Avec Electric Griot Land, le koraïste guinéen Ba Cissoko offre un nouvel album qui mêle subtilement tradition et modernité. Tiken Jah Fakoly, les Nubians, Amadou Bagayoko… il y a convié une pléiade d’invités. Il est en concert le 17 avril au New Mornig, à Paris.
La harpe à chevalet kora du Mandingue a été dès le XIX° siècle l’instrument africain le plus apprécié en Occident, pour ses vastes potentialités mélodiques et harmoniques, et pour sa sonorité cristalline. Il y a longtemps aussi qu’elle se prête à de nombreuses rencontres expérimentales hors du champ traditionnel – du travail de Foday Musa Suso avec Herbie Hancock, Bill Laswell ou Mandingo Griot Society, au Symmetric Orchestra de Toumani Diabaté, sans oublier bien sûr Mory Kanté…
Le titre de ce second album de Ba Cissoko (trois ans après « Saboland ») est bien sûr un clin d’œil au chef-d’œuvre de Jimi Hendrix « Electric Ladyland ». De fait, aux oreilles d’un koraïste traditionnel, le son d’ensemble de ce quartet doit sembler aussi inouï que pouvait l’être jadis celui du « Band of Gypsies » pour un guitariste classique. C’est du principalement aux ingénieux effets de saturation et de distorsion utilisés (avec beaucoup de finesse) par le jeune cousin de Ba Cissoko, Sékou Kouyaté à la kora électrifiée. Il n’empêche qu’à la base, cet album possède tous les ingrédients de la musique mandingue ancestrale : aux deux koras s’ajoutent la harpe-basse à trois cordes bolon, le tambour d’aisselle tamani, le djembé et le tambour-calebasse.
Trois des membres du quartet appartiennent à de longues lignées de djeli, les Cissoko et les Kouyaté, rompus aux pratiques traditionnelles. Le morceau qui ouvre l’album est d’ailleurs un hommage à l’héritage griotique. Les Cissoko, réputés originaires de Gambie, mais qui ont essaimé en Guinée et au Mali, s’attribuent même l’invention de la kora.
Ba Cissoko est un élève de son oncle, le grand M’Bady Kouyaté, directeur de l’Ensemble symphonique traditionnel national de Guinée. Lui-même est devenu un authentique virtuose, de la même trempe qu’un Ballaké Cissoko, un Toumani Diabaté ou un Djeli Moussa Diawara. C’est aussi un chanteur généreux sinon charismatique, à la voix fluide et posée.
Quittant Conakry, il s’est établi en 1995 à Marseille, ce qui lui a ouvert bien d’autres horizons, notamment à travers ses collaborations avec le dj Ivy Slam et le trompettiste Gilles Poizat.
Moins intense mais plus éclectique que le précédent, « Electric Griot Land » est aussi davantage hospitalier. Parmi les invités, on oubliera la piètre prestation du rappeur somalien K’Naan sur « Silani ». « Allah Lake » associe aux koras une élégante partie de guitare d’Amadou Bagayoko (d’Amadou & Mariam). Les franco-camerounaises The Nubians interviennent comme choristes dans un style plus « yé yé » que « soul », assez amusant dans ce contexte.
La forte personnalité de Tiken Jah Fakoly s’y intègre parfaitement avec « Africa », hommage aux grands leaders historiques du continent, et avec le réjouissant « On veut se marier », qui pourrait bien faire un tube de l’été ! Autres petites perles : « King Kora », avec ses arpèges de harpe en boucle finement ciselés ; « Sora », qui évoque un peu le « Roomfull of Mirrors » de Hendrix ; et surtout « Adouna », qui évolue insensiblement du plus pur mandingue aux vertiges contrôlés du « dub style ».
Par Gérald Arnaud, pour Africultures
Concert le 17 avril à Paris, au New Morning.
Ba Cissoko, Electric Griot Land, Totolo / 3D Family / harmonia mundi
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La collaboration entre k’naan et Ba Cissoko
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