« Le pouvoir des sans-pouvoirs » est le titre du livre (essai) de Vaclav HAVEL, dramaturge et homme d’Etat tchèque, mort en 2011. Cet homme a consacré toute sa vie au combat pour la liberté et la démocratie dans son pays.
Vaclav HAVEL a été emprisonné à plusieurs reprises à cause de ses idées qui ont conduit à la chute du pouvoir totalitaire en 1989. En guise de reconnaissance, le prix Vaclav HAVEL est décerné, chaque année, par l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe aux artistes qui s’opposent avec leurs œuvres à la dictature. Le Rwandais Kizito MIHIGO en a été lauréat en 2021 à titre posthume.
J’ai choisi de partir de cette référence pour introduire l’action politique et humaine de Victoire INGABIRE au Rwanda. Même si elle n’a pas développé le talent artistique à l’instar de Vaclav HAVEL, les deux personnalités se rapprochent l’une de l’autre en terme de parcours et de philosophie politique. Selon HAVEL, « la vraie politique est simplement le service du prochain« . Victoire INGABIRE le sait très bien, tant on se souvient justement qu’elle a quitté ses biens et sa famille pour la liberté du peuple rwandais. Elle l’a payé cher et n’a pas encore vu, à ce jour, le bout du tunnel.
Après 8ans de prison ferme combinée d’arrestation et de disparation de ses partisans, le quotidien de victoire INGABIRE est nourri actuellement de pressions et de harcèlements politiques et médiatiques orchestrés. Elle est la bête noire du régime rwandais alors qu’elle n’a aucun pouvoir réel. Ses formations politiques n’ont jamais été reconnues pour des motifs totalement ubuesques. En conséquence, elle a été tour à tour empêchée de présenter sa candidature aux élections présidentielles. Tel a été récemment le cas pour les dernières élections de juillet 2024. Pour justifier de tels agissements, le régime en place lui trouvera toujours des accusations mensongères et lui collera des étiquètes médisantes ou quelque peu ridicules.
Selon Vaclav HAVEL, c’est une stratégie bien connue utilisée par les régimes totalitaires : « c’est en effet cruel et paradoxal: plus certains citoyens défendent d’autres citoyens, plus souvent ils sont désignés par un mot qui les distinguent des autres citoyens » (p.84) Pour discréditer la fondatrice de DALFA Umurinzi et tenter de la démolir du fond en comble, Victoire INGABIRE est traitée de génocidaire, de terroriste, de négationniste, de descendante d’une famille génocidaire, etc. La liste est longue. La stratégie de nuisance attaque aussi sa posture physique sans épargner sa famille, quelle que soit sa localisation géographique.
« La vie dans la vérité » (contre la vie dans le mensonge) :
Actuellement, l’unique pouvoir de Victoire INGABIRE est celui de dire la vérité. Or, cela est une réelle menace pour un pouvoir bâti sur le mensonge. D’après Vaclav HAVEL, la vérité est un contre-pouvoir puissant qui met l’autocratie en panique : « Chaque acte de liberté, chaque expression de la vie dans la vérité constitue inévitablement une menace pour le régime et un acte politique par excellence »( 4ème de la couverture ).
« La vie dans la vérité », concept préféré de Vaclav HAVEL, est à la fois le fil conducteur de la vie et l’enjeu politique par excellence. Cette vérité vécue « ici et maintenant » menace directement «la vie dans le mensonge». Ce dernier étant soigneusement et subtilement entretenu par l’autocratie qui s’en sert pour façonner et commercialiser l’apparence. Tout autre projet politique ou social dissident de cet endoctrinement sans frontières est réprimé, quelles que soient ses bonnes intentions.
L’expression de la vérité et le sens manifeste de nuances de Madame INGABIRE, à ses risques et périls, agissent comme une force de contestation et d’opposition au système. Les éléments factuels de Victoire INGABIRE, notamment sur le fameux projet londonien de délocaliser les réfugiés au Rwanda ou encore sur la situation de pauvreté et d’injustice occultée au Rwanda en sont une parfaite illustration.
La lecture de Vaclav HAVEL procure une véritable délectation qui incite à découvrir, au fil de l’eau, les mécanismes de fonctionnement des régimes totalitaires.
Dans le contexte rwandais, on comprend mieux pourquoi les figures non-violentes sont la cible privilégiée du pouvoir. Paradoxalement, les figures violentes et ultra-violentes sont hyper protégées par le régime, aussi longtemps qu’il s’en sert pour son intérêt.
Je terminerais ce billet avec les propos de Vaclav HAVEL très soutenants pour tous les engagé(é)s à vivre dans la vérité : « Le point de départ(…) n’est pas le changement de la structure du pouvoir mais la lutte quotidienne pour une meilleure existence ici et maintenant. Il importe(…) que l’essentiel, à savoir le combat quotidien, difficile et interminable pour une vie digne, libre et juste, ne se laisse jamais imposer aucune limite, ne soit jamais partiel ou inconséquent (…). Il faut en tenir compte et ne pas se laisser décourager ».
Article inspiré par « Le pouvoir des sans-pouvoirs », essai publié après le décès de Vaclav HAVEL, Editions Première Partie, 2021.
Je recommande !