Il y a du Franco Luambo Makiadi tout craché dans ce disque ! Cela ressort aussi bien dans la voix, le chant que les riffs de guitares. Est-ce à conclure que « Libanga na libumu », la compilation souvenir de feu Bavon Marie-Marie, est un pur produit du « Grand Maître » avec son orchestre le Tout-Puissant O.K. Jazz ?
Le 5 août 1970, meurt à Kinshasa, à l’âge de 28 ans, un jeune artiste musicien, coqueluche de son époque. Bavon n’est pas « rien ». Frère puîné de Franco Luambo, il est aussi talentueux que son grand frangin dans son jeu de guitare, dans l’écriture et dans la composition musicale. Malgré une vie et une carrière brèves, sa production n’en est pas moins très allongée. Il laisse 80 titres en héritage, dont la compilation Libanga na libumu offre un savoureux aperçu. « Aujourd’hui, trente-quatre ans après sa mort, ses enfants ont souhaité lancer sur le marché du disque toutes ses œuvres (…), à la mémoire de ce grand artiste congolais (…) », signale le bout de texte accompagnant cet opus. Un premier volume bien accueilli.
Il était temps. La musique congolaise est à la croisée des chemins. La tendance actuelle n’est pas du goût des puristes et d’un nombre croissant de mélomanes. Lesquels, dans des magasins de disques ou en boîtes de nuits, penchent de plus en plus vers les vieilleries, sinon les bonnes rumbas langoureuses. Certains artistes avisés se sont remis à se ressourcer dans «Les Merveilles musicales du passé ». La présente production de Bavon Marie-Marie en est une et devrait inspirer les plus jeunes.
Bavon Marie-Marie, un artiste et une œuvre à découvrir
Dix morceaux anciennement enregistrés sur du « deux pistes », et qui ont pourtant une sonorité très moderne. Dix textes à la structuration simple, gage de son infini charme au bout de trois décennies et plus. Dix messages traduisant le vécu quotidien de n’importe quelle capitale (noire) africaine. La quatrième chanson, titre phare de cette réédition, « Libanga na libumu » (lisez liboumou), (« Une pierre dans le ventre »), est la complainte d’une femme à qui l’on a mis « une pierre dans le ventre à la place d’un enfant, la rendant stérile ».
Une chanson de la même veine que le premier morceau, « Maseke ya meme » (lisez mémé) : « Les cornes de la brebis », que des personnes jalouses ont enfouies sous le portail d’une parcelle, sortilège contre le propriétaire. Mais « le sorcier aussi finit un jour par mourir, et, le fétiche, par s’abîmer », philosophe la victime. Deux tubes à l’époque ! L’imaginaire populaire veut que l’auteur ait mis en chanson son propre destin.
Si François Luambo Makiadi et Bavon Luambo Siongo sont sortis aussi bien du même moule artistique que d’un même ventre maternel, l’imposant parcours professionnel de l’un se présente néanmoins comme l’arbre qui cache la forêt. Ce volume 1 de Bavon Marie-Marie avec son groupe, les Negros Succès, se présente ainsi comme une fleur qui vient (de) germer sur son propre passé d’homme et d’artiste. Si pour les néophytes ceci est à découvrir, pour les nostalgiques il est à offrir. Bravo Bavon !