Après une suspension d’une journée, l’audition des personnes appelées à témoigner dans le cadre du procès des assassins de Thomas Sankara a repris, ce mercredi 24 novembre. À la barre, Ousséni Compaoré, commandant de la gendarmerie au moment des faits.
Ce mercredi, le tribunal a fini de prendre la déposition de Victor Zongo dont l’audition a commencé lundi dernier. Puis, ce fut au tour d’Ousséni Compaoré d’être invité à la barre. De son intervention, on retient quelques éléments-clés. D’abord, pour Ousséni Compaoré, les événements du 15 octobre 1987 ne constituent pas une surprise. « Il n’y a pas eu de surprise. Quand on regarde le déroulement des faits, il n’y a pas de doute que tout a été préparé. Tellement bien préparé qu’il n’y avait pas d’issue. La boucle était bouclée et l’appareil sécuritaire verrouillé. Le piège s’était refermé sur le Président Sankara et sur tous ceux que l’on pensait proches de lui », a-t-il déclaré.
L’ancien commandant de la gendarmerie a confié à la cour avoir rencontré Blaise Compaoré, quelques jours avant le drame, pour lui demander d’essayer d’aplanir ses difficultés avec Thomas Sankara en vue d’éviter un bain de sang qui n’arrangerait personne. Si le numéro 2 de la révolution avait laissé à Ousséni Compaoré l’impression d’avoir compris sa requête, les événements du 15 octobre sont venus apporter un démenti formel à cela.
Cette issue fatale était d’autant plus prévisible que « c’est Blaise qui avait l’essentiel et la réalité du pouvoir sécuritaire, parce qu’il était commandant du Centre national d’entraînement Commando (CNEC) et de la première région militaire ». En tant que commandant du CNEC, la sécurité du Président du Faso lui incombait, rapporte le témoin. C’est pourquoi Thomas Sankara disait à qui voulait l’entendre que si Blaise Compaoré voulait faire un coup d’État, c’était imparable.
Mais, la seule issue pour réussir véritablement le coup était d’éliminer physiquement Thomas Sankara, puisque son arrestation allait, à coup sûr, entraîner une vive réaction populaire, à en croire le témoin. Ousséni Compaoré est également revenu sur le rôle des chefs d’État de la sous-région, notamment celui de Félix Houphouët-Boigny de la Côte d’Ivoire dans l’assassinat du père de la révolution burkinabè.
Selon le témoin, le service de renseignement burkinabè, qui avait infiltré plusieurs pays de la sous-région, a permis d’apprendre que le Président ivoirien a, à un certain moment, dit à Jean Claude Kamboulé, un opposant burkinabè de Côte d’Ivoire dont le seul souci était la fin de la révolution, de ne plus se gêner pour faire tomber la révolution. Puisque lui, Houphouët-Boigny, avait déjà identifié en la personne de Blaise Compaoré, l’arme fatale contre Thomas Sankara.
Sur la question du document déclassifié qui rapporte qu’il aurait avoué pendant sa détention que Thomas Sankara préparait un coup contre Blaise Compaoré, Jean-Baptiste Lingani et d’autres éléments, le 15 octobre, à 20 h, Ousséni Compaoré s’insurge : « Je ne me reconnais pas dans ces propos et je suis même choqué ». Ce jeudi 25 novembre, le colonel-major à la retraite et condisciple de Thomas à l’école de Gaoua et au prytanée militaire de Kadiogo, Bernard Sanou, sera auditionné.