligner qu’au Bénin, la pratique du Fâ diffère d’une région à une autre (Fon Fâ, Anago Fâ, etc.) quand bien même ses fondements demeurent inchangés. Aussi, on ne peut parler de Ifâ sans citer la ville <<Ilé ifè>> (Nigeria), là où tout a commencé.
Tout être humain peut être initié au Fâ sans distinction de sexe, encore moins de race.
Ifâ conduit le postulant des ténèbres à la lumière et fait de l’initié un homme régénéré, plus sûr de lui car ayant touché aux Du (arcanes) de son être profond. Ifâ, c’est la Paix profonde. Ifâ, c’est l’équilibre intérieur.
Pour découvrir d’autres aspects de la spiritualité béninoise : le Guélédé, ou l’hommage rendu aux femmes…
Evidemment le Vodoun au coeur de la religiosité…
Ou encore le retour des ancêtres… Égoungoun.