La Conférence épiscopale camerounaise a publié, mercredi 13 juin, une déclaration forte affirmant que Mgr Jean-Marie-Benoît Bala a été « brutalement assassiné » et mettant en cause les « forces obscures et diaboliques » qui visent l’Église catholique. Le corps de l’évêque de Bafia avait été retrouvé le 2 juin dans une rivière à environ 80 km de la capitale, Yaoundé.
« Mgr Jean-Marie-Benoît Bala ne s’est pas suicidé, il a été brutalement assassiné« , affirme Mgr Samuel Kleda, archevêque de Douala et président de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun (Cenc), dans une déclaration finale d’une session plénière extraordinaire consacrée au décès tragique de l’évêque de Bafia. « L’Église catholique au Cameroun vit un moment difficile et délicat de son histoire et de sa mission« , lâche-t-il sous le choc de la douleur suscitée par cette triste disparition.
Mgr Kleda est sorti du silence pour parler d’« un meurtre de plus, et un de trop », deux semaines après qu’on a retrouvé le corps de Mgr Bala sous le pont de l’Enfance de la rivière Sanaga au lieu-dit Ebebda, à environ 80 km de Yaoundé. L’évêque de Bafia avait disparu dans la nuit du 30 au 31 mai. Le lendemain sa voiture vide avait été retrouvée sur un pont, contenant au siège avant-droit ses documents personnels dont sa carte d’identité ainsi qu’un mot, griffonné sur le papier à en-tête de l’évêché?: « Je suis dans l’eau. »
« La déclaration des évêques du Cameroun était très attendue à la suite de la disparition de Mgr Bala, dans des circonstances obscures et surtout pour décrisper une atmosphère marquée par une campagne de délation et de désinformation « , témoigne à La Croix le Père Maurice Manwell, prêtre du diocèse de Bafia depuis 2009 et ex-secrétaire particulier de Mgr Bala. « Leur prise de position claire, précise et sans ambiguïté est la bienvenue pour les fidèles du diocèse qui pleurent un pasteur discret, puissant et dévoué, un père attentionné, un conseiller bon et avisé« , poursuit-il.
Des forces obscures et diaboliques
Mgr Kleda affirme sans ambages que « le clergé au Cameroun est particulièrement persécuté par des forces obscures et diaboliques ». Cela rejoint les propos du Père García Fernando, supérieur provincial des Xavériens au Cameroun, interrogé par le site Vatican Insider, jeudi 8 juin?: « La mort de Mgr Bala est une manœuvre visant à discréditer l’Église catholique« , confie-t-il, évoquant l’hostilité « de mouvements ambigus qui cherchent à nuire à l’Église, notamment des groupes liés au pouvoir et à des sociétés secrètes« .
La déclaration des évêques exige que « toute la lumière soit faite sur les circonstances et les mobiles de l’assassinat de Mgr Jean-Marie-Benoît Bala, pour que les coupables soient nommément identifiés et livrés à la justice et jugés selon la loi. Les évêques pressent l’État d’« assumer son devoir régalien de protection des vies humaines, et notamment celle des autorités ecclésiastiques ». L’Église demande aussi aux meurtriers de « s’engager dans une démarche de conversion urgente et radicale ».
D’autres assassinats ces dernières années
Dans l’attente des conclusions officielles de l’enquête, « le corps de Mgr Jean-Marie-Benoît Bala est à la disposition des autorités judiciaires en vue de la recherche des circonstances, des causes exactes et des auteurs de ce crime odieux et inacceptable , assure le président de la CENC, qui se dit affecté par cette mort tragique qui a « choqué et bouleversé tous les Camerounais et l’opinion internationale sans compter le triste souvenir de plusieurs autres membres du clergé et personnes consacrées qui ont été assassinés dans les conditions non élucidées » depuis les années 1980.
À ce sujet, Mgr Samuel Kleda a évoqué les assassinats, ces dernières années, de Mgr Yves Plumey, des pères Joseph Mbassi, Antony Fontegh et Engelbert Mveng sans oublier les Sœurs de la communauté de Djoum.
Le Père Manwell salue « le dynamisme insufflé par Mgr Jean-Marie-Benoît Bala et son action pastorale à Bafia« . Ce dernier avait lancé le projet pastoral diocésain intitulé?: « En Église, famille de Dieu, connaître, aimer et servir Dieu dans la synodalité, la coresponsabilité et la fraternité, pour être saints comme notre Père céleste est saint « . Son ancien secrétaire a la mort dans l’âme de voir son évêque laisser « une Église en plein synode diocésain qui devrait se clôturer au mois de janvier 2018 à l’occasion du jubilé d’or de l’évangélisation de l’Église locale ».