Au cœur du business lucratif des noix de cajou


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Noix de cajou après décorticage
Noix de cajou après le décorticage

Les noix de cajou grillées sont vendues partout au Sénégal : dans les grandes surfaces comme tous les coins des rues de ce pays d’Afrique de l’Ouest. Un véritable business devenu très lucratif et dont l’organisation débute dans les régions du centre du Sénégal.

Connue pour ses propriétés anti-oxydantes, la noix de cajou est beaucoup consommée au Sénégal. Il n’y a pas que les diabétiques qui courent après cette denrée pour ses bienfaits sur leur santé, mais c’est toute une population qui s’est appropriée ce produit, vendu un peu partout. De Kaolack à Dakar, en passant par Diourbel, Bambey, surtout Thienaba, Thiès… les noix, bien conditionnées dans des sachets plastiques, inondent les trottoirs avec des vendeurs à la sauvette qui les proposent aux automobilistes et autres passagers. 100 FCFA, 200 FCFA, 500 FCFA, 1 000 FCFA ou 2 000 FCFA, il y en a pour toutes les bourses. Avant d’atterrir entre les mains des vendeurs, c’est tout un processus.

Un commerce au départ du marché hebdomadaire de Sokone

«Mon père achète les noix vers l’intérieur du pays, notamment dans la région de Kaolack et nous nous chargeons du traitement», explique Sokhna, active dans ce milieu depuis l’âge de 10 ans. Aujourd’hui, elle a la quarantaine et continue d’aider ses parents dans ce business. «J’ai fait Thiès et Dakar particulièrement pour exercer ce petit commerce. Pendant des décennies, j’ai fait la navette entre Thienaba (localité située à 85 km de Dakar) et ces régions pour pouvoir écouler la marchandise que me faisait vendre ma mère. Je ne connais que ça, depuis que je suis toute petite», raconte-t-elle. Elle fait plus que son âge, car on lui donnerait facilement plus de cinquante ans. Le rude travail que nécessitent la préparation et la vente de ces noix est passé par là. Elle a su tout de même garder le sourire et la joie de  vivre à Thiénaba, connu pour être le lieu de production par excellence de ces noix de cajou.

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«Il faut acheter les noix, les griller une première fois pour pouvoir les dénoyauter avant de passer à une seconde grillade, cette fois au four», détaille-t-elle. L’acquisition se fait à Sokone, commune du département  de Foundiougne, située à près de 240 km de Dakar, dans la région de Kaolack. Ici, les 52 villages de la commune se retrouvent chaque mercredi pour une sorte de troc. Y sont vendus tous les produits alimentaires et même des bêtes, comme les moutons, les chèvres et autres volailles. Il y a du tout et le marché grouille de monde. Des légumes frais, tout y est. Troc, car des échanges de produits se font aussi dans ce vaste marché qui reçoit des Sénégalais et même des étrangers venus des quatre coins du pays. C’est ici que le père de Sokhna vient se ravitailler en noix de cajou brut. Le produit est cultivé dans la région et cela se sent au vu des quantités qui y sont exposées.

«Une fois achetées, nous devons payer pour le transport du produit, de Sokone à Thiénaba. Ensuite, commence le vrai travail. Il faut d’abord griller ces noix, qui dégagent une fumée désagréable»

Debout devant une pile de sac de ces noix, un homme, teint noir, environ 1m89 pour une centaine de kilos, propose son produit. A côté, trois sacs déjà ouverts, avec un pot d’un demi-kilo placé au milieu. Il refuse de décliner son identité et même de parler à la presse. «Je suis ici pour travailler et non pour répondre à des questions. Si vous voulez acheter, on peut traiter, autrement, je vous demande de me laisser faire mon travail», nous dit-il d’un ton gentiment voilé d’agressivité. Nous en profitons pour lui demander le prix de son produit, puisqu’il ne souhaite parler que de vente. «Le pot de 500 grammes est vendu à 250 FCFA», nous répond-il. Le même prix annoncé par Sokhna. Si le vendeur de produit brut se limite à juste acheter ses noix et le remettre sur le marché, pour Sokhna et les autres femmes actives dans le secteur, il faudra en faire beaucoup plus.

«Certains préfèrent les noix bien grillées, d’autres blanchâtres»

«Une fois achetées, nous devons payer pour le transport du produit, de Sokone à Thiénaba. Ensuite, commence le vrai travail. Il faut d’abord griller ces noix, qui dégagent une fumée désagréable. Une fois ces noix grillées, il faut payer pour le décorticage à raison de 100 FCFA par kilogramme. Vient ensuite le tri avant d’envoyer le produit nettoyé au four. Une fois au four, il faudra payer 75 FCFA/kg pour la cuisson», énumère notre interlocutrice. A ce niveau, se fait un autre choix sur le degré de cuisson. «Certains préfèrent les noix bien grillées au point qu’elles ont une couleur marron, d’autres les préfèrent blanchâtres», précise-t-elle, ajoutant que c’est cette dernière catégorie qui est souvent destinée à l’exportation.

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«Les Occidentaux préfèrent cette dernière catégorie, légèrement cuite et qui garde sa couleur plus ou moins naturelle. Toutes les commandes que je reçois de cette forme de cuisson sont destinées à l’exportation», déclare Sokhna, non sans reconnaître que cette variété est plus difficile à préparer. «Il faut beaucoup plus de temps pour l’apprêter, compte tenu de la faible cuisson qui fait que la peau s’enlève difficilement. Quand la cuisson est plus poussée, la peau s’enlève quasiment toute seule. Ce qui est plus facile pour nous», note la dame, qui, entre deux mouvements, remet son foulard de tête mal noué. Après cette phase de cuisson suivie de celle de tri, le produit peut alors être mis sur le marché, mais il faudra au préalable le conditionner.

«Ma sœur aussi est active dans ce métier. Nous ne connaissons que ça. Depuis ma mère, mes tantes. C’est un travail qui a toujours occupé les membres de notre famille»

Vendu en gros, le kilo coûte 7 000 FCFA. Sokhna se limite à la vente en gros. Nous l’avons d’ailleurs trouvée en train de préparer une commande de vingt kilo destinée à l’exportation. «J’ai aussi beaucoup de clients locaux. Des petits vendeurs qui prennent par deux, trois ou cinq kilos, qu’ils conditionnent avant de les commercialiser aux abords des routes», indique-t-elle. Parmi ceux-ci, la jeune Astou, 13 ans, qui quitte Thiénaba pour rallier Thiès, chaque matin, afin d’écouler quelques sachets de noix de cajou que lui fait vendre sa mère. Avec ces revenus, il faudra contribuer à subvenir aux besoins de la famille. Elle confie ne pas être la seule personne dans la famille à faire ce travail. «Ma sœur aussi est active dans ce métier. Nous ne connaissons que ça. Depuis ma mère, mes tantes. C’est un travail qui a toujours occupé les membres de notre famille», nous confie la petite, traits fins, avec un sourire innocent. Jeune et innocente certes, mais aussi très bonne vendeuse, puisqu’elle a conditionné ses réponses à l’achat d’une bonne quantité de noix de cajou.

Un commerce qui prend de l’ampleur au Sénégal

Comme nombre de filles présentes à ses côtés sur la voie menant à l’autoroute à péage Ila Touba, dans la région de Thiès, la petite Astou propose des sachets de 500 FCFA, 1 000 FCFA et 2 000 FCFA. Des noix de cajou aux couleurs bien relevées, tirant sur le marron foncé. «Ici, mes clients préfèrent que la cuisson soit poussée, car, disent-ils, les noix ont plus de goût. C’est une question de choix. J’ai quelques sachets contenant des noix moins grillées (elle les tire du fond de son panier et nous les présente). Mais peu de gens veulent acheter les noix cuites de la sorte. J’en garde pour répondre à toutes les sollicitations», déclare la petite, qui venait d’être interpellée par un automobiliste. Une demande de plus en plus forte et un commerce qui prend de l’ampleur, puisque même dans la capitale sénégalaise et sa banlieue, de plus en plus de jeunes s’adonnent à ce commerce devenu lucratif. «Le soir, je peux rentrer avec une recette allant de 15 à 25 000 FCFA», nous aura auparavant confié, sourire au coin, la petite Astou, qui en fait juste une activité de vacances.

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Journaliste pluridisciplinaire, je suis passionné de l’information en lien avec l’Afrique. D’où mon attachement à Afrik.com, premier site panafricain d’information en ligne
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