L’écrivain Baenga Désiré Bolya nous a quittés mardi dernier, le 8 août 2010. Il a perdu connaissance dans une rue de Paris entre la place de la Bastille et la place d’Alligre, et nous avons perdu un esprit d’une acuité et d’une originalité radicales, et à chaque fois surprenantes, hors normes.
Ses amis lui en veulent d’être parti si tôt, à 53 ans, mais il continue de les interroger. Baenga vivait pauvrement et mangeait peu, malgré plus de dix livres publiés. Son œuvre nous reste, vaste : romans, essais sur l’économie mondiale et sur l’Afrique, éditoriaux et articles de presse…
Mais nos regrets compassionnels se heurteront toujours à sa rigueur, à son éthique intellectuelle — cette très très grande indépendance d’esprit qui tranche tant avec la tendance au suivisme et à l’entre-soi qui caractérise notre époque. Ses prises de position ne manquaient jamais de prendre à contre-pied les écoles et les courants de pensée, autant que les interlocuteurs et les amis, comme pour élargir sans cesse le débat afin que le débat ne manque pas une fois de plus l’urgence du réel ni sa complexité.
Etrangement, cette solitude philosophique, ce travail d’exigence qui passait chez lui pour une aisance naturelle et narquoise, s’accompagnait d’une connaissance approfondie et presque amoureuse de ses contemporains de tous bords. Il connaissait, des artistes des intellectuels et des politiques, non seulement les œuvres et les positions, mais aussi leur âges, leurs études précises, leur parcours et leurs affaires; comme un vieux sage qui souriait et recensait les petits traits humains sous l’emphase des grands débats d’idées. Cette attention méticuleuse aux autres, peut-être une qualité typiquement africaine, faisait que même s’il n’était d’accord avec personne, il connaissait tout le monde !
Baenga Bolya ne dansera plus avec nous ces valses dialectiques dans le ciel de Paris qu’il ouvrait de sa grosse voix jusqu’aux confins de la géopolitique et de l’histoire. Mais son œuvre est bien là, qui n’aura jamais fini de nous surprendre et de provoquer une réflexion qui nous dépassera encore souvent.
Nos pensées vont vers sa famille, en République du Congo et de part le monde, à sa femme et à sa fille, qui occupait beaucoup ses pensées. Puissent-elles trouver une rémission à leur douleur dans l’ampleur de l’hommage que nous essayerons de rendre à un grand homme, un écrivain fondamental et un Africain indépendant.
Grégoire Lyon, le 14 Aout 2010, à Amboise.
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