![Le jardin Le jardin Arenguade à Addis-Abeba](https://www.afrik.com/wp-content/uploads/2025/02/le-jardin-696x392.jpg)
Le château de Versailles, et l’École polytechnique d’Addis-Abeba en Éthiopie, TMS Entoto Polytechnic College, en lien avec l’association École d’art au village (Edaav) se sont associés dans le but de recréer un jardin éthiopien, dans une esthétique se rapprochant des jardins « à la française ». Ce projet s’inscrit dans un double contexte artistique et culturel autour d’un enjeu alimentaire particulier qui a permis d’établir de nouvelles recherches agricoles, fondées sur l’échange éthio-français. Il a été conduit au sein des jardins de l’École polytechnique d’Entoto et dans les jardins de Trianon au cours de l’année 2024 grâce au soutien du Ministère de la Culture dans le cadre du programme «Appui au développement international des établissements publics et des services à compétences nationales». En miroir de cette action, le château de Versailles a proposé à des jardiniers en herbe d’aménager un parterre en s’inspirant du jardin Arenguade où ont été introduites des variétés végétales choisies pour leurs vertus thérapeutiques.
AFRIK.COM : quel est votre lien avec l’Éthiopie ? Pourquoi vous être intéressé aux jardins en Éthiopie ?
Sébastien Cailleux : Je suis venu pour la première fois en Éthiopie en 2008 porté par une intention photographique. Au fil des rencontres et de mes collaborations artistiques, j’ai décidé en 2009 de fonder l’association École d’art au village (Edaav) afin d’accompagner les enfants du monde dans la découverte du patrimoine et de l’environnement et de les sensibiliser à l’expression artistique. En 2021, je me suis installé de manière pérenne en Éthiopie, ce qui m’a poussé à m’investir davantage dans d’autres actions. C’est d’ailleurs une initiative agricole lancée par l’État éthiopien qui m’a inspiré le projet Arenguade à TMS.
AFRIK.COM : en quoi consiste le projet « Arenguade » et pourquoi avoir choisi cette appellation ?
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Sébastien Cailleux : « Arenguade » signifie « vert » en amharique, la langue officielle de l’Éthiopie. Ce mot évoque la nature et la dimension symbolique de la couleur verte. Le projet de jardin partagé que nous menons au sein de l’école Polytechnique d’Entoto à Addis-Abeba est né de mon observation sur le manque de variétés des fruits et légumes à la base du régime éthiopien et sur leur coût très élevé. Notre initiative consiste à préserver les espèces endémiques éthiopienne et à expérimenter, sur le terrain de l’école situé au cœur de la ville, la culture de graines venues d’ailleurs afin de diversifier l’alimentation.
AFRIK.COM : quel a été votre rôle dans ce projet ?
Sébastien Cailleux : mon rôle dans ce projet a été double. Sur proposition de l’administration éthiopienne, j’ai fondé le département de photographie de TMS en 2021. La création d’un tel département d’enseignement était inédite en Éthiopie. J’ai ensuite réalisé les démarches pour obtenir l’usufruit des terrains qui sont actuellement cultivés dans le cadre du projet Arenguade. L’Éthiopie étant à 85% rurale, le sujet revêtait une importance particulière et il a fallu que je présente, au cours d’une procédure assez complète, le projet et l’action agricole qui allait en découler. Une fois les terrains octroyés, j’ai introduit des graines provenant de France qui sont venues s’ajouter aux autres plantes endémiques,
dans une optique de diversification des cultures. Dans le cadre du projet j’ai également demandé à des étudiants en art à TMS d’utiliser leurs médiums respectifs pour représenter la vision qu’ils avaient du jardin Arenguade.
AFRIK.COM : pourquoi avoir choisi de s’associer à Versailles et en quoi le jardin Arenguade s’inspire-t-il du jardin à la française ?
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Sébastien Cailleux : fort de mes précédentes collaborations avec le château de Versailles, il me paraissait évident de lui présenter ce projet. Le domaine de Versailles est mondialement reconnu pour sa somptuosité et son esthétisme architectural mais aussi pour ses jardins dessinés par Le Nôtre qui font figure de modèle. Bien qu’un des principaux objectifs du projet Arenguade soit de cultiver le jardin à des fins alimentaires, un parti a été pris quant à sa disposition afin d’apporter une dimension artistique et harmonieuse en s’inspirant des codes des jardins « à la française ». Ce projet a donné lieu à des échanges entre les équipes françaises et éthiopiennes autour du partage de compétences et de savoir-faire liés à l’architecture, l’art des jardins et l’agriculture, qui ont nourri la conception d’Arenguade. Et, en introduisant, de façon expérimentale, des graines venues de France au sein de ce jardin éthiopien, Arenguade développe aussi une autre dimension de cet art « à la française ».
AFRIK.COM : pourquoi avoir choisi d’implanter ce jardin dans l’enceinte de l’école polytechnique ?
Sébastien Cailleux : le choix de l’emplacement pour Arenguade a été stratégique. Je connaissais bien ce terrain grâce à mon engagement au sein du département de photographie de TMS et avais pu en mesurer tout le potentiel. Face à une capitale en constante mutation, l’école polytechnique offrait sur 13 hectares un cadre protégé, voire un sanctuaire, permettant au jardin de se développer de manière sûre et pérenne. En tant que modèle pour un réseau de soixante écoles polytechniques éthiopiennes, l’école accueillait
déjà de nombreuses associations locales et des paysans de tout âge venaient y travailler la terre. Cela nous donnait l’opportunité d’intégrer de nouvelles cultures à une initiative déjà dynamique, tout en collaborant avec l’établissement public du château de Versailles sur les savoir-faire liés aux jardins, à leur mise en valeur pour en favoriser la meilleure expression artistique possible.
AFRIK.COM : quels critères ont présidé à la sélection des espèces endémiques cultivées dans ce jardin ?
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Sébastien Cailleux : lorsque nous avons pris possession des lieux, nous nous sommes rendu compte, avec les jardiniers éthiopiens qui m’accompagnaient, que le terrain avait été laissé en friche depuis près de cent ans. Certaines plantes qui y avaient proliféré ont été rapidement identifiées par les jardiniers comme étant des plantes aux propriétés curatives. On a fait le choix de garder ces espèces endémiques au sein du jardin. Celles-ci permettent de faire perdurer un savoir-faire médicinal traditionnel qui tombe peu à peu en désuétude dans les grandes villes comme Addis-Abeba et qui demeure peu connu à l’échelle mondiale.