J’ai rencontré Albert Cossery deux fois. La première, c’était il y a un an à peine. Une couverture originale m’avait attirée : celle de « Mendiants et orgueilleux ». Une fois plongée dans cette écriture à la fois désuète et très moderne, impossible de m’en défaire. J’étais totalement séduite.
Loin des romans nombrilistes, érotico-inintéressants et d’une platitude absolue dont nous abreuve la jeune génération d’écrivains français, je me plongeais avec délice dans l’univers Cossery. Son Caire des années 30 ressemblait étrangement à celui que j’avais connu il y a peu et la nostalgie que j’avais de l’Egypte se réveillait irrésistiblement. Les livres se sont alors enchaînés – je les voulais tous -, ma fascination croissant avec mon intérêt pour l’homme se cachant derrière ces petits bijoux d’écriture.
Sa plume acerbe et tendre à la fois était fascinante. Je me trouvais face à un véritable écrivain. De ceux qu’on n’oublie pas de sitôt et dont on a envie de lire tous les livres d’une traite, en espérant paradoxalement que cela ne se terminera jamais. Avec Cossery c’était mal parti : même pas une dizaine de livres à son actif. Tant pis, il faudra les relire. Tous. Fausse obligation et vrai plaisir.
Ma deuxième rencontre avec Cossery a eu lieu il y a quelques semaines. J’étais assise à ses côtés et nous avons parlé. Enfin, nous avons essayé, car il a beaucoup de mal à s’exprimer à cause d’une opération de la gorge. J’ai découvert un dandy qui vit au jour le jour, qui vit comme il l’entend, qui vit dans ses souvenirs. Un homme âgé et marqué qui porte en lui un monde hors du monde. Un homme touchant et drôle, élégant et cynique. Exactement comme je l’imaginais.