Les milices pro-gouvernementales ont attaqué, lundi, des positions rebelles à Lougoualé, dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire. Des affrontements qui violent le cessez-le-feu avec les Forces Nouvelles et semblent compromettre tous les efforts de médiations de l’Union Africaine et de la communauté internationale. Les Nations Unies et les soldats français de l’opération Licorne ont réussi à stopper les hostilités. La zone serait actuellement sous contrôle et le calme rétabli. Retour sur les événements de ces dernières 24 heures.
Par Smahane Bouyahia
Les miliciens proches de pouvoir central ivoirien ont franchi, lundi, la zone de confiance en attaquant la ville de Lougoualé tenue par les Forces Nouvelles. Menés par le « Pasteur Gammi », les miliciens du Miloci (Mouvement ivoirien de libération de l’Ouest de la Côte d’Ivoire), ont lancé les hostilités vers 5 heures du matin afin de surprendre les soldats des Forces Nouvelles. L’effet de surprise a été de courte durée puisque la riposte a été immédiate. Les Forces Impartiales de l’Onuci (Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire), appuyées par les soldats français de l’opération « Licorne », sont arrivé
es rapidement pour mettre un terme aux combats. Un accro qui risque de mettre à mal le processus de paix dans le pays et de la médiation internationale.
Reprise des hostilités dans l’Ouest
Le « Pasteur Gammi », a révélé pendant les événements au journal le Patriote que le projet d’attaque leur avait été présenté par plusieurs cadres proches du régime, il y a « plus de 4 mois ». L’opération qui devait être une attaque surprise, n’était pas donc pas aussi inattendue parce qu’annoncée par une rumeur depuis 4 mois. « Nous estimons que les forces de défense et de sécurité ont failli à leur devoir de libération des zones jusque-là occupées par les rebelles en les désarmant », justifiait le chef des miliciens.
D’après le « Pasteur Gammi » certains de ses miliciens ont attaqué Lougoualé en passant par la forêt tandis que d’autres ont utilisé des corbillards pour pouvoir transporter des armes. « Tout a été fait par des calibres 12 et des calibres 24. J’ai acheté ces calibres au Liberia », avoue-t-il. Allégations infirmées, après enquête, par le journal le Patriote. Les attaques ont été menées à l’arme légère et à l’arme lourde. Des armes de type AK-47 (mitrailleuses légères), ont été saisies après leur déroute. Le Milosi a été mis en échec après l’intervention des forces de l’ONU (Organisation des Nations Unies). Les Forces Nouvelles revendiquent la mort de 30 miliciens et 84 prisonniers, remis à l’Onusi. Pour sa part, l’ONU ajoute qu’après l’attaque, 68 miliciens ont été officiellement récupérés par les casques bleus et ramenés en territoire contrôlé par le gouvernement pour les livrer aux autorités. Le calme est revenu à Lougoualé qui demeure sous le contrôle des Forces Nouvelles.
Une médiation en péril
Les Forces Nouvelles ont immédiatement accusé le Président ivoirien Laurent Gbagbo d’avoir balayé le processus de paix après cette attaque. « Par ces actes de guerre, le Président Laurent Gbagbo a définitivement enterré tous les efforts de médiation de l’Union africaine et de la communauté internationale », a dénoncé le porte-parole des Forces Nouvelles, Sidiki Konate. D’après le porte-parole de l’ONU, il s’agit là d’une attaque qui n’est pas sans importance, car elle répond aux exigences lancées par Gbagbo de bouter les Forces Impartiales hors du pays si celles-ci ne parvenaient pas à désarmer les Forces Nouvelles.
Le discours de Laurent Gbagbo en faveur des efforts de médiation et notamment celle de Thabo Mbeki [<*>Actuel Président d’Afrique du Sud, est, depuis le 7 novembre, 3 jours après le déclenchement de la crise ivoirienne, mandaté par l’Union Africaine pour résoudre le conflit]] en place depuis début décembre, prend l’eau. D’autant que l’attaque de lundi intervient après la tentative d’Abidjan de saper la légitimité du chef de l’Etat sud-africain en sollicitant, le 16 février dernier, la médiation marocaine dans le conflit ivoirien. Les émissaires dépêchés par Laurent Gbagbo auprès du roi du Maroc, Mohamed VI, avaient reçu une fin de non recevoir. La décision, prise sans l’aval des institutions internationales, a provoqué un [incident diplomatique entre les deux pays.
Suite à l’offensive, le porte-parole du Président Thabo Mbeki, Bheki Khumalo, a jugé que l’incident n’aurait pas de conséquence sur le processus de paix. « En ce qui nous concerne, nous restons en course. Je ne pense pas qu’il faille permettre à cet incident de faire dérailler un processus de paix qui gagne de la vitesse », a-t-il déclaré. Des médiateurs sud-africains se rendront dans les jours prochains en Côte d’Ivoire.
L’intervention des casques bleues
Les Nations Unies, qui ont déployé 6 000 casques bleus dans le pays pour surveiller le cessez-le-feu, « déplorent cette attaque et estiment qu’elle risque de menacer inutilement et peser sur le processus de paix ». Du côté du contingent français de l’opération Licorne, on parlait de « retour au calme ». « Tout est sous contrôle », a déclaré le porte-parole militaire français, le colonel Henri Aussavy. « Ce qui reste à voir c’est s’il s’agissait d’un incident isolé », a-t-il ajouté dans un entretien téléphonique à Associated Press.
Rappelons qu’avant ces attaques, La France avait fait circuler, mardi 23 février, aux Nations Unies un projet de résolution prévoyant le renforcement de la mission en Côte d’Ivoire, afin d’assurer la sécurité dans le pays et l’application de l’embargo sur les armes imposé à Abidjan depuis les affrontements avec l’armée française en novembre dernier. Le texte propose l’envoi de 1 226 soldats supplémentaires au sein de la force onusienne déployée en Côte d’Ivoire, actuellement composée de 6 000 hommes. Ces nouvelles troupes se composeraient d’un bataillon d’infanterie de 850 hommes, de huit hélicoptères de combat et d’un contingent de soutien de 270 hommes, ainsi que d’une unité de police de 125 membres et d’autres personnels. La paix en Côte d’Ivoire est plus que jamais le premier enjeu pour la communauté internationale. Même si certains ne l’entendent pas de cette oreille.