Sur le continent, les pays qui ont diversifié leur économie résistent mieux aux chocs exogènes que ceux dont la richesse repose presque exclusivement sur un seul secteur, comme le tourisme ou l’exploitation de ressources naturelles. Faisant, historiquement, partie de ce second groupe, la République Démocratique du Congo cherche à sortir de sa dépendance aux matières premières, en diversifiant son économie et son industrie grâce au soutien de groupes industriels privés comme Forrest International.
Des économies africaines plutôt résilientes malgré la crise et les soubresauts géopolitiques, mais aux résultats hétérogènes et fortement indexés à leur degré respectif de diversification. C’est en somme la conclusion des derniers chiffres publiés par le Fonds monétaire international (FMI), selon lesquels le taux de croissance réel du continent, considéré dans son ensemble, s’est établi en 2023 à 3,2 %. Légèrement mieux, donc, que la croissance mondiale, qui a atteint 3% à la fin de l’année dernière ; mais moins bien qu’en 2022, année au terme de laquelle la croissance des économies africaines s’était élevée à 3,9%.
Plusieurs raisons expliquent ce léger ralentissement, à commencer par les à-coups de l’activité économique mondiale, suivis par l’inflation – qui a dépassé, en moyenne, 20% sur le continent en 2023 – ou encore l’inflammable contexte diplomatique international dissuadant les investisseurs étrangers. Par ailleurs, les économies nationales africaines ne constituant pas un tout homogène, ces moyennes dissimulent d’importantes disparités entre les pays du continent, selon que ceux-ci soient spécialisés dans un type d’activité économique en particulier – souvent lié à la présence, sur leur territoire, de ressources naturelles – ou qu’ils aient, au contraire, choisi la voie de la diversification.
Les pays les plus diversifiés sont les plus résilients
Et ce sont ces derniers qui, quand l’incertitude règne sur les plans économique et international, semblent le mieux tirer leur épingle du jeu. D’après la Banque africaine de développement (BAD), les pays africains comme le Rwanda, le Bénin ou la Tanzanie, dont les économies sont caractérisées par un haut niveau de diversification, pourraient ainsi « réintégrer la ligue des dix économies à la croissance la plus rapide au monde en 2023-2024 ». Une tendance confirmée par le FMI, selon lequel les pays africains à l’économie diversifiée ont atteint, en moyenne, 3,6% de croissance en 2023 – avec des pointes comprises entre +6% et +7% pour les champions de la diversification que sont l’Éthiopie, le Mozambique ou la Côte d’Ivoire, ce qui les place parmi les pays avec la plus forte croissance au monde.
Quelle est la recette de leur succès ? A la différence de certains de leurs voisins, dont la majeure partie de la richesse repose sur l’extraction et/ou l’exportation d’une ou de plusieurs ressources naturelles non-transformées localement, ces pays ont structuré leur modèle économique de manière plus variée. Ce qui leur permet d’augmenter leur productivité, de créer des emplois, de maintenir une croissance plus soutenue et durable. Mais, surtout, d’éviter de se placer dans une situation de mono-dépendance vis-à-vis d’une production en particulier, elle-même soumise, le plus souvent, aux aléas des marchés mondiaux. En résumé, « les pays beaucoup plus diversifiés continuent d’avancer et montreront plus de résilience au cours des années à venir », assure à La Tribune Kevin Urama, économiste en chef de la BAD.
Les pays « spécialistes » à la traîne
A l’inverse, les pays « spécialistes » montrent des signes de faiblesse, voire de fébrilité. Que leur richesse provienne de leurs réserves en pétrole ou en minerais, ou qu’elle repose par exemple sur le seul secteur touristique, tous sont exposés à des retournements de conjonctures exogènes, sur lesquels ils n’ont, de fait, aucune prise. Ainsi des fluctuations des marchés des matières premières, des bouleversements liés à des conflits lointains, comme la guerre en Ukraine, ou encore de la pandémie de Covid-19, qui a totalement asséché les revenus liés au tourisme pendant de longs mois. Ces pays africains, comme le Liberia, l’Ouganda ou la Sierra Leone, n’ont ainsi atteint « que » 2% de croissance moyenne à la fin de l’année 2023 – les pays pétroliers faisant, malgré la forte volatilité des cours du pétrole, un peu mieux, à +3,5% en moyenne.
L’adage selon lequel il ne faut jamais mettre tous ses œufs dans le même panier se vérifie donc de manière particulièrement saillante au détriment de ces pays africains à la fois « bénis » par la présence sur leur territoire d’immenses ressources naturelles et frappés de plein fouet par la tristement célèbre « malédiction des ressources ». Raison pour laquelle les grands argentiers mondiaux, comme le FMI et la BAD, insistent sur la nécessité, pour ne pas dire l’urgence, de diversifier leurs économies afin de les rendre plus résistantes aux chocs. Une diversification qui doit être pleinement intégrée, pour Kevin Urama, aux plans nationaux de développement (PND) des pays concernés, en y incluant notamment « des objectifs clairs de transition climatique et de croissance verte. Ainsi, quand un investisseur vient, il sait précisément où investir ».
La RDC diversifie son tissu industriel et compte sur des groupes privés, comme Forrest International
Pays extractif par excellence – sa richesse repose principalement sur ses abondantes réserves en bois, pétrole, gaz, or, diamant, cobalt, cuivre, etc. –, la République Démocratique du Congo (RDC) fait partie de ces Etats africains marqués par une hyper-dépendance et une hyperspécialisation vis-à-vis de certains produits exportés à l’état brut et à la valeur très fluctuante. Ce pour quoi la Banque mondiale estime que sa « priorité est de soutenir la diversification économique et l’inclusion en améliorant l’environnement de l’entreprise, la protection sociale (…), ainsi que l’accès à l’électricité et aux services essentiels comme la santé et l’éducation ».
Autant d’efforts, poursuit l’institution, qui « seront essentiels pour renforcer la résilience du pays aux chocs futurs et augmenter la marge de manœuvre budgétaire disponible pour financer des investissements dans les infrastructures et le capital humain ». La Banque mondiale soutient ainsi plusieurs secteurs clés pour diversifier l’économie congolaise, comme le projet de développement de l’agriculture commerciale, le projet forêt et diversification économique ou encore le projet d’accélération numérique du Congo. Au-delà du soutien des grands bailleurs internationaux, la RDC peut aussi compter, pour sa diversification industrielle, sur de gros groupes privés qui, à l’image de Groupe Forrest International, déploient leurs activités dans un grand nombre de secteurs : électricité, agroalimentaire, génie civil, santé, social, construction, etc.
Inquiétudes sur le taux d’endettement
Si diversifier leur économie apparaît donc comme une étape nécessaire pour les pays africains qui demeurent encore trop dépendant des matières premières ou du tourisme, d’autres défis pointent à l’horizon. Ainsi, par exemple, de l’endettement massif des Etats du continent, qui a plus que doublé en une décennie seulement, passant, en moyenne, de 30% du PIB en 2010 à plus de 66% en 2020. Certes, la crise de la dette n’est pas l’apanage de l’Afrique et concerne la quasi-totalité des pays du monde, et le taux d’endettement des pays du continent a, depuis quelques années, tendance à décroître. Mais l’inquiétude demeure, et justifie s’il le fallait encore que les pays à l’économie toujours trop spécialisée se diversifient de toute urgence.