À 21 ans, François est à l’image de la jeunesse ivoirienne. Il vit, actuellement, les remous politiques d’un pays qu’il a, durant toute son enfance et son adolescence, connu calme. Seul son amour de l’alloco (plat ivoirien) semble pouvoir freiner son départ prochain pour le pays de l’Oncle Sam.
« J’ai eu mon bac, il y a un an et j’attends mon visa pour les Etats Unis. Je pense y avoir plus d’opportunités qu’en Côte d’Ivoire où le système éducatif est quelque peu défaillant. Mais je reviendrai y travailler, après mes études et une expérience professionnelle sur place ». Beaucoup de jeunes ivoiriens aimeraient bien être à sa place.
D’aucuns, le bac en poche, doivent, parce que de condition modeste, rester à Abidjan et se contenter des soubresauts de son Université. Entre années blanches et grèves, beaucoup ont perdu l’enthousiasme de leurs 20 ans dans les amphis surchauffés des différentes facultés. Pour être sûrs de poursuivre une scolarité universitaire sans trop de remous, il faut se diriger vers les métiers de la santé, les écoles d’ingénieurs ou encore les formations professionnelles.
François est-il un privilégié ?
De cela, François est bien conscient, pourtant sollicité sur son statut de privilégié. Il répond un peu naïvement : « mes parents ont fait de mon éducation une priorité. Ce qui ne veut pas dire qu’ils en ont forcément les moyens ». Son père est ingénieur et sa mère, secrétaire de direction. Il est l’unique rejeton d’une fratrie composée de trois filles. Il y a moins d’un an, il a réussi son bac français au lycée Jean Mermoz, établissement dont le système est calqué sur le système français, largement fréquenté par la jeunesse dorée ivoirienne. Les raisons de son retard : « je me suis montré négligent vis a vis de mes études ». Paradoxalement avec la liberté récente que lui donne ses 21 printemps, il se sent « maintenant plus responsable. La responsabilité, j’y pense de plus en plus. Je veux réussir ma vie et m’occuper de mes parents. »
« Je me sens aussi moins frivole. » De frivolité, parlons-en ! Sa vie sentimentale est un peu vide, depuis que sa copine est partie, elle aussi, pour les Etats Unis. Et le Sida, dans tout ça ? « Depuis un an, j’en ai vraiment une peur bleue et je prends toutes mes précautions ». Les campagnes de sensibilisation incessantes ont semble-t-il atteint leurs objectifs. Le sida n’est pourtant pas le seul fléau qui mine la jeunesse ivoirienne. L’alcoolisme et la toxicomanie font partie du lot des vicissitudes de ses compatriotes.
Convictions et insouciance
« Beaucoup de mes connaissances fument des joints mais la chose ne m’a jamais intéressé. Je ne me laisse pas influencer par mon entourage ». Ce jeune homme volontaire, d’1m 85, friand de basket-ball, se dit révolté par la corruption ambiante. « Si j’étais politicien, ce que je n’aime pas trop, je ferais de la lutte contre la corruption mon cheval de bataille, ainsi que de l’aide aux plus démunis. La situation actuelle du pays me révolte. La situation politique du pays est l’illustration de la poursuite d’intérêts personnels et non de la recherche de l’intérêt général. » Cependant François n’est sérieux que quand il parle de politique. Comme tous les jeunes gens de son âge, il pourrait manger de l’alloco – plat ivoirien à base de bananes plantain découpées en petits morceaux et grillés- 365 jours sur 365 jours.
Il écoute bien sûr beaucoup de rap et de soul, mais ces temps-ci la musique ivoirienne tient le haut du pavé dans son coeur. « J’adore les derniers tubes de zouglou – courant musical ivoirien né de la rue – parce que les paroles des chansons me font beaucoup rire. Et puis je suis un gars du show – quelqu’un qui aime faire la fête – surtout quand c’est à ‘La Java’ – boîte de nuit très à la mode à Abidjan ».
Néanmoins, ce jeune citadin baoulé – ethnie du centre de la Côte d’Ivoire- n’est allé, en 21 ans, que deux fois dans sa vie au village. Pourtant il n’oublie pas l’hospitalité, valeur prônée dans ces lieux. Ainsi, François retiendra de son futur exil américain que la Côte d’Ivoire est une terre d’accueil ouverte à tous.
Lire aussi :
• Avoir 20 ans au Maroc : partir pour mieux revenir