Au Mali, « un enfant meurt toutes les cinq minutes »


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Katrien Ghoos est responsable nutrition au bureau de l’Unicef Mali. De passage à Paris, elle alerte les médias sur la malnutrition des enfants maliens.

Au Mali, le taux de mortalité infanto-juvénile est parmi les plus élevés du monde. Près de 35% des décès sont attribués, dans cette tranche de la population, à la malnutrition. Cette maladie, causée par une carence d’éléments nutritifs dans l’alimentation, apparaît dès le plus jeune âge. Le constat est alarmant, mais des solutions existent.

Afrik : Quel est le niveau de malnutrition au Mali ?

Katrien Ghoos :
Il faut d’abord dire qu’il y a plusieurs formes de malnutrition dans le pays. La malnutrition aigüe, qui s’accompagne d’une extrême maigreur, et qui peut s’installer très vite, en quelques jours, suite à une maladie, à une diarrhée. Il y a ensuite la malnutrition chronique ou retard de naissance (l’enfant a une taille trop petite par rapport à son âge), la malnutrition insuffisance pondérale, qui concerne des gens qui n’ont pas assez de revenus et qui ne se nourrissent pas suffisamment. La malnutrition carence en micro-nutriments, en vitamine A, en iode, en fer (ce qui donne de l’anémie). C’est une malnutrition dont on parle peu parce qu’elle ne se voit pas vraiment : elle se traduit surtout par une grande fatigue, moins d’attention à l’école, un développement intellectuel moindre… Ces quatre formes de malnutrition peuvent être sévères, visibles ou modérées.

Afrik : Les enfants sont les plus touchés ?

Katrien Ghoos :
Le taux de mortalité infantile est très élevé au Mali : un enfant sur cinq meurt avant 5 ans. Ce qui fait qu’un enfant meurt toutes les 5 minutes… La plupart des décès se fait à la maison et la malnutrition est associée à la moitié de ces décès. Il y a eu beaucoup de progrès en vue d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) mais cela reste insuffisant.

Afrik : Peut-on parler de crise nutritionnelle au Mali ?

Katrien Ghoos :
Non. La situation est mauvaise mais pas considérée comme une crise. Notre objectif est de rendre la malnutrition plus visible qu’elle ne l’est, pour que des interventions adéquates puissent être mises en place. Par exemple, un accompagnement pendant ce que nous appelons la période critique : de la grossesse jusqu’aux 2 ans de l’enfant. Si la femme enceinte est anémiée, le bébé aura un retard de croissance. A la naissance, il faut ensuite veiller à ce que la consommation alimentaire soit en adéquation avec ses besoins.

Afrik : Quelles sont les conséquences économiques de la malnutrition ?

Katrien Ghoos :
Un enfant malnutri demande des soins, il y a donc perte d’argent et de temps pour les familles, qui doivent acheter des médicaments et se déplacer au centre de santé. Pour le pays, se pose le problème d’atteinte des OMD et des pertes économiques importantes.80% des enfants sont anémiques au Mali, or, l’anémie est responsable d’une perte de PIB de 4%. Ce qui est beaucoup ! L’anémie réduit de 10% la productivité au niveau national. Elle contribue donc à la pauvreté et réduit la croissance économique. Il y a un vrai lien entre pauvreté et malnutrition.

Afrik : Que faire ?

Katrien Ghoos :
On travaille sur ces trois points : la sécurité alimentaire, l’accès aux soins et à l’eau potable, et le plaidoyer pour influencer les politiques. Il existe des interventions efficaces et peu chères qui ont un impact important. Nous avons cinq domaines d’action : améliorer les pratiques alimentaires, gérer la malnutrition aigüe, augmenter l’apport en micro-nutriments, améliorer l’hygiène et améliorer la protection sociale. L’Unicef Mali a bénéficié du Fonds de la Commission européenne, le Food facility, ce qui nous a permis de prendre en charge la malnutrition aigüe et sévère, d’apporter une assistante technique pour la formation à la prise en charge de ces malnutritions et la fourniture du lait thérapeutique et du Plumpy nut. Tout cela avec l’aide d’ONG partenaires. Au niveau du suivi de la situation nutritionnelle, on est impliqués dans une enquête nationale qui a commencé en décembre et doit se terminer fin mai, pour mettre à jour les indicateurs sociaux du pays avec, parmi eux, les taux de malnutrition. Enfin, nous faisons la promotion des bonnes pratiques d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant et de la prévention (distribution de micro-nutriments, promotion du sel iodé, déparasitage…). Nous voulons changer les comportements, par le biais de campagnes médias dynamiques.

Afrik : Le gouvernement malien est-il réceptif ?

Katrien Ghoos :
Oui, la prise de conscience est récente mais la volonté politique est en train de se manifester. Nous faisons du plaidoyer auprès du gouvernement, de l’opinion publique, des décideurs, des bailleurs de fonds, pour l’insertion des interventions nutritionnelles dans les différents plans de développement. En juin, un forum national sur la malnutrition aura lieu à Bamako. Il faut un plan stratégique avec un cadre institutionnel. Si le Mali veut progresser, il faut agir sur la malnutrition.

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