A Accra, le week-end dernier, le président américain a appelé l’Afrique à se prendre en main. Il a prêché la « bonne gouvernance »; il a dit qu’il est facile d’accuser l’Occident des malheurs d’Afrique… Mais son discours n’est pas sans précédent.
L’Afrique a pris date. Comme toujours. Dans un discours d’une clarté liturgique, le président américain a incité les Africains à rejeter la tyrannie et la corruption, deux éternelles maladies. Une noble ambition, si tant que les mots, aussi forts soient-ils, suffisent à réveiller les consciences. L’Afrique, en effet, demeure l’Everest des Coups d’Etat permanents, politico-médiatico-financiers. La mode est aux Constitutions taillées sur mesure. Oui, les Kibaki, Mugabé, Tandja, Rajoelina, Dadis Camara et autres féticheurs du pouvoir à vie, assombrissent l’horizon africain. Même le Sénégal, pays d’intellectuels et autrefois parangon de démocratie, du moins dans la confrontation des idées, offre ces dernières années un spectacle pitoyable: le niveau du débat politique s’est effondré; les suspicions et le vide règnent en maître.
« Toutes les chansons Racontent la même histoire. » (Laurent Voulzy dans « Désir, Désir »)
Si le discours d’Accra tombe à point nommé – jamais l’Afrique n’avait connu en une seule année autant de crises politiques -, il n’est pas novateur. Loin s’en faut. Avant lui, le 20 juin 1990, à La Baule, François Mittérand surprit ses invités en martelant que le temps était venu d’organiser les élections. Audacieux, ce discours de circonstance avait en commun avec celui d’Obama qu’il ne peut y avoir de développement sans démocratie. Plusieurs pays africains, alors, connurent des Conférences nationales – des étals de règlements de comptes. En 1992, à Libreville, Pierre Bérégovoy, s’exprimant au nom du président français, équilibra le discours de La Baule, ou plutôt le corrigea, en assénant que la sécurité demeurait la condition première de toute transformation politique et économique. Que fallait-il en penser? Un reniement? Dans tous les cas, l’ouragan des intérêts balaya le message du discours de La Baule. Et pour cause: en novembre 1994, lorsque François Mittérand fit ses adieux à ses « amis » africains : « La France ne serait pas tout à fait elle-même aux yeux du monde, si elle renonçait à être présente en Afrique… » La présence: c’est le mot qui convient. Et Barack Obama sait qu’en choisissant le Ghana pour son premier voyage subsaharien, il n’a pas seulement salué les progrès démocratiques de ce pays. En sourdine – et ce n’est pas un préjugé que de le dire -, se dessine une présence américaine importante dans ce pays: le Ghana, dès 2010, produira du pétrole; il pourrait concurrencer l’Angola. Une certitude: les richesses minières, pétrolières, ne font pas bon ménage avec la démocratie africaine…
Nicolas Sarkozy a suscité un tollé à Dakar, pour une maladresse: « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. » Mais, avant lui et dans un autre contexte, Victor Hugo alla plus loin : « L’Afrique n’a pas d’histoire; une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe. (…) Allez, peuples, emparez-vous de cette terre! Prenez-là! » (18 mai 1879).
Il est plus facile de dire que l’Afrique est seule responsable de ses malheurs; en revanche, cela sonne comme un tabou de dire que le continent noir est trop souvent pillé et dépourvu de moyens optimaux pour son développement tant politique qu’économique. Le discours d’Accra est un feu de paille, à l’image de ceux de La Baule et de Dakar. Très bientôt, plus personne n’y pensera. Pas même Barack Obama lui-même.
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