Au Niger, la répression des droits humains par la junte militaire dénoncée par Amnesty


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Amnesty Niger

Un an et demi après le coup d’État militaire au Niger, Amnesty International dresse un constat alarmant des violations des droits humains dans le pays. Détentions arbitraires, répression de la liberté d’expression et harcèlement des voix critiques sont désormais le quotidien d’une population privée de ses libertés fondamentales. Analyse d’une dérive autoritaire qui s’intensifie malgré les engagements internationaux du pays.

Depuis le coup d’État de juillet 2023, le Niger sombre dans une régression démocratique inquiétante. Sous le joug du nouveau régime militaire, la promesse d’un renouveau fondé sur le respect des droits humains et de l’État de droit s’est transformée en une réalité marquée par des détentions arbitraires, des disparitions forcées et une répression systématique des voix critiques dénonce Amnesty Internaitonal.

Chronologie et contexte de la crise

Le 26 juillet 2023, le renversement du président Mohamed Bazoum a ouvert une période sombre pour la nation. Le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), formé par les militaires, a immédiatement suspendu la Constitution de 2010 et mis en place des mesures qui, selon leurs déclarations, devaient garantir le respect de la démocratie et des droits fondamentaux. Ces engagements se sont rapidement révélés contraires aux actions entreprises.

Selon le rapport d’Amnesty International intitulé « Niger. Menacés et mis au pas : les droits humains et l’espace civique sous pression depuis le coup d’État du 26 juillet », plusieurs violations graves sont observées :

Détentions arbitraires

L’ancien président Mohamed Bazoum, son épouse Hadiza Mabrouk ainsi que sept anciens ministres demeurent incarcérés sans base légale solide. Ces détentions se poursuivent malgré l’existence de décisions judiciaires ordonnant explicitement leur libération. La situation est d’autant plus préoccupante que la Cour de justice de la CEDEAO a déjà formellement qualifié ces détentions d’arbitraires, une qualification qui n’a eu aucun effet sur la position des autorités militaires.

Violations des droits des détenus

Les droits fondamentaux des détenus font l’objet de violations systématiques, notamment en ce qui concerne le droit à un procès équitable. L’accès à une défense juridique est sévèrement limité pour la plupart des prisonniers politiques. Le cas emblématique de l’ancien président Bazoum illustre cette dérive, avec une levée de son immunité effectuée dans des conditions juridiquement contestables qui compromettent toute possibilité de défense équitable.

Restriction de la liberté d’expression

Les journalistes et militants qui osent formuler des critiques envers le nouveau régime sont systématiquement ciblés et harcelés. Des arrestations arbitraires ont marqué l’actualité récente, notamment celles d’Ousmane Toudou et du rédacteur en chef Soumana Maiga, qui ont eu un effet dissuasif sur l’ensemble de la profession. Ce climat oppressif est parfaitement résumé par le témoignage d’un membre de la société civile qui affirme : « Si vous critiquez le gouvernement, soyez sûr que vous serez arrêté ».

Le cadre législatif répressif

Malgré l’ordonnance du CNSP évoquant un attachement formel aux droits contenus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Charte africaine, les actions concrètes des autorités démontrent une politique de répression systématique et organisée. Le régime a procédé à la suspension immédiate des activités des partis politiques, éliminant ainsi toute forme d’opposition structurée.

Les nouvelles dispositions législatives ont réinstauré des peines de prison pour des accusations de diffamation, créant un outil juridique pour réprimer les critiques. Plus inquiétant encore, des listes noires ont été établies dans le but explicite de museler toute opposition au régime. L’ensemble de ces mesures a conduit à l’instauration d’un climat généralisé d’autocensure qui paralyse le débat public.

Les cibles prioritaires de la répression

La répression ne se cantonne pas aux anciens responsables du régime déchu mais s’étend méthodiquement à toutes les voix critiques. Les journalistes sont particulièrement touchés et se trouvent contraints à une autocensure préjudiciable à l’information publique. De nombreux médias, tant nationaux qu’internationaux, ont été forcés de fermer leurs portes ou de suspendre leurs activités sous la pression constante des autorités. Les membres de la société civile qui osent encore remettre en question la légitimité du coup d’État font face à des intimidations quotidiennes et risquent l’arrestation à tout moment.

Appel de la communauté internationale

Face à cette détérioration alarmante, Amnesty International et d’autres organisations internationales adressent un appel pressant aux autorités nigériennes. Elles demandent instamment au régime de respecter ses engagements internationaux et régionaux en matière de droits humains, qui constituent des obligations juridiques non négociables. Les organisations exigent la libération immédiate et sans condition de toutes les personnes détenues arbitrairement, particulièrement les figures politiques de l’ancien régime.

Elles insistent également sur la nécessité de rétablir un espace civique garantissant pleinement la liberté d’expression et d’assurer le droit à un procès équitable pour tous les citoyens, conformément aux standards internationaux de justice.

Le cas du Niger illustre une dérive inquiétante où, sous couvert de restaurer l’ordre et la sécurité, une administration militaire piétine ouvertement les droits humains. Ces violations ne sont pas seulement une atteinte aux libertés fondamentales, mais constituent également un obstacle majeur à toute perspective de réconciliation nationale et de retour à la démocratie.

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