Barack Obama et Paul Biya : deux mondes, deux destins


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L’histoire est en train de s’écrire en majuscules au pays de l’Oncle Sam. Pour la première fois dans l’histoire, un Noir va être président des Etats-Unis d’Amérique, la première puissance économique, culturelle et militaire au monde. Très peu nombreux sont ceux qui auraient prédit ce résultat historique, quand on sait que Barack Obama partait, au mieux, en outsider. Un Noir président dans l’Amérique blanche, conservatrice et protestante, quelle idée ! C’est pourtant ce qui, contre tous les pronostics, vient de se produire.

L’événement, pour historique qu’il soit, n’en est pas moins révélateur des attentes que le monde entier nourrit, à tort ou à raison, envers le choix des électeurs américains. Tourner la page Bush, redorer l’image abimée des USA dans le monde, redonner de l’espoir aux américains les plus défavorisés, etc. Et surtout, en ce qui concerne les Africains, le rêve (illusoire ?) qu’une onde de choc aussi forte, dans ce pays aussi fort, ne peut pas manquer de se propager chez eux. Notamment au Cameroun.
Car, hasard du calendrier, ce début de mois de novembre est d’une tout autre saveur pour les Camerounais. En effet, le 06 novembre 1982 – il y a si longtemps… –, les Camerounais avaient, eux aussi, un nouveau président : Paul Biya. Si l’Américain avait déjà fait ses preuves avant d’accéder, par la volonté de son peuple exprimée dans l’isoloir, le camerounais était, lui, un illustre inconnu. Oh ! Il avait été auparavant ministre, secrétaire général à la présidence, puis Premier ministre ! Mais personne ne connaissait cet homme (trop) discret. Il aura fallu que le dictateur d’alors démissionne de ses fonctions – après 25 ans aux affaires – pour que Paul Biya accède, constitutionnellement, à la lumière des projecteurs. Il était, lui aussi, jeune et beau. Et, comme pour son homologue américain, on le disait intelligent. D’accord : l’un est un orateur brillant, l’autre…

Depuis, l’homme est resté discret, trop discret, au point de mériter le doux surnom de Sphinx. Il n’a ménagé aucun effort pour se maintenir aux commandes d’un pays qui n’arrête pas sa descente aux enfers. Il a affamé son peuple. Il a institutionnalisé la corruption, le tribalisme, l’impunité, et bien d’autres joyeusetés. Il a truqué, systématiquement, toutes les élections. Il a démantelé une Opposition déjà mal en point à cause du manque de consistance de ses leaders, dont la seule fonction d’opposant se résumait – et se résume toujours – à prendre la place du Prince, l’autre surnom de Paul Biya.

Heureusement pour les Américains, la DÉMOCRATIE est une réalité effective depuis des lustres. Heureusement pour eux, ils ont la possibilité – si les espoirs qu’ils mettent en Barack Obama venaient à être trahis – de le renvoyer à sa profession d’avocat. Ils ne devront supporter « que » quatre ans. Les Camerounais, eux, n’ont pas cette chance. Le Sphinx a estimé n’en avoir pas encore assez du pouvoir, après vingt-six ans d’activité. Il a tripoté la Constitution, a supprimé la limitation de mandat, et est prêt, si MADRE NATURA y consent, à rempiler en 2011.

Paul Biya, l’interminable «Renouveau» du Cameroun

Quand j’observe la liesse qui s’empare du monde entier à l’élection de Barack Obama, je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée pour mes compatriotes. Je ne peux m’empêcher de voir de la malice dans ce hasard du calendrier. De l’autre côté de l’Atlantique, on célèbre l’arrivée d’un homme nouveau, porteur d’espoir. Chez nous, l’appareil d’Etat se prépare à fêter le vingt-sixième anniversaire de l’accession de Paul Biya au pouvoir. VINGT-SIX ANS à appliquer une politique qu’il a baptisée du doux nom de « Renouveau » !!!

J’imagine que, comme le veut la pratique, Paul Biya adressera, s’il ne l’a déjà fait, un message à son homologue américain pour le féliciter pour sa brillante et historique élection. Et, le ridicule ne tuant pas, il ajoutera qu’il espère que cette élection historique contribuera à renforcer les liens d’amitié entre les peuples camerounais et américain. Rien de bien compliqué, même pour un homme dont l’ardeur au travail est connue de tous. Il n’aura qu’à copier-coller le message envoyé, il y a bien longtemps maintenant, à Ronald Reagan, ou à choisir celui qu’il destina à Georges Bush-père. A moins qu’il ne préfère l’un des deux messages adressés à Bill Clinton. Il pourrait, enfin, faire plus court : les deux messages envoyés à Georges Bush-fils feront alors l’affaire.

Un jour nouveau se lève sous le ciel américain. Un autre, plus sombre, se montre aux Camerounais. L’Afrique – qu’un éditorialiste camerounais appelle « ce dépotoir de l’Humanité » – est donc capable de produire le Rêve devenu réalité d’un côté, et le Cauchemar qui tarde à s’en aller, de l’autre ?

Allons ! Ne boudons pas notre plaisir. Souhaitons la bienvenue au nouveau locataire de la Maison Blanche. Et un joyeux anniversaire à celui qui se croit propriétaire de droit divin du Palais de l’Unité…

 Marcel-Duclos Efoudebe est l’auteur de L’Afrique survivra aux afro-pessimistes, L’Harmattan, 2007.

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