Le film « Aujourd’hui », réalisé par Alain Gomis, est sorti mercredi au cinéma. Afrik.com a assisté à l’avant-première de la fiction au MK2 du quai de Seine.
La fiction relate la dernière journée de vie de Satché -incarné par Saul Williams- qui vit ses derniers instants dans les rues de Dakar, au Sénégal. La réalisation minutieuse et la mise en scène pointilleuse donnent des couleurs à un scénario plutôt classique. Critique et entretien avec Alain Gomis, réalisateur et scénariste Franco-Sénégalais, qui nous explique les messages, notamment proches de la philosophie de Freud, Gandhi et Kennedy, qu’il a choisis de faire passer à travers son œuvre.
Critique
Une journée pour vivre. Il reste une journée, pas une de plus, à Satché (Saul Williams) pour vivre. Le lendemain, ce sera trop tard car il va mourir. De retour au pays, pour vivre ses derniers instants avec ses proches, Satché joint l’utile à l’agréable en parcourant sa vie dans les rues de Dakar, la capitale du Sénégal. La première scène du film, sur le réveil de Satché dans le foyer familial, plante illico-presto le décor dramatique du scénario. Les larmes de ses parents rappellent le genre et laissent tout de suite augurer d’une journée lourde en émotion. Le ton est donné, début du périple qui va emmener le mourant chez ses potes d’enfance, son ex-petite amie (Aïssa Maïga) (…) dans son restaurant préféré (…) et enfin dans son domicile avec son épouse et ses deux enfants. La grande réussite de ce film réside dans la réalisation et mise en scène d’Alain Gomis, qui parvient à rythmer et donner de l’ampleur au scénario, plutôt classique, en diversifiant les plans et passant de la fiction au théâtre, à des scènes réelles de contestation sociale pour finir en beauté par une magique séance photos de Satché et son épouse. Sans oublier le jeu d’acteur de Saul Williams, volontairement inhibé -absent pour certains- pour insister sur le regard de Satché sur sa propre vie.
Interview
Afrik.com : A moins que Aujourd’hui soit une histoire vraie, de quelle histoire s’inspire ce film ?
Alain Gomis : Non ce n’est pas une histoire vraie. Ce film s’est inspiré de plusieurs contes qui ont pu exister. C’est assez proche de la réalité ressemblant à une histoire familière. C’est un projet qui trottait dans ma tête. J’ai fait des recherches et je suis tombé sur des contes similaires dans toutes les cultures d’ailleurs, par exemple en Egypte, ou dans La Divine comédie de Dante et enfin chez l’écrivain nigérian Ben Ockri.
Afrik.com : Pour son dernier jour de vie sur terre, Satché ne fait pas la fête. On aurait pu s’attendre à un personnage plus exubérant. Pourquoi avoir privilégié le ton dramatique ?
Alain Gomis : C’est un personnage, d’une quarantaine d’années, qui a des enfants. Il n’a pas 25 ans : il ne va pas se mettre à aller en boîte (Rires), s’amuser avec ses potes pour finir par se jeter par la fenêtre. L’idée c’était de mettre en scène quelqu’un qui arrive à être serein malgré son destin fatal. Qui prend ce qui doit prendre (avant de mourir) en profitant de l’instant présent sans se soucier de l’après.
Afrik.com : Comme Freud l’a dit un jour, il n’y a que le présent qui compte. C’est le principal message que vous avez choisi de véhiculer dans votre film ?
Alain Gomis : Gandhi a dit un jour. « Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde » Le futur va avoir lieu demain mais si seulement ça existe dans le présent. Si on ne réalise pas les choses maintenant, ça n’arrivera pas dans le futur.
Afrik.com : D’où la présence des scènes réelles de contestation sociale dans cette fiction ?
Alain Gomis : Effectivement. J’aime bien la définition anglaise du mot journée. Ces scènes rappellent que dans chaque journée, chacun a à faire face à la lutte sociale et politique dans son pays. Comme pour Satché, cette réalité est présente dans la vie de chaque homme. Cette contestation sociale est réelle et est d’actualité.
Afrik.com : Il s’agit d’un simple clin d’œil ou c’est une sorte de dénonciation ?
Alain Gomis : Ce n’est pas une dénonciation. Ce message est simple : c’est à nous de nous prendre en main, ce n’est pas quelqu’un d’autre qui va le faire à notre place. La construction c’est tout de suite ! On ne peut pas s’asseoir et se plaindre. Peu importe notre condition sociale, ça ne suffit pas de dire « ça ne va pas », il faut que chacun fasse quelque chose pour son pays.
Afrik.com : Votre film sort progressivement en France et au Sénégal, puis aux Etats-Unis et enfin en Italie, êtes-vous satisfait de cette fiction ?
Alain Gomis : J’ai beaucoup voyagé avec ce film qui touche les gens à travers le monde. Moi, en tant que réalisateur, je ne serais jamais complètement satisfait. On peut toujours s’améliorer et j’espère faire mieux pour le prochain.