
Le gouvernement malien frappe fort : le siège de Barrick Gold à Bamako a été fermé, marquant une nouvelle étape dans le bras de fer entre l’État et la multinationale canadienne. En jeu : des centaines de millions de dollars, un nouveau code minier contesté, et une volonté affirmée de souveraineté économique dans un secteur clé.
Le 15 avril 2025, les autorités maliennes ont ordonné la fermeture du siège de la multinationale canadienne Barrick Gold à Bamako. En cause : un contentieux fiscal persistant sur fond de réformes législatives et de tensions croissantes autour de la souveraineté économique du pays. Derrière cette mesure radicale se dessine un bras de fer stratégique entre un État en quête de contrôle sur ses ressources et un géant minier qui conteste les nouvelles règles du jeu.
Un différend vieux de plusieurs mois
Depuis l’adoption d’un nouveau code minier en 2024, le Mali a intensifié sa politique de recouvrement fiscal auprès des grandes entreprises du secteur aurifère. Ce texte renforce notamment la participation publique dans les projets miniers et permet à l’État de revoir certaines exonérations fiscales précédemment accordées. Barrick Gold, qui exploite le complexe de Loulo-Gounkoto à 80 % (le reste appartenant au Mali), conteste l’application quasi rétroactive de ces nouvelles dispositions.
La fermeture du siège de Barrick à Bamako n’affecte pas directement le site minier de Loulo-Gounkoto, déjà à l’arrêt depuis plusieurs mois, mais elle marque une escalade dans les tensions. L’administration fiscale malienne justifie cette décision par le « non-paiement d’impôts », soulignant que des centaines de millions de dollars sont toujours réclamés au groupe canadien.
Dans un communiqué, Barrick déplore la fermeture de ses bureaux et accuse certaines figures au sein de l’administration malienne de bloquer un accord pourtant négocié en février. Selon l’entreprise, un compromis avait été trouvé avec le ministère de l’Économie, incluant le versement de 275 milliards de francs CFA (environ 438 millions de dollars), mais il n’a jamais été officiellement signé.
Un enjeu de souveraineté nationale
Au-delà du différend fiscal, l’affaire cristallise une dynamique plus large : celle d’un Mali déterminé à reprendre la main sur ses ressources naturelles. Depuis les coups d’État de 2020 et 2021, la junte au pouvoir affiche une volonté affirmée de « restaurer la souveraineté économique », notamment dans le secteur extractif.
L’or représente environ un quart du budget national et constitue la première source d’exportation du pays. Dans ce contexte, le bras de fer avec Barrick Gold illustre une stratégie plus globale de renégociation des termes de la présence étrangère dans l’industrie minière, souvent perçue comme inéquitable par les autorités maliennes.
Vers une sortie de crise ?
Malgré les tensions, les discussions ne sont pas rompues. Barrick affirme rester disposée à reprendre la production immédiatement si les conditions de l’accord de février sont réunies. Des transferts de personnel ont même été amorcés vers d’autres sites du groupe en Afrique, notamment en République démocratique du Congo.
Mais pour l’heure, l’impasse persiste, alimentée par des divergences d’interprétation, des intérêts politiques internes et un climat des affaires fragilisé. À Bamako, comme à Toronto, les regards restent tournés vers un éventuel déblocage, tandis que les enjeux financiers et symboliques de ce conflit ne cessent de croître.