Les artistes africains sont encore peu nombreux à se produire sur les scènes françaises. Lumière sur une problématique restée dans les coulisses.
« Des mois de travail en l’air et surtout beaucoup d’espoir ». Un constat que partagent de nombreux artistes du continent africain. Les musiciens africains sont les grands absents des scènes françaises, pour la simple raison qu’une bonne partie d’entre eux se voient refuser le visa. Le précieux sésame est accordé avant tout aux artistes les plus célèbres en Afrique et ailleurs dans le monde, notamment en France. En 2012, 5 222 visas ont été délivrés par la France à des artistes sur 6 068 demandes. Soit un taux de refus de 14% sous François Hollande contre 12% sous Nicolas Sarkozy. Des chiffres qui donnent à réfléchir…
Le Staff Mbongwana International a fait les frais de ces refus, cet été. Deux dates inattendues au programme : le 12 juillet à Bourg-en-Bresse, mais surtout le 9 juillet au Cabaret Sauvage à Paris. Une mini-tournée organisée par leur manager, Michel Winter. Le groupe d’artistes congolais (Kinshasa) – anciennement groupe de Coco Yakala Ngambali et Théo Nzonza Nsutuvuidi qui furent les principaux auteurs, compositeurs et interprètes du Staff Benda Bilili – était plus que prêt à faire danser le public français au rythme funk, rock&afro beat.
Mais cinq jours avant le concert, c’est la douche froide ; tout un projet qui s’écroule. Quatre des sept membres du groupe se voient refuser leur visa ! Pas de bongwana (changement en Lingala) sur les scènes françaises. En termes de coût, cela représente une perte sèche de 5 500 euros pour le Cabaret Sauvage et près de 20 000 euros pour les producteurs ! Une « cata financière », déplore Michel Winter qui commence néanmoins « à avoir l’habitude ». « Ce sont des mois de travail en l’air et surtout beaucoup d’espoir. L’espoir pour ces musiciens de voir enfin une carrière se dessiner avec tout ce que cela comporte comme amélioration de niveau de vie », poursuit cet amoureux de musiques africaines, selon Streetpress.com.
Un grand écart entre les discours et la pratique
Pourtant, lors du XIV sommet de la Francophonie qui s’est justement tenu en octobre 2012 au Congo Kinshasa, dans son discours d’ouverture, le Président français, François Hollande, mettait en relief la nécessité de « multiplier les échanges dans l’espace francophone », notamment « entre les artistes ». Mieux encore, il laissait entendre que la « régulation des flux migratoires » allait être assouplie, rappelle Streetpress.com. « Je veux que les étudiants francophones puissent circuler plus facilement, et que les artistes puissent également être accueillis partout dans l’espace francophone ». Un an après, il n’en est rien. La politique d’obtention de visa pour les artistes africains n’a pas bougé d’un poil. Les refus sont même un peu plus nombreux…
Comment expliquer ces refus ?
Inutile d’y aller par quatre chemins, les autorités françaises craignent que les artistes africains ayant obtenu un visa en profitent pour séjourner plus longtemps que prévu en France. En clair, qu’ils désertent l’Afrique pour la France. C’est ce qui a été signifié de manière indirecte à Marc Monnet, organisateur de « La nuit du Congo », en avril dernier. Alors que devait se tenir à Monaco le rassemblement annuel de musiques congolaises, les services de l’immigration lui ont demandé d’écrire une lettre dans laquelle il s’engageait à reconduire ses artistes à la frontière ! Malgré cette surprenante demande, 40 des 100 artistes prévus au programme n’ont pas pu participer à l’évènement.
Il faut dire que dans le viseur des services de l’immigration, les artistes congolais sont en pole position. Les autorités n’ont pas oublié les déboires du Congolais Papa Wemba, condamné en 2004 par le tribunal correctionnel de Bobigny pour « aide au séjour irrégulier de clandestins sous couvert de ses activités musicales ».
Un « faux problème » diront certains, à l’instar de Fabienne Bidou, contactée par Streetpress.com. Comme en France, les artistes africains ont une conscience et un souci de partage avec le public. Et au-delà de la sphère artistique, c’est aussi leur gagne-pain. Des scènes en moins équivalent à de l’argent en moins et une notoriété limitée. C’est le triste constat de centaines d’artistes africains qui ne parviennent toujours pas à se faire connaître en France et en Europe, ni même à vivre uniquement de leur art.