Le chanteur haïtien Bélo vient de sortir Référence, un nouveau disque entre jazz et reggae. Sur un air de soul ou au son des percussions traditionnelles, l’artiste nous confronte à la dure réalité du pays qui l’a vu naître. Etat des lieux.
Le deuxième album de Jean Bélony Murat (nom de scène : Bélo) est dans les bacs depuis le 9 juin. Référence s’inscrit dans la filiation de Lakou Trankil, son premier opus, tout en élargissant l’horizon musical de l’artiste. Le reggae est toujours présent, tout comme le « ragganga », un concept inventé par l’auteur, mais on reconnaît aussi de nouvelles influences tendant vers le jazz et parfois même, des accents rock. « J’ai beaucoup réfléchi, j’ai fait pas mal de rencontres et j’ai décidé d’apporter quelque chose de nouveau. J’ai fait appel à des musiciens professionnels de styles divers. On retrouve un Bélo original et facilement reconnaissable mais on a grandi musicalement », résume le chanteur.
Enregistré en live, cet album multicolore met en exergue les talents des musiciens internationaux dont certains, à l’instar de Richard Bona (basse) ou de Jowee Omicil (saxophone), sont d’origine africaine. Tous font référence dans le milieu de la musique, qu’ils soient artistes soul, jazzmen ou reggaemen. Keke Belizaire et Fabrice Rouzier, déjà présents sur Lakou Trankil sont aussi de l’aventure. « Cet album est un mélange de musiques caraïbéennes avec une forte teneur en musique traditionnelle haïtienne, auxquelles s’ajoutent du reggae, le tout dans une atmosphère nouvelle, plus jazzy. C’est assez indéfinissable comme genre musical », convient Bélo. Ce brassage des styles s’explique par une culture personnelle très éclectique et sans cesse renouvelée. « J’ai beaucoup écouté Bob Marley, Tracy Chapman, le jamaïcain Buju Banton, la chanteuse haïtienne Emeline Michel, Richard Bona aussi, et ces artistes ont contribué à former mon univers de référence. Dans le cadre de mes recherches j’écoute Ayo en ce moment, j’enrichis ma musique grâce à ça. »
Le clip de « Deblozay »
Un chanteur « à messages »
La plupart des textes de Référence, comme dans l’album précédent, sont à caractère fortement social : « je parle de paix, de fraternité, d’unité, de la protection contre les MST, toutes ces questions qui touchent profondément Haïti. Je parle aussi d’amour, comme dans “ Klodet ”, ce sont des thèmes qui m’importent beaucoup », explique Bélo. L’enfance également est récurrente. Continuellement, il nous rappelle que tout arrive par les jeunes générations et qu’il faut les préserver si l’on veut changer les choses. « C’est l’une des idées centrales. Je le fais de manière automatique, inconsciemment. J’accorde beaucoup d’importance aux enfants car dans mon pays où il y a tant de problèmes, on ne peut pas espérer une évolution si l’on ne considère pas ce qu’il y a à la base. Les enfants sont l’avenir, c’est eux qu’il faut préserver avant tout. “Timoun Yo” s’adresse à eux. Pour cette chanson, nous avons tourné un clip documentaire avec l’UNICEF, elle me tient particulièrement à cœur.»
Enfant d’Haïti, Bélo l’est très certainement resté, et sa musique déborde d’hommages à sa terre natale. Lorsqu’il chante (en créole) c’est d’Haïti qu’il parle, c’est pour Haïti aussi qu’il se revendique « ambassadeur » des siens. « Je suis avant tout au service de mon pays, c’est de là que vient mon inspiration. Je souhaite changer la situation économique, politique et sociale au travers de mes paroles.». Le titre de l’opus, à lui seul, reflète tout le combat de Bélo. Référence, à son pays qui l’inspire et à qui il dédie sa carrière. « C’est pour dire au monde, partout où je vais, ce qu’Haïti signifie pour moi. Mon album dans votre salon ou dans votre voiture, c’est une portion d’Haïti avec vous. »
Une carrière qui va crescendo
Artiste complet -puisqu’il est auteur, compositeur et interprète- Bélo semble, à 29 ans, bien parti pour ne pas en rester là. Son parcours très cadré et encadré lui a permis de progresser petit à petit, mais avec sûreté dans un univers qu’il côtoie depuis son enfance. « J’ai décidé de faire une carrière dans la musique à l’âge de 11 ans. Trois ans plus tard j’ai formé un groupe, Sokute avec des amis, mais nous avons renoncé pour nous consacrer à notre scolarité». La suite de son itinéraire professionnel est tout aussi prudente. Il a travaillé sur son album chez lui, pendant 4 ans, après avoir pris soin de terminer ses études de comptable. Après trois mois en studio, il sort enfin Lakou Trankil en 2005, et la machine s’emballe. Il reçoit de nombreux prix dont le Prix RFI Découvertes en 2006. « A ce moment là, ça a été le vrai déclic. Cette récompense m’a donné une vraie reconnaissance, aussi bien sur le marché international qu’en Haïti. »
En effet, le succès aidant, Bélo est en passe de devenir un phénomène international. « La vibration qu’il y a dans ce que je fais, j’ai envie de la partager et de la faire connaître ailleurs, je peux et je dois faire des efforts pour mettre ma musique à la portée de tous, afin que chacun puisse en tirer profit », dit Bélo. Pour son prochain disque, des titres en anglais et en français sont déjà prévus. En attendant, il se produit un peu partout dans le monde, à commencer par Paris les 20 et 21 juin. Une « révélation haïtienne » à découvrir ou redécouvrir.
Pour écouter : commander le disque
Lire aussi : Bélo : « Les Haïtiens sont aussi Africains »