A Yaoundé et à Douala, les deux principales villes du Cameroun, on distribue l’eau potable dans des camions citernes. La sécheresse et la vétusté de l’infrastructure de distribution d’eau expliquent cette pénurie. L’Etat a emprunté de l’argent à la France et à la Banque européenne d’investissement pour faire face à cette crise.
Au Cameroun, avoir accès à l’eau potable relève désormais du parcours du combattant. Le pays est en effet frappé par une grave pénurie d’eau, qui touche principalement ses grandes villes. « Dans un quartier résidentiel comme Essos, l’eau coule des robinets seulement vers 2 heures du matin, et très souvent pour moins de 30 minutes. Après, il n’y a plus rien », témoigne Faustin Njikam, directeur de publication de l’hebdomadaire Tribune d’Afrique qui habite Yaoundé, la capitale.
Dans les autres quartiers, ajoute le journaliste, la situation est pire encore. Il faut parfois attendre plusieurs jours pour voir arriver un peu d’eau chez soi. A Douala, la capitale économique et ville la plus peuplée du pays avec ses quelques deux millions d’habitants, c’est la même situation qui prévaut. Même les villes de plus petite taille comme Mbouda, à l’ouest, sont touchées par le manque d’eau potable.
La situation dure depuis plusieurs mois. Et de l’avis général, le gouvernement camerounais a été très lent à réagir. « C’est seulement depuis quelques jours qu’une opération de distribution d’eau dans les quartiers a été organisée à Yaoundé », explique Faustin Njikam. A l’en croire, cette opération est menée par la Communauté urbaine, le service des sapeurs pompiers, et la police qui a mis ses camions anti-émeute à contribution. La presse camerounaise raconte les queux interminables qui se forment spontanément devant les camions de ces services, qui apportent sporadiquement l’eau dans les quartiers. Les habitants sortent de chez eux avec toutes sortes de récipients pour en recueillir.
Débrouille et risque d’épidémies
Mais cette opération de dépannage manque d’organisation. « Ils ne préviennent jamais quand ils viennent. Les gens voient soudain arriver un camion citerne et lui courent après », assure Faustin Njikam. Conséquence, c’est la débrouille qui prévaut. « Beaucoup de gens sont obligés de recourir aux puits, qui en général sont mal entretenus. Et lorsqu’on sait toutes les maladies que l’eau peut apporter, une épidémie est à craindre», se plaint-il.
Dans la ville de Mbouda par exemple, même le peu d’eau qui sort des robinets paraît infect. « Il est des moments où nous recueillons une eau qui présente une couleur rouge brique. Dans cet état, il faut laisser le liquide pendant quelque temps. Après, on retrouve un dépôt de boue de faible concentration au fond du récipient » témoigne une ménagère interrogée par le quotidien [Le Messager->
].
Pour de nombreux observateurs, le gouvernement camerounais, la Camerounaise des eaux (CDE), société privée née de la privatisation de l’ancienne SNEC qui se charge du traitement, du transport et de la commercialisation de l’eau et la Cameroon water utilities corporation (Camwater), la société à capitaux publics chargée de la maintenance du réseau, n’ont pas été particulièrement réactifs face à cette grave crise. Alors que de l’autre côté, aux inquiétudes légitimes des populations, s’ajoutaient les pressions d’associations de consommateurs, comme la Ligue camerounaise des consommateurs (LCC) dirigée par le journaliste Delors Magellan Kamgang, qui exigeaient des explications.
Dans une lettre adressée le 4 février dernier aux autorités, dont Paul Biya le président, la LCC demandait ainsi la mise en place rapide d’un calendrier de rationnement d’eau dans les villes touchées par la pénurie. Elle sollicitait aussi de Paul Biya son intervention, pour que les organismes chargés de la gestion de l’eau, fournissent « rapidement des explications aux consommateurs sur la situation ».
Sécheresse et vétusté des infrastructures de distribution
C’est seulement en début de semaine dernière que la CDE est sortie de son mutisme. Elle a expliqué la carence en eau par la sécheresse, qui ces deux dernières années a régulièrement frappé le Cameroun. Le Nyong, fleuve à partir duquel sont captées les eaux qui approvisionnent la ville de Yaoundé, aurait ainsi connu une grande baisse de débit.
Cité par le journal camerounais Bonnaberi.com,
, le responsable régional à Yaoundé chargé de la distribution et de la maintenance à la CDE, Joseph Kenmogne, indique que « pour que toutes les populations puissent être servies, nous avons besoin de 160 000 mètres cubes par jour. Or, la station de traitement de Mbalmayo ne peut produire que 100 000 mètres cubes d’eau, ce qui correspond à une couverture de 70% seulement des besoins de la ville. (…). Le débit du Nyong, d’où la CDE capte l’eau pour son usine de traitement de Mbalmayo, est très bas. Ce qui fait baisser de 7 à 10% nos capacités de production ».
Mais dans un pays où d’habitude il pleut abondamment, il faut ajouter la vétusté du réseau de distribution d’eau aux épisodes de sécheresse, pour comprendre la pénurie actuelle. Pendant longtemps, peu d’argent a été investi pour entretenir et étendre l’infrastructure de traitement de l’eau. C’est sans doute pour cela que la Camwater a annoncé qu’elle prendrait de grandes mesures pour améliorer son réseau.
Pour la ville de Yaoundé, Camwater devrait gérer la bagatelle de 66 milliards de francs CFA obtenue sur prêt par le gouvernement camerounais, auprès de l’Agence française de développement (AFD) et de la Banque européenne d’investissement (BEI). Mais, signale Bonaberi.com, la structure aurait déjà reçu en tout 260 milliards de FCFA, sans résultats probants.