Aux Etats-Unis d’Afrique


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Dans son dernier roman, Aux Etats-Unis d’Afrique, l’écrivain djiboutien Abdourahman Waberi renverse l’ordre du monde. La fédération des Etats-Unis d’Afrique, riche et moderne prospère avec ses mégalopoles, ses savants et artistes mondialement reconnus tandis que l’Euramérique ravagé par la pauvreté, est à feu et à sang. L’auteur revient pour Afrik, sur cette fiction satirique.

Par Vitraulle Mbougou

Abdourahman Waberi, est né à Djibouti et vit en Normandie où il enseigne l’anglais. Dans son dernier livre, Aux Etats-Unis d’Afrique, une fiction sarcastique sur les rapports Nord-Sud, l’auteur convie le lecteur à une véritable gymnastique mentale. Il inverse les rapports hiérarchiques entre les pays pauvres et les pays riches, cherchant à « désembuer » le regard du lecteur, notamment occidental. Ce dernier découvre la riche et dynamique Fédération des Etats-Unis d’Afrique, à travers l’histoire de Maya, petite fille blanche arrachée à la misère et à la faim de sa Normandie natale par un homme providentiel, Docteur Papa, alors en mission humanitaire en France. Il l’adopte et l’emmène à Asmara en Erythrée.

Afrik.com : Peut-on qualifier votre roman de politique-fiction ?

Abdourahman. Waberi : C’est un roman à portée politique si l’on veut dans la mesure où je brasse la matière humaine et politique. En même temps, on ne peut éviter de parler politique. C’est effectivement de la politique-fiction, mais sans être militant pour autant. Je suis un écrivain engageant et non engagé. J’ai voulu faire un conte philosophique à l’ancienne qui puisse plaire à tout le monde. Je dirais même en me basant sur une métaphore photographique, que je propose avec ce roman, un tirage au négatif du monde actuel.

Afrik.com : Pourquoi avoir choisi comme personnage principal, cette petite fille Maya ?

Abdourahman Waberi : J’ai un rapport plus sensible avec les filles, je choisis souvent des personnages féminins dans mes romans car ils me paraissent plus intéressants. C’est sûrement mon côté schizophrène.

Afrik.com : Pourquoi cette idée d’inverser le monde actuel ?

Abdourahman Waberi : Comme c’est un roman à portée politique, mon souci premier a été de trouver la bonne distance par rapport à la forme littéraire habituelle. Je voulais créer quelque chose de nouveau, surprendre le lecteur, d’où l’inversion des données géopolitiques. Celles du monde actuel ne m’intéressent pas. Mais je n’avais pas soupçonné que cela allait susciter autant d’intérêt.

Afrik.com : Une Afrique riche, prospère et moderne, un Occident pauvre et sous-développé. N’est-ce pas une revanche virtuelle ?

Abdourahman. Waberi : Ce n’était vraiment pas mon intention, je suis humaniste et non afrocentriste. On peut clairement l’observer dans le livre car les Etats-Unis d’Afrique ne sont pas meilleurs, pas plus vertueux que le monde occidental actuel. Il n’y a pas de manichéisme dans ce livre.

Afrik.com : Vouliez-vous faire rêver les Africains avec ce roman ?

Abdourahman Waberi : Mon principal objectif était plutôt de désarçonner tout le monde, les gens du Nord comme ceux du Sud. Je voulais aussi que tout le monde puisse s’identifier à Maya, que chacun puisse se retrouver dans ce livre. Ce roman a un côté pédagogique dans le sens où il fait réfléchir sur l’arrogance actuelle du monde occidental. Je voulais montrer aux gens du Sud que l’Histoire est réversible, casser les déterminismes figés et le regard monolithique sur l’Afrique, très présent en Occident. J’ai l’impression pour l’avoir constater que beaucoup de gens en Occident pensent que « les Africains sont malheureux par nature », que le malheur est africain. Je désirais montrer qu’au contraire, c’est le fait des hommes. Le but de ce roman était également de forcer les gens du Sud à considérer le renversement de valeurs auxquelles ils sont habitués depuis si longtemps, leur montrer que nos évidences ne tiennent pas à grand chose.

Afrik.com : Vous êtes très sarcastique dans ce roman et dans vos romans en général. Peut-on considérer la satire comme votre marque de fabrique?

Abdourahman Waberi : Je me sers de la satire comme carapace, moyen de défense pour pointer du doigt les défauts du monde contemporain. Cela permet de dire plus de chose et plus librement, tout en se sauvegardant psychologiquement. Comme disait Beaumarchais, « je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer ».

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