Michel Bationo, l’ardoisier du Tour du Faso rêvait de vivre en direct la Grande boucle. Invité par le Comité d’organisation du Tour de France, il est venu, a vu et est reparti tout ému. Pendant trois semaines, le professeur de sport du Lycée Bambata de Ouagadougou a arpenté, ardoise et craie à la main, les routes de Luxembourg et de France avec la Caravane de la Grande boucle.
Le Burkinabé Michel Bationo n’est pas prêt d’oublier l’aventure extraordinaire qu’il a vécue durant le Tour de France. Retour sur des instants de bonheur avec l’un des hommes les plus heureux de l’édition 2002 du Tour de France. Interview d’un ardoisier pas comme les autres.
Afrik : Que vous reste-t-il de votre participation à la Grande boucle ?
Michel Bationo : Des images et des souvenirs inoubliables. D’abord, je dois vous avouer que c’était la première fois que je prenais l’avion. Pour moi, c’était presque comme dans un rêve, de voir à l’aéroport des avions partout, le mouvement des gens sur le tapis roulant. Ensuite, j’ai été impressionné par la qualité de l’organisation du Tour de France. Il y a un nombre impressionnant de personnes dans les équipes d’encadrement. Chacun sait ce qu’il doit faire. Tout le monde est disponible. Même les grands patrons du Tour mettaient la main à la pâte. Ils n’hésitaient pas à soulever les cartons pour les ranger dans les véhicules de la caravane. J’ai été impressionné par leurs centres de presse. Les journalistes travaillaient chacun sur une machine. Je me souviendrais toujours du Mont Ventoux. J’ai vu les coureurs souffrir lors de cette étape.
Afrik : Comment s’est faite votre désignation comme ardoisier officiel du Tour de France 2002 ?
Michel Bationo : C’est une histoire qui remonte au dernier Tour du Faso. J’avais dit lors d’une interview sur Canal France internationale (CFI) que mon rêve serait de faire l’ardoisier sur le Tour de France. Il y a sept mois, le directeur du Tour, Jean-Marie Leblanc m’a appelé pour me demander si mon voeu de travailler sur le Tour de France était toujours d’actualité. Je lui ai dit oui. Il m’a rappelé au mois de mai pour me dire de me préparer, que j’avais été choisi comme ardoisier du Tour 2002.
Afrik : Quel est le rôle d’un ardoisier ?
Michel Bationo : Un ardoisier c’est celui qui indique les écarts aux coureurs au moyen d’une ardoise. Sur le Tour de France, le temps m’était donné par Radio Tour. J’inscris sur mon ardoise les chronos, les écarts et les compositions des différents groupes et puis je fais la navette entre le groupe de tête et le reste du peloton.
Afrik : Est-il plus facile de faire l’ardoisier sur le Tour du Faso que sur le Tour de France ?
Michel Bationo : Là, je vais vous étonner. Il est plus difficile de travailler sur le Tour de Faso que sur le Tour de France. Il fait plus chaud et je suis obligé de tenir mon ardoise tout le temps que dure l’étape, ce qui n’est pas le cas en France.
Afrik : Quels ont été vos rapports avec les coureurs ?
Michel Bationo : J’avais de bonnes relations avec tout le monde. Celui qui m’a le plus marqué c’est Laurent Jalabert. Lors d’une étape, il m’a appelé par mon nom et m’a dit : » Michel, tu ne veux pas que nous changions de rôle ? Je te passe mon vélo et toi tu me laisses aller sur ta moto. » J’ai été vraiment touché par ces paroles. Jaja (Laurent Jalabert, ndlr) est un modèle. Il est simple et gentil. Il y a eu aussi Lance Armstrong. Tout monde me disait qu’il n’allait pas accepter de prendre une photo avec un ardoisier aux couleurs du Crédit lyonnais. Lors de la dernière étape du Tour, je lui ai fait part de mon voeu de poser avec lui. Il a dit oui sans hésiter. J’en ai profité aussi pour lui adresser une invitation pour le prochain Tour du Faso (30 octobre- 14 novembre 2002, ndlr). Il m’a dit qu’il sera là si son calendrier le lui permet. Je dois préciser que s’il vient ce sera uniquement pour voir et découvrir le Burkina Faso et non pour prendre part au Tour.
Afrik : Avez-vous été rémunéré pour votre travail d’ardoisier pendant le Tour de France ?
Michel Bationo : Bien évidemment. Mais ne comptez pas sur moi pour vous donner le montant. J’étais bien nourri, bien logé. L’organisation me permettait même de téléphoner au pays pour avoir des nouvelles de ma famille. Que demander de plus ? Vous savez, j’aurais fait ce travail pour rien.
Afrik : Que pensez-vous du dopage dans le Tour de France ?
Michel Bationo : C’est un domaine que je ne maîtrise pas du tout. Je pense que les coureurs étaient bien préparés. Vous n’avez pas une autre question ?
Afrik : Michel sera-t-il l’année prochaine sur le Tour de France ?
Michel Bationo : Je ne vais pas devancer l’iguane dans l’eau. Je pense avoir bien fait mon travail. A la fin du Tour, Jean-marie Leblanc m’a adressé une lettre de félicitation et m’a dit que je faisais partie désormais de la grande famille du Tour de France. S’il m’invite, je reviendrai avec le plus grand des sourires.