Aux origines du secteur informel en République démocratique du Congo


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En République démocratique du Congo (RDC), le secteur informel représenterait plus de 80% de l’économie. Une situation très préoccupante car handicapant la consolidation d’une économie intégrée en RDC. Contrairement à plusieurs voix appelant à le supprimer, Oasis Kodila Tedika, économiste congolais, nous propose une lecture des facteurs à l’origine de ce phénomène. Au terme de cette analyse, l’auteur aboutit à la conclusion que l’hypertrophie du secteur informel ne résulte pas d’une préférence nationale pour le contournement de la loi, mais de l’excès de réglementation et d’interventionnisme étatique. La solution réside donc dans la réduction de la bureaucratie et la simplification des réglementations.

En République démocratique du Congo (RDC), le secteur informel représenterait plus de 80% de l’économie. Dès lors, il constituerait un frein au développement plus rapide et un facteur réducteur de l’assiette fiscale, minimisant ainsi les dépenses d’infrastructures dont le pays a besoin. Alors que certains voudraient l’atrophier ou le supprimer, le vrai problème c’est avant tout d’en déterminer l’origine.

Comme le souligne fort judicieusement B. Lautier, l’informalité « n’est pas le signe de l’absence d’Etat […]». On peut même dire, pour renchérir, que l’Etat en est très souvent la genèse et le constituant. En fait, si le formel officiel coûte trop cher, il devient normal que les gens ne s’en servent pas. Malheureusement s’il est imposé comme seule solution formelle, et qu’il est trop coûteux pour la plupart des gens, il ne peut y avoir qu’informalité. La RDC ne déroge en aucune manière à cette règle.

En effet, au début des années 70, avec ses taux de croissance de 7%, cette République occupe la position d’une des puissances économiques de l’Afrique. Le parachèvement de son développement n’était plus qu’une question de temps. Il a fallu cependant de peu pour que la vulnérabilité de sa structure économique – économie extravertie, faiblement diversifiée,… – soit dévoilée au grand jour. Le retournement de la conjoncture mondiale des années 70 a entraîné une nette dégradation des termes de l’échange (ils sont passés de l’indice de 100 en 1970 à 34,4 en 1984), nourrie par la hausse des prix à l’exportation et à la baisse des cours mondiaux des matières primaires. Cette dégradation, à son tour, s’est répercutée négativement sur la production, débouchant ainsi sur une crise économique.

Celle-ci va prendre de l’ampleur à la suite des politiques inadaptées, à savoir des politiques monétaires et budgétaires durablement laxistes et des taux de change intenables, avec des écarts entre le taux de change officiel et le taux parallèle dépassant plus de 300%. A ceux-là s’ajoutent les mesures de zaïrisation (réservation exclusive des activités du commerce aux autochtones, nationalisation des sociétés agro-industrielles…) et de « radicalisation » (contrôle étatique de tous les secteurs économique essentiels jusqu’alors abandonnés aux privés) et la mauvaise gestion des grandes entreprises publique. Tout cela va donner un coup fatal à cette économie. Ainsi, le secteur formel se réduit nettement comme l’atteste les indicateurs : entre 1980 et 2000, la production intérieure a baissé de 69%, les revenus de l’Etat de 81%, et les exportations de 67%. La capacité de prélèvement fiscal de l’Etat qui était déjà faible en 1980 (8% du PIB) était tombée à 5% en 2000.

Un secteur informel entretenu par l’Etat

Cette « déformalisation » a naturellement entraîné vers le bas les salaires (le revenu d’un salarié passe de 1572.5 dollars en 1973 à 28 dollars en 1998) et vers le haut le taux de chômage (il est estimé à plus de 90% aujourd’hui). Avec un tel tableau, la population dotée d’esprit d’entreprise s’est déversée dans les activités dites « informelles ». L’effondrement du secteur formel fut donc inévitablement compensé par le développement du secteur informel.

Et depuis lors, il est entretenu par l’Etat. Dans une étude de Makabu Ma Nkenda, Martin Mba, Sébastien Merceron et Constance Torelli intitulée « Le secteur informel en milieu urbain en République démocratique du Congo : performances, insertion, perspectives principaux résultats de la phase 2 de l’enquête 1-2-3 2004-2005 », les auteurs constatent que, dans les centres urbains congolais, près de 66% des chefs des entreprises informelles (EI) méconnaissent des obligations juridiques pour se faire enregistrer à l’administration. Entre 5,3 % et 8,3 % des EI estiment que les démarches à entreprendre sont trop compliquées. Enfin, le coût monétaire associé à l’inscription aux registres administratifs est invoqué par environ un quart des promoteurs. Alors que selon la même étude près de 91 % des UPI sont totalement inconnues des services publics.

Et à la question « existe-t-il une volonté de l’Etat de pousser les informels à s’insérer dans le cadre réglementaire, et donc d’accéder au secteur formel ? » les chercheurs répondent par la négative. Cela paraît évident lorsque l’on regarde le Doing Bussiness 2010 : la RDC occupe la 182ème position sur les 183 en termes de facilité de faire des affaires. Y créer une entreprise coûte 149 jours, avec 13 procédures, alors que dans le Rwanda voisin, cela ne prend que 3 jours. Et « Lorsqu’un litige survient, le différend se règle par le paiement d’une amende dans plus de 36 % des cas. Le paiement d’un « cadeau », symptôme du phénomène de la corruption, représente le mode de règlement du conflit pour plus de 44 % des chefs d’UPI interpellés par les agents de l’Etat », dixit les auteurs cités. Pour un pays se positionnant à la 162ème place sur 180 en matière de perception de la corruption, selon Transparency International ; cela se comprend spontanément.

En somme, l’Etat congolais apparaît comme le moteur de l’expansion du secteur informel. Et la seule option qui s’offre est l’amélioration de ses institutions : l’Etat doit travailler dans le sens de l’efficience et de la réduction de sa bureaucratie.

Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org

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