La scission au sein du « quinzomadaire » Gri-Gri International a donné naissance à Bakchich, un nouveau journal satirique en ligne. Le rédacteur en chef, Xavier Monnier, nous explique quelles sont les aspirations de ce nouveau média, qui ne se veut pas un concurrent du Gri-Gri.
Les « méchants dissidents », comme ils se surnomment, ont tourné la page du Gri-Gri International. Mais ils ont ouvert une nouvelle fenêtre sur la toile avec Bakchich, un site d’information satirique dont le contenu, déjà consistant, est présenté sur un fond ocre, marron et blanc. L’objectif du groupe de journalistes qui a quitté le « quinzomadaire » est d’offrir à leurs lecteurs de la satire et pas de l’opinion. Ce qui n’était plus possible au Gri-Gri, selon le rédacteur en chef. Xavier Monnier revient sur la scission avec le Gri-Gri, mais aussi sur les aspirations de Bakchich à court et moyen termes.
Afrik.com : Quelle est votre version de la scission d’avec le Gri-Gri ?
Xavier Monnier : A un moment, nous étions tous d’accord sur la ligne éditoriale et puis ça a changé. Mais ça me gêne un peu de revenir dessus parce qu’on a déjà dû pas mal s’expliquer.
Afrik.com : Mais je suis obligée de vous poser la question…
Xavier Monnier : Oui, je sais… Nous avons eu une divergence éditoriale. L’ensemble de la rédaction ne tirait plus dans le même sens. Le journal devenait de plus en plus un journal d’opinion alors que nous préférions faire de l’information satirique. Et puis il y a eu cette interview de Jean-Marie Le Pen (leader de l’extrême droite française, ndlr). Cela ne me pose pas de problème de passer une interview de lui, mais le tout c’est de poser des questions qui ne vont pas dans son sens. Il y a une question qui disait : « Alors Jean-Marie, vous savez que beaucoup d’Africains vous aiment bien ? » Je ne pouvais pas cautionner ça. J’en ai discuté avec un journaliste sénégalais qui a été aussi surpris que moi. Le directeur de publication a été très clair. Il a dit que si nous n’étions pas d’accord, nous n’avions qu’à partir. Et nous sommes partis, ça ne va pas plus loin que ça. Il n’y a pas de souci et nous n’avons pas envie de nous éterniser là-dessus.
Afrik.com : Dans la présentation que vous nous avez faite parvenir, vous vous qualifiez de « méchants dissidents ». Est-ce ironique ? Cynique ?
Xavier Monnier : C’est ironique. C’est une référence au fait que l’on se soit fait attaqués pour avoir quitté lé Gri-Gri. Ça ne va pas plus loin. Mais tout ça est loin derrière et nous commençons une nouvelle aventure avec Bakchich, qui est en ligne depuis le 5 mai.
Afrik.com : Pourquoi le nom de Bakchich ?
Xavier Monnier : Il est né après une longue réflexion, un peu arrosée, je le concède. Nous cherchions un terme que tout le monde connaît et qui est utilisé dans toute la zone que l’on couvre (Afrique noire, Maghreb, Moyen-Orient, France). Et dans toutes ces zones, le terme est connu, d’autant qu’en anglais on utilise un peu le même « baksheesh ». Du coup on a (aussi) fait quelques recherches et on a trouvé que le terme bakchich signifie dans sa plus ancienne acception « cadeau aux dieux ». D’où dans l’éditorial de notre site, le jeu de mot bakchich cadeau aux dieux (nos lecteurs) ou/et cadeaux odieux (pour tous ceux qui magouillent et saignent les zones que nous couvrons).
Afrik.com : Vous expliquez surtout vous concentrer sur le Maghreb. Pourquoi ?
Xavier Monnier : Si nous sommes plus concentrés sur le Maghreb, c’est notamment une question d’opportunité. Beaucoup de nos journalistes sont algériens, marocains ou spécialisés sur le Maghreb alors nous avons plus de papiers sur cette région. Mais nous avons de plus en plus d’articles sur le Bénin, le Sénégal ou le Congo de la part de nos journalistes qui partent deux ou trois semaines dans l’un de ces pays.
Afrik.com : Quelle fréquentation avez-vous jusqu’à présent ?
Xavier Monnier : Nous sommes assez contents car depuis le 5 mai nous avons déjà 4 000 visiteurs uniques, une cinquantaine d’articles et une quinzaine de dessins. On commence à trouver un public qui nous lit. Nous avons même des visiteurs d’Afrique, ce qui est important pour un média comme le nôtre qui traite de l’Afrique, du Maghreb et du Moyen-Orient.
Afrik.com : Comment avez-vous communiqué pour vous faire connaître ?
Xavier Monnier : La communication a été extrêmement basique. Nous avons un mailing avec nos propres contacts. Nous avons créé une newsletter et les gens l’ont apparemment diffusée autour d’eux. Par ailleurs, certains sites ont repris nos articles, notamment le site sénégalais Rewmi à qui nous avons proposé un article sur la visite du Président Wade à Paris. Ils ont accepté de le prendre et cela a été un déclencheur qui nous a ramené beaucoup de visites car la diaspora sénégalaise est très active. Des sites marocains et algériens nous reprennent également.
Afrik.com : Avec qui collaborez-vous ?
Xavier Monnier : D’anciens journalistes du Gri-Gri et des nouveaux, enchantés par le site, nous ont rejoints. Nous comptons des Marocains, des Algériens, des Français, des Burkinabès… Nous avons aussi des Tunisiens qui signent sous pseudo, car le régime n’est pas spécialement doux avec les journalistes… En tout, nous avons une quinzaine de journalistes qui gravitent autour du site.
Afrik.com : Quel est votre mode de fonctionnement ?
Xavier Monnier : Bakchich est une Sarl de presse en cours de constitution dont les journalistes détiennent le capital. Tous les journalistes qui y travaillent sont bénévoles. Les articles sont mis en ligne au gré de l’actualité, mais nous tendons vers un rythme de deux articles nouveaux par jour, donc une quinzaine de nouveaux articles par semaine.
Afrik.com : Des personnalités soutiennent-elles votre démarche ?
Xavier Monnier : Tous les gens qui ont envie d’une vraie information satirique sur l’Afrique. Certaines personnalités du Canard Enchaîné et de Charlie Hebdo nous aident. Nous prenons des conseils concernant l’information et la bonne tenue du site auprès de Jean-Pierre Tuquoi du Monde. Madiambal Diagne, un journaliste du Quotidien au Sénégal, nous soutient également. Comme nous sommes une équipe assez jeune, nous sommes preneurs de tout conseil de journalistes expérimentés d’Afrique et de France.
Afrik.com : Envisagez-vous une version papier de Bakchich ?
Xavier Monnier : Oui. Pour Internet, nous n’avons pas besoin de gros financements, mais pour une version papier si. Nous sommes donc à la recherche de financements, mais des financements qui seraient plus de l’ordre du mécénat parce que nous ne voulons pas être dépendants de quelqu’un qui pourrait influer sur notre ligne éditoriale. Nous prenons notre temps car c’est une équation difficile à résoudre.
Afrik.com : Comptez-vous faire concurrence au Gri-Gri ?
Xavier Monnier : Nous ne sommes pas concurrents, car nous ne sommes pas sur le même support et que nous avons une aventure différente. Par ailleurs, même si nous traitons parfois les mêmes thèmes, on ne le fait pas forcément de la même façon.
Visiter le site de Bakchich
Lire aussi : Le Gri-Gri International est de retour