Pour sa quatrième édition à Lomé, la capitale du Togo, Arctivism rend hommage ce soir à Aimé Césaire, à l’occasion du 2e anniversaire de la mort de l’écrivain martiniquais.
La quatrième édition d’Arctivism se tient ce 17 avril au centre culturel Denyigba de Lomé, au Togo et met à l’honneur l’écrivain et poète martiniquais Aimé Césaire. Débuté le 31 octobre 2009 avec Thomas Sankara, ce concept novateur a par la suite rendu hommage à Mohamed Ali et Patrice Lumumba. Arctivism propose au public de s’arrêter sur un personnage important, le temps d’une soirée. Cela, grâce à une projection de film, une causerie-débat, suivis d’un show réunissant différents univers musicaux. Le rappeur togolais Elom20ce, concepteur de ces rencontres, répond aux questions d’Afrik.com.
Afrik.com : Que signifie ce terme étrange, « Arctivism » ?
Elom20ce : C’est un néologisme né de la contraction des mots art et activisme. Il désigne le militantisme sociopolitique porté par le biais de l’art. Ce concept a pour but principal de hâter l’avènement des Etats-Unis d’Afrique par la conscientisation des masses africaines sur le panafricanisme à travers la culture et l’éducation. Comme moyens d’actions, il faut noter l’art oratoire, la peinture, la danse et surtout les films documentaires sur l’histoire du tiers-monde, en général, et des grandes figures du monde noir, en particulier.
Afrik.com : Comment choisissez-vous les personnages mis à l’honneur ?
Elom20ce : Nous les choisissons par rapport à la période calendaire. Pour Thomas Sankara, cela coïncidait avec l’anniversaire de son assassinat, pour Patrice Lumumba c’était pareil. Pour Mohamed Ali, nous étions en période de fêtes de fin d’années, nous avons donc voulu diffuser un documentaire plus divertissant où le message était davantage joyeux. Pour Aimé Césaire, le 17 avril est le 2e anniversaire de son décès. Et nous pensons que son message, en revalorisant les noirs, est encore d’actualité aujourd’hui, au regard du triste bilan du jubilé des cinquantenaires des indépendances africaines.
Afrik.com : Est-ce à dire que vous ne souhaitez mettre en avant que des hommes noirs ?
Elom20ce : Pas forcément. Ce concept a pour but de faire connaitre les hommes qui ont marqué positivement l’histoire du monde, et plus précisément les hommes noirs car ils sont les moins connus. Le prochain sera Che Guevara. Il n’est pas noir. Pas plus tard qu’hier, nous faisions également des recherches sur l’Américaine Rosa Park pour son combat contre ségrégation aux Etats-Unis afin de parler des femmes importantes. Cependant, la prochaine femme sera surement la chanteuse Myriam Makeba parce nous avons déjà un documentaire sur elle et qu’elle représente bien notre concept qui fait le lien entre art et activisme.
Afrik.com : Comment avez-vous eu l’idée de ce concept ?
Elom20ce : L’idée première était de partager ses supports qui ont été édifiants pour nous, que se soit en termes de bouquins, en termes de films documentaires… Maintenant, nous nous sommes dit qu’il ne fallait pas que le public se croit sur les bancs de l’école. Car, comme dans les dessins animés pour les gamins, même lorsque c’est distrayant, il y a toujours un message. Et les projections cinémas attirent toujours du monde.
Afrik.com : Vous évoquez souvent ce « nous ». Vous pouvez nous présenter votre équipe en quelques mots ?
Elom20ce : Tous ceux qui contribuent à ce que chaque édition d’Arctivism soit une réussite. Cela part des artistes comme Ap’nondas, Kass le dur, Bricce, Eklin, Enyam, Kezita, Dga Omega, Slapa Fire, Trez, Tiend, Sikota. Mais aussi les animateurs radios qui nous font de la publicité, jusqu’à ceux qui viennent nous soutenir lors de nos rencontres. Elles sont toutes dans l’esprit.
Afrik.com : Vous parliez de triste bilan, est-ce que vous pouvez nous donner votre sentiment sur les indépendances africaines fêtées cette année en grande pompe?
Elom20ce : Ceux qui se sont battus à l’époque avaient pour finalité, pour la plupart, les Etats-Unis d’Afrique, même s’il existait des divergences sur la forme qu’elle devait prendre. 50 ans après, nous en sommes loin. Notre monnaie par exemple, le CFA, est toujours arrimée à l’Euro. Nous ne maitrisons pas notre économie. Et nos élections, qui sont censées permettre au peuple d’élire leurs dirigeants, sont pour la plupart financés par l’Union Européenne. En Afrique, nous savons bien que c’est la main qui donne à manger qui dirige.
Afrik.com : Les 3 premières éditions se sont tenues au Free Time Bar à Lomé, pourquoi avoir changé d’endroit pour cette 4e édition. Envie d’un public différent ?
Elom20ce : Non. Ce qui nous a motivés à changer d’endroit fait parti intégrante du concept d’Arctivism. Le but c’est d’aller vers les gens donc être présent dans des quartiers différents, et, pourquoi pas, être un jour des pays différents. Le centre Denyigba est un défi qu’on se lance car l’endroit est plus grand que le Free Time bar. On espère donc que le public sera au rendez-vous demain.
Afrik.com : Pour le public justement, pouvez-vous nous détailler un peu le menu de la soirée de demain ?
Elom20ce : Le public est attendu gratuitement au centre dès 17h. La soirée sera composée de trois axes majeurs. On va commencer par une discussion-débat autour de la thématique « négritude et cinquantenaire des indépendances ». Le but de celle-ci est de faire un bilan de ce jubilé face à l’appropriation du concept de la négritude, parce que nous voulons savoir si les nègres ont vraiment compris l’essence du concept de Césaire. Puis nous projetterons un film sur cette personnalité « Aimé Césaire : un nègre fondamental ». Et, pour finir, nous organisons un concert rap-slam-reggae accompagnés de danse contemporaine et de la réalisation instantané d’un tableau Aimé Césaire au cours de la soirée. Lors cette rencontre, un magazine appelé Asrafozine sera également distribué gratuitement. Il contient, entre autres, quelques articles sur l’écrivain et des interviews d’artistes togolais qui seront à nos côtés sur scène.
Afrik.com : Voyez-vous vraiment la nécessité d’un débat à chaque édition. Après tout, ces figures sont des personnes très connues de vos compatriotes ?
Elom20ce : Il y a une différence entre la connaissance plate et la connaissance profonde. Beaucoup de gens aiment porter des t-shirts du Ché, de Fela Kuti mais combien connaissent le fond de leur combat ? Faites ce sondage autour de vous pour voir et vous verrez que peu maîtrisent vraiment ces personnages et surtout leurs idées. Lors d’un micro-trottoir réalisé à Lomé pour notre magazine Asrafozine, beaucoup de jeunes ont dit, par exemple, qu’Césaire était Sénégalais !
Afrik.com : Envie d’exporter le concept à l’extérieur du Togo ? Et si oui, à quels pays pensez-vous déjà ?
Elom20ce : On pense déjà au pays voisin le Ghana, parce que c’est suite à la publicité faite sur le net que nous avons constatés qu’ils ont été les premiers à être accrochés par le concept. D’ailleurs, nous recevrons la visite d’un label ghanéen à nos côtés demain pour le chapitre 4. Et les gens en redemandent. Les messages que nous recevons sur Internet, lors des émissions de radio et de télévision, et le bouche à oreille qui se fait de Lomé sont très positifs. Nous voulons cependant améliorer certains aspects et nous allons nous y atteler dès cette quatrième édition. A savoir avoir une meilleure organisation matérielle, surtout au niveau de la sonorisation et de l’éclairage de la scène. Nous souhaitons aussi plus d’adhésion populaire. Et intéresser les visiteurs au débat de la même manière qu’ils peuvent l’être par le show.
Afrik.com : Qui finance Arctivism ? Une aide de l’Etat est-elle envisageable ?
Elom20ce : Arctivism est le fruit d’un auto-financement et de l’aide de bonnes volontés. Par exemple, ceux qui nous mettent à disposition leur centre culturel ou leur bar gratuitement est une aide non négligeable et je les en remercie. Pour l’aide de l’état, nous y réfléchissons, car on tient aussi à notre indépendance.
Afrik.com : Vous parlez d’indépendance. Justement, comment choisissez-vous les artistes qui vous entourent lors des Arctivism et dont dépend la bonne réussite du show ?
Elom20ce : Ce sont ceux qui, à travers leurs arts, font passer des messages conscients et engagés. Et qui, dans leurs manières de vivre, forcent le respect et donnent envie à la jeune génération de croire à notre message. Il ne faut pas qu’il y est déphasage entre le message de l’art et le comportement citoyen de l’artiste lui-même.
Afrik.com : Comptez-vous arrêtez Arctivism un jour ? Et que ferez-vous alors ?
Elom20ce : On ne compte pas arrêter Arctivism. L’un de mes grands rêves c’est d’expliquer les fondements et la nécessité d’une véritable unité africaine par le biais d’une caravane qui circulerait à travers toute l’Afrique. A l’étape actuelle, notre concept n’est encore qu’à sa phase embryonnaire.