Les candidats démocrates à la Maison Blanche n’arrivent pas à se départager. Les superdélégués, qui dans leur majorité sont acquis à Hillary Cinton, devront trancher en août prochain. Seront-ils amenés à voter contre Barack Obama que les électeurs démocrates sont en train de plébisciter ?
Le duel qui oppose Barack Obama et Hillary Clinton, les deux candidats à l’investiture démocrate pour la Maison Blanche, risque de faire jouer un rôle inédit aux superdélégués à la convention démocrate qui se tiendra fin août. Huit victoires successives, deux autres potentiellement dans le Wisconsin et à Hawaii où on vote ce mardi, ont permis au sénateur de l’Illinois de détenir plus de délégués que sa rivale, Hillary Clinton. Mais la sénatrice de New York dispose, elle, d’un contingent plus important de superdélégués. Ce terme désigne les 796 personnes qui représentent les cadres du parti démocrate lors du choix du candidat officiel. Ils votent librement et leur rôle pourrait être décisif puisqu’aucun des candidats démocrates ne semble pouvoir réunir les 2025 délégués, sur 4049, qui lui auraient assuré la victoire. Leur réintroduction en 1984 dans le processus de désignation avait pour but de contrebalancer le vote populaire pour en faire un choix plus politiquement réfléchi, voire rééquilibrer celui des activistes qui avaient tendance à encrer le parti à gauche.
Aujourd’hui, ils menacent de diviser le parti démocrate. Le vote populaire semble se porter sur Barack Obama alors qu’Hillary Clinton paraît avoir la faveur de la majorité des superdélégués démocrates. « Les deux tiers », selon François Durpaire, historien et auteur de L’Amérique de Barack Obama, publié aux éditions Démopolis. «Théoriquement, les superdélégués n’ont pas de poids sur la campagne, ils sont censés répliquer le jeu démocratique. Ils doivent aller, en principe, dans le sens du vote populaire. » Pour François Durpaire, la situation s’avèrera plus complexe en cas d’égalité entre les candidats, ou si Hillary Clinton venait à avoir une légère avance sur le sénateur de l’Illinois. Si les supérdélégués choisissaient Hillary Clinton, analyse-t-il, cela aurait trois conséquences majeures. « En cas de défaite du candidat choisi, prédit l’historien, les démocrates auraient perdu, alors qu’ils avaient deux bons candidats, face à John McCain, le moins mauvais des Républicains, car c’est en ces termes que ce candidat est perçu. » En outre, les démocrates sont convaincus que tout concourt à leur retour au pouvoir.
De contrepoids à caisse de raisonnance
Un tel scénario présente également un risque pour l’avenir du parti. Plusieurs de ses membres, comme l’’ancienne directrice de campagne d’Al Gore, Donna Brazile, ont menacé de rendre leur carte si le vote populaire n’était pas suivi. Enfin, « ce serait une menace pour la cohésion du pays parce que des milliers de personnes se sont mobilisées pour ces élections, notamment parmi les jeunes, que 90% des Noirs ont choisi Barack Obama, que les Blancs l’ont également plébiscité. Les cadres du parti porteraient ainsi la responsabilité d’avoir écarté la possibilité d’avoir un président noir pour la première fois dans toute l’histoire des Etats-Unis. Un pays où les questions raciales fragilisent la cohésion nationale et que le candidat en question a fait campagne sur le thème de voir les clivages de la société américaine être transcendés. »
Les superdélégués sont aujourd’hui les cibles des opérations de séduction des candidats. Plus de la moitié d’entre eux seraient indécis. Barack Obama avaient souhaité, dans un premier temps, qu’ils votent à l’image des électeurs américains. Puis, son équipe a indiqué qu’elle ne remettrait pas en cause le fonctionnement du processus de désignation du candidat. Le dilemme auquel seront éventuellement confrontés ces hommes et ses femmes dénotent, encore une fois, le caractère exceptionnel de ces élections. « Avec cette campagne, on a pris 30 ans d’avance, note François Durpaire, il ne faudrait pas que les superdélégués nous ramènent 40 ans en arrière. » Vox populi, vox Dei ?