Dans plusieurs Etats du nord du Nigeria, les récoltes ont été si mauvaises cette année que bon nombre d’agriculteurs pourraient ne pas avoir les moyens de semer la prochaine récolte.
« Beaucoup d’agriculteurs n’auront rien pour investir », s’est désolé Sabo Nanono, responsable à Kano de la branche locale de la All Farmers Association of Nigeria (AFAN), la centrale syndicale des négociants agricoles nigérians. D’après M. Nanono, au moins 50 pour cent de la production a été perdue à cause d’une mauvaise saison des pluies et des invasions de criquets.
« Nous attendons donc la prochaine saison avec beaucoup d’inquiétude d’autant plus que nous ne pourrons même pas récupérer la moitié des sommes investies dans nos champs », a-t-il ajouté.
Lors de la précédente saison, les prix des céréales étaient bas, mais la plupart des paysans avaient réalisé de très bonnes récoltes et avaient beaucoup de semences. « La mauvaise production de cette année nous met encore plus dans le pétrin », a noté M. Nanono.
Et les conséquences de cette situation sont plus immédiates chez les agriculteurs de subsistance dans les Etats du nord comme Jigawa, Kano, Kaduna, Borno, Katsina, Zamfara, Sokoto et Kebbi.
Dans certaines régions, la pluie n’est tombée que deux fois cette année. Les pertes sont colossales, a confié à IRIN Sule Maikaza, un agriculteur du village de Rajo, dans l’Etat de Jigawa.
« D’habitude, j’ai au moins 30 sacs [de céréales dont quelques-uns de sorgho et de niébé – une variété d’haricot -] après chaque récolte, mais cette année je n’en ai que 10 », a-t-il affirmé.
« Je ne sais pas comment nous allons aborder la prochaine saison agricole, parce que lorsqu’un homme est affamé [il est fatigué] et ne peut pas faire beaucoup d’efforts ».
Habituellement, les paysans pratiquant une agriculture de subsistance réservent une partie de leur récolte pour les semences de la prochaine saison agricole, mais pour M. Maikaza, cela ne sera pas possible.
« J’ai 12 personnes à nourrir », a-t-il dit. « Avec seulement 10 sacs, ne comptez pas sur moi pour garder des semences pour la prochaine saison agricole ».
Et la situation pourrait empirer au point de détruire les structures familiales, a expliqué à IRIN Sule Lamido, le gouverneur de l’Etat de Jigawa.
« La situation alimentaire est si désastreuse que les paysans pourraient s’enfuir en abandonnant femmes et enfants ».
Exploitants agricoles
Mais ce sont les exploitants agricoles qui subiront les plus lourdes pertes, a affirmé M. Nanono de l’AFAN, ajoutant que bon nombre d’entre eux avaient contracté auprès des banques des prêts à court terme qu’ils comptaient rembourser avec les bénéfices de la vente des récoltes.
« Ceux d’entre nous qui se sont endettés auprès des banques ne comptent pas semer pour la prochaine récolte », a expliqué M. Nanono. « Nous sommes actuellement occupés à réunir les fonds nécessaires pour rembourser nos prêts et pour ne pas avoir à payer plus d’intérêts ou à voir nos investissements saisis par les créanciers ».
Pour réduire les pertes, l’Etat a débloqué une enveloppe de 400 millions de nairas (3,3 millions de dollars américains) pour la distribution de semences de secours et l’alimentation du bétail.
En effet, la plupart des exploitants agricoles du nord du Nigeria associent l’agriculture à l’élevage d’animaux. Ils vendent leurs récoltes pour en tirer des bénéfices, mais gardent les fourrages pour l’alimentation du bétail, ce qui leur évite généralement d’acheter du foin industriel.
Aujourd’hui les exploitants agricoles doivent trouver de l’argent pour acheter du foin et chercher des fourrages pour nourrir leur bétail ou alors vendre leurs animaux.
Mais le prix des aliments pour bétail a déjà considérablement augmenté. Un sac de 50 kilogrammes de foin, qui se vendait cinq dollars la saison dernière, coûte actuellement 17 dollars.
« Notre bétail est mal nourri », a dit M. Nanono. « Nourrir les bêtes à partir d’aliments autres que les produits dérivés de l’agriculture coûte extrêmement cher à un exploitant agricole ».
A l’occasion du Forum des gouverneurs du nord, les gouverneurs des huit Etats ont annoncé qu’ils travaillaient ensemble pour résoudre le problème, sans toutefois indiquer les mesures qu’ils comptaient prendre à cet effet.