Axiom toujours en colère


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Axiom
Axiom

Un an après sa « Lettre au président », le premier album solo d’Axiom ne pouvait être qu’engagé. Dans les bacs depuis presque un mois, « Axiom » offre des titres mélodiques et métissés. Le jeune rappeur Lillois y dénonce le communautarisme pratiqué « par le haut », avant peut-être de s’engager en politique. Interview.

Après avoir posté sa « Lettre au président » en novembre 2005, au moment où les voitures brûlaient dans les banlieues françaises, Axiom a sorti fin octobre son premier album solo. Les titres sont mélodiques, appellent à la double culture, marocaine et française, de leur auteur, ainsi qu’à ses nombreuses références musicales glanées depuis 1975, année de sa naissance. Hicham, c’est son vrai prénom, y évoque sa vie de Français d’origine maghrébine dans un quartier de Lille, sa « Medina », ainsi que tous les problèmes attenants à La question des banlieues. Il aimerait évoquer davantage son album dans les interviews, mais c’est plus fort que lui, la politique prend vite le dessus. Le rappeur est persuadé d’avoir des solutions à proposer et envisage même de lancer une liste dans sa municipalité. Interview.

Afrik : Un flyer à l’intérieur de votre album figure un pistolet découpé dans une carte électorale, avec au verso les modalités d’inscriptions sur les listes électorales. Etes-vous favorable à un retour de l’éducation civique ?

Axiom : Uniquement si les dés ne sont pas pipés. Si l’éducation civique n’est pas un graissage social. Aller voter ne fait pas tout, mais il ne faut pas oublier qu’il y a un risque : le Front National. Il faut casser ce système une bonne fois pour toute pour instaurer une VIè République. Droite ou gauche, les deux camps sont spécialistes du détournement de fond…

Afrik : La récente élection de Ségolène Royale candidate socialiste aux présidentielles ne vous émeut donc pas plus que cela ?

Axiom : Il y a deux dimensions en politique : une intérieure et une internationale. On ne peut pas prétendre changer les choses alors qu’on subit un système venu de l’extérieur. Doit-on rompre avec tout le système ? La principale question est de savoir combien de temps allons-nous encore l’endurer et pourquoi n’avons-nous pas le choix. Il faut arrêter de croire en l’absolu du politique. Depuis Bretton Woods, on a dit que l’économie domine le politique. On doit revenir sur cela.

Afrik : Devoir tout le temps dire que vous êtes Français, est-ce fatigant ?

Axiom : Oui. Et peut-être même que nos enfants devront aussi le répéter. C’est pour cela que j’ai écrit la chanson Médina.

Afrik : Est-ce blessant ?

Axiom : Non, car on a grandit avec. Une jeune femme intervenant sur mon forum m’a écrit : « C’est formidable pour un ex-étranger de manier si bien la langue française… » Mais je ne suis pas un « ex-étranger » ! Chez Laurent Ruquier (animateur tv sur la chaîne publique France 2), le public était si estomaqué de voir un rappeur s’exprimer comme il faut, par rapport à tous ceux qui nous font honte, que leur réaction a été des applaudissements. Comme pour le petit nègre. Même ceux qui pensent à bien commettent ainsi des maladresses. Mais je ne peux pas dire que c’est blessant.

Afrik : Un journaliste d’un grand hebdomadaire français était récemment invité à une émission politique télévisée pour témoigner d’un reportage réalisé en banlieue, comme s’il revenait d’un pays étranger. Est-ce cela que vous évoquez dans « Lettre au président » (écrite en novembre 2005 et figurant dans l’album), en l’accusant d’avoir «divisé » plutôt que « rassemblé » ?

Axiom : Le communautarisme est pratiqué par le haut, pas par le bas. On nous taxe de repli communautaire mais ce sont eux qui le pratiquent. Je ne vois pas de Noir dans le 7è arrondissement de Paris. Avec mes potes, on ne s’appellent pas « beurs »… Même des gens bien pensant nous appellent comme ça. Dans « Je suis l’Arabe », c’est de cela dont je parle. Le discours de Sarkozy est divisant, ultra communautariste et c’est lui qui reproche tout cela aux autres. C’est une stratégie politique qui vise à opposer les gens les uns aux autres et à les faire sortir de leur conscience de classe.

Afrik : Vous appelez dans cette « Lettre au président » à la démission de Jacques Chirac. Est-ce une solution ?

Axiom : Je n’aurai pas écrit au président si je ne le respectais pas. Sarkozy ou Le Pen ne recevront pas de lettre de moi. Je l’invite à la démission pour changer de République.

Afrik : Les télés trouvent que vous êtes un « bon client ». Allez-vous devenir un « spécialiste » des banlieues, aux côtés de « docteurs » comme le député maire du Raincy, Eric Raoult, qui écume les plateaux ?

Axiom : J’en ai hâte, car on n’a pas de représentant politique qui parlent de nous. J’aimerais parler de nous, des problèmes d’argent, des solutions… Personne ne nous défend, les habitants des quartiers. Concrètement, nous allons peut-être monter une liste dans ma municipalité de Lille, dans la première circonscription. C’est celle qui ne vote pas.

Afrik : N’est-ce pas fatigant, lorsque l’on est un artiste musical, de parler uniquement de politique aux journalistes… ?

Axiom : Ca me dérange car ça gêne la montée de l’album. Je suis invité à la radio, à la télé et on ne me pose de questions qu’à ce sujet.

Afrik : Les titres de l’album Axiom sont très mélodiques, avec des rythmes orientaux et des instruments, comme l’accordéon ou les percussions, que l’on entend peu dans le rap. Est-ce cela la France ?

Axiom : C’est ma culture. On trouve également des morceaux saoul, comme dans « Génération 75 », ou des influences égyptiennes dans « Je suis l’Arabe ».

Afrik : Pour nombre de Français, vous êtes né à l’automne 2005 avec la « Lettre au président ». Vous ne tombez pourtant pas de nul part…

Axiom : J’ai commencé très tôt et j’ai fait ma première planche à 15 ans. Avec ma maison de production, Mental Kombat, nous avons produit des artistes comme Juste Cause, devenu le ministère des Affaires populaires, ou Coup de pression.

Afrik : Est-ce excitant de sampler l’hymne national ?

Axiom : Il n’est pas samplé mais joué. Ça donne le frisson, c’est plus fort. C’est tout de même le symbole que nous avons tous en commun.

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