Le 11 mars, le gérant d’un cybercafé à Sidi Moumen a peut-être évité à Casablanca un nouveau 16 mai. En effet, les deux terroristes, vraisemblablement membres du réseau des combattants islamistes maghrébins, planifiaient des attentats dans différents points de la ville tels que hôtels, restaurants et préfecture de police. Le cybercafé devait leur servir de plate-forme d’instructions.
Les craintes d’une possible attaque terroriste sur le Royaume se sont finalement avérées justes. L’explosion qui a eu lieu le dimanche 11 mars dans un cybercafé à l’avenue Adarissa dans le quartier Sidi Moumen à Casablanca est là pour nous le rappeler. Qu’est-ce qui s’est passé ce soir-là? Selon Haj Fayez, propriétaire du cybercafé, «nous étions à la maison (ndlr: au-dessus du cyber) lorsque nous avons entendu une forte déflagration. Je suis descendu et j’ai trouvé un jeune homme, environ la trentaine complètement déchiqueté. Mon fils Mohamed, le gérant du cyber, était par terre. Les services de sécurité sont intervenus peu de temps après». L’explosion fera un mort, l’un des deux kamikazes, et quatre blessés. Le corps déchiqueté a été identifié sous le nom d’Abdelfettah Raydi, né en 1984 à Casablanca. Sans profession, il avait été condamné en 2003 à 5 ans de prison dans le cadre de la loi antiterroriste. Il avait bénéficié en 2005 de la grâce royale.
Mohamed Fayez gérant du cybercafé a, quant à lui, été transporté à l’hôpital Mohammed V du même quartier juste après l’explosion. « Vers 21h45, deux jeunes hommes basanés sont entrés au cyber. L’un d’eux tapait fort sur le clavier. Je lui ai demandé de ne pas casser le matériel et c’est là que j’ai vu qu’il essayait de se connecter à un site intégriste. Je lui ai demandé de se déconnecter avant que je n’avertisse la police. Son ami est venu vers moi et m’a menacé. J’ai fermé la porte du cyber pour appeler la police, mais les deux ont essayé de prendre la fuite et j’ai entendu une déflagration», raconte Fayez à sa sortie du service de Radiologie de l’hôpital Mohammed V.
La nature des explosifs pas encore identifiée
A l’heure où nous mettions sous presse, aucune information ne filtrait sur la nature des explosifs utilisés. Contacté par L’Economiste, Abderrahim Louai, chef du département Incendie Explosif au laboratoire de la police scientifique, indique que les prélèvements sont toujours en cours d’étude. « J’ai reçu les prélèvements des explosifs utilisés ce matin et ils sont actuellement à l’étude. Nous aurons certainement des informations sur les composantes des explosifs dans quelques heures », précise Louai.
Mokhtar Bekkali, directeur des affaires générales à la wilaya de Casablanca, indique pour sa part, que «les terroristes ne comptaient certainement pas se faire exploser au cyber à Sidi Moumen. «S’ils sont rentrés à ce cyber, c’est justement pour avoir les instructions relatives aux sites visés». Qui sont ces terroristes et quels étaient les sites visés? Une question à laquelle devra répondre le deuxième kamikaze, arrêté moins de deux heures après l’explosion. «Le second kamikaze se dirigeait vers l’hôpital de Sidi Othman, après s’être débarrassé d’une charge d’explosifs et d’un couteau», confie une source à la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ). Selon les premières informations, le kamikaze rescapé se nomme Youssef Khoudri, 18 ans.
Khoudri qui est atteint de brûlures au niveau du visage et du torse aurait été en contact avec Saâd Husseini, un intégriste soupçonné d’être l’artisan des bombes utilisées lors des attentats du 16 mai 2003. Husseini était recherché depuis cette date et n’a été arrêté que mardi 6 mars, soit 5 jours avant l’explosion du cyber de Sidi Moumen: Simple coïncidence? Pas vraiment, si l’on sait qu’un autre présumé terroriste qualifié de «dangereux» par les services de sécurité a été arrêté dimanche 11 mars juste avant l’explosion du cybercafé. Il se nomme Abdelaziz Ben Zyne. Né en février 1976, il est marié et père de deux enfants. Ben Zyne occupe, depuis l’arrestation de son acolyte Husseini, le poste de chef du bras armé du GICM (Groupe islamique des combattants marocains). «Nous pensons que les deux kamikazes du cybercafé attendaient les instructions de Ben Zyne. Ce dernier devait leur communiquer les cibles et la date des attaques», confie une source à la Direction de surveillance du territoire (DST). Ce sont, d’ailleurs, les agents de ce département qui ont procédé à l’arrestation de Ben Zyne dans la commune rurale de Had Soualem, près de Casablanca.
Husseini alias Sebtaoui
Jusqu’à son arrestation dans un cybercafé au quartier Sidi Maârouf, le mardi 6 mars, Saâd Husseini était le chef du bras armé du Groupement islamique des combattants marocains. Né à Meknès en 1963, Husseini alias Mostafa Sebtaoui est titulaire d’une licence en physique-chimie à l’université Moulay Ismaïl (il est d’ailleurs soupçonné d’avoir fabriqué les bombes du 16 mai 2003 ou en avoir donné les instructions).
A la fin de son cursus universitaire, il rejoint les moujahidines d’Afghanistan. Il effectue des stages dans les camps des Moujahidines avant de gérer une maison d’hôtes, réservée aux islamistes marocains à Kaboul.
Naoufal BELGHAZI, pour L’Economiste