Pour Ba’Ponga comme pour nombre de jeunes férus de hip-hop en Afrique, le rap est avant tout un message. Longtemps considéré comme une musique de voyous, le rap se débarrasse peu à peu de cette étiquette. Au Gabon, du moins, où la population n’a de cesse de soutenir les acteurs de ce mouvement. Ba’Ponga est de ceux là.
« Ba’Ponga l’animal ». Eben Entertainment et Must Records présentent un artiste hip-hop originaire du Gabon : Ba’Ponga. L’animal, ainsi s’intitule le 1er album d’un des précurseurs de la scène rap africaine. Sorti il y a plus d’un an au pays, l’opus vient de sortir des frontières et tente une percée en France. Issu de la célèbre formation Raaboon, Ba’Ponga a fait ses premiers pas dans le hip-hop, alors que personne ne souhaitait en entendre parler sur le Continent. Aidé par Eric Amar Benquet, président du label gabonais Eben Entertainment, Ba’Ponga a bel et bien l’intention d’imposer le Gabon sur la carte du rap international.
Afrik.com : Que signifie « Ba’Ponga »?
Ba’Ponga : BA veut dire LES en français. PONGA , au Gabon, dans mon village en tout cas, renvoi à des feuilles, des herbes, dont on se sert dans la vie courante ; aussi bien pour faire la vaisselle que pour laver les enfants.
Afrik.com : Que pouvez-vous nous dire à propos de vos débuts dans le hip-hop en Afrique ?
Ba’Ponga : Je me suis intéressé au hip-hop vers 1989. J’ai d’abord été danseur, comme nombre de mes partenaires. A l’époque nous rappions sur ce qu’on appelle des faces b, c’est-à-dire des instrumentales d’autres artistes, américains le plus souvent. J’ai fait pas mal d’interprétations avant d’en venir à écrire mes propres textes. J’écoutais tout ce qui sortait, aussi bien en France qu’aux Etats-Unis, grâce à de la famille à l’extérieur. Puis est venue ma première participation à une émission télé, « la Librevilloise ». De fil en aiguille j’ai pu intégrer mon tout premier collectif, qui avait pour nom « les rappeurs de la côte ouest africaine ».
Afrik.com : Quel a été l’élément déclencheur en ce qui vous concerne ?
Ba’Ponga : Avant tout la passion. Cette volonté d’extérioriser certaines choses enfouies au plus profond de moi. Ce désir de partage, ce plaisir de communiquer mes états d’âme au plus grand nombre. Si au début, les rappeurs africains étaient très revendicatifs, ce n’était pas sans raisons. Je me souviens que personne ne souhaitait nous donner la parole. Il était presque interdit de diffuser cette « musique de voyous ». Mais avec l’aide d’autres passionnés comme Arcade (à l’époque animateur radio sur Africa N°1) j’ai eu la possibilité d’enregistrer et de diffuser mes faces b sur les ondes. Fin 93, je faisais la rencontre de Raaboon, mon groupe, avec qui on a pu représenter dignement le rap gabonais.
Afrik.com : Pourquoi avez-vous choisi d’intituler votre album L’animal ?
Ba’Ponga : J’ai opté pour ce titre à la suite d’une petite réflexion personnelle. Dieu n’a pas fait d’esclaves, mais que des bêtes. Tout le monde sait qu’à la base l’Homme est un animal, forcément nous sommes tous plus ou moins égaux, avec chacun son territoire, chacun ses habitudes…Si l’Homme s’en tenait à cela, nous pourrions éviter bien des désagréments.
Afrik.com : Comment vous est venue l’idée de faire un projet solo?
Ba’Ponga : L’idée d’un album solo m’est venue sur le tard, tout juste en 2003, à la suite des Kora, où nous avons reçu, Eben Entertainment et moi, le trophée de la révélation de l’année. Eben Entertainment est un label gabonais de production, de management, et de développement d’artistes. D’ailleurs j’envoie tout mon respect à son président Eric Amar Benquet, qui œuvre beaucoup en faveur de la musique au Gabon.
Afrik.com : Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à sortir L’Animal en France ?
Ba’Ponga : L’opus est sorti au Gabon en 2005 et il a rencontré un franc succès. Initialement nous avions prévu de ne diffuser que mon deuxième album dans l’Hexagone, mais pour des raisons bien fondées, la stratégie de mon label a consisté à donner un avant-goût au public français. Ainsi, le public a l’occasion de se familiariser avec mon univers.
Afrik.com : Peut-on connaître le nom de votre prochain produit ?
Ba’Ponga : Mon 2ème album s’appellera Karnivor. Il sera précédé du single « More faya ».
Afrik.com : Vous considérez-vous comme un rappeur qui éveille les consciences ?
Ba’Ponga : Dans mon quartier, on m’appelle le « Grand Frère ». Je suis quelqu’un qui prône la paix et l’amour, car je sais où peut mener la violence. Je préfère être un bâtisseur. J’estime être là pour emmener la jeunesse sur de bons rails, la conseiller quant à son avenir. Il faut des modèles pour les jeunes en Afrique. Par la force des choses, à mon humble niveau, on m’a plus ou moins confié cette tâche. Je me dois d’être à la hauteur des attentes et des espoirs placés en moi. J’ajouterais juste qu’il nous faut changer, en premier lieu, nos mentalités. Beaucoup parlent de changer nos pays, alors qu’il est primordial de faire un travail sur nos mentalités.
Afrik.com : Sur certains de vos morceaux, on a l’impression de participer à des rites. Est-ce cas ?
Ba’Ponga : Mon père était un Bwitiste, un N’ganga, quelqu’un qui savait guérir par les plantes. Je suis né dans cet univers, et j’essaie de le retranscrire dans ma musique. J’essaie de faire découvrir la richesse de nos valeurs à travers la musique. Le partage est essentiel. Par exemple, au terme d’une guérison, on remercie les esprits en chantant et en dansant. Le tout en musique. Il est des valeurs dont il nous faut être fiers.
Afrik.com : Quel serait le conseil que tu donnerais à un jeune Africain qui décide de faire carrière dans le rap ?
Ba’Ponga : Je lui conseillerais de poursuivre ses études. Du moins de les finir. Les études en Afrique constituent une priorité. Depuis 3 ans, je vis enfin de ma musique, mais comme nombre de mes camarades, je connais l’importance de l’école. Même pour faire du rap il faut aller à l’école. C’est indispensable. Tout comme il est indispensable que les jeunes restent sur le Continent pour faire avancer les choses. A l’époque, avec mon groupe Raaboon, au vu de notre succès, beaucoup nous ont conseillé d’aller à l’étranger, mais cela ne nous a pas intéressés. Résultat : au Gabon, le mouvement hip-hop bénéficie d’une image plus positive. Avant les rappeurs étaient des laissés pour compte, aujourd’hui des structures sont en place, et le hip-hop fait la fierté du pays à l’extérieur.
Afrik.com : Quel serait votre mot de la fin ?
Ba’Ponga : J’aimerais dire que « Dieu est grand ». Et demander à mes frères africains de rester fiers.