L’Aïd el-Adha, encore appelée la fête du mouton, a été célébrée, il y a quelques jours, un peu partout dans le monde musulman. Si cette page festive est tournée, au Sénégal, la célébration a laissé des traces, parfois très amères.
Nombreux sont les Sénégalais qui ont été « cognés » par leur bélier, lors de la célébration de l’Aïd el-Adha. Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, se faire cogner par le mouton peut avoir diverses significations. Seulement, la plus courante reste celle de s’être gavé de viande de mouton, au point d’en tomber malade. En effet, nombreux sont ceux qui se retrouvent à l’hôpital, après avoir consommé une quantité inhabituelle de viande rouge.
« Finir sa digestion sur un lit d’hôpital »
A l’hôpital Dixième de Thiès, « depuis lundi, c’est la grande affluence. Nous recevons beaucoup de malades. Pour la plupart, ils souffrent de problèmes gastriques. Il y a de ces organismes qui ne sont pas habitués à de la viande rouge. Et lorsqu’on en consomme en grande quantité, on risque de finir sa digestion sur un lit d’hôpital. Comme c’est le cas actuellement de nombre de malades que nous recevons, depuis la fin de la fête de Tabaski » », confie ce médecin qui a requis l’anonymat.
« Nous avons aussi des patients qui souffrent d’hypertension. Vous vous imaginez, un corps qui, habituellement, recevait environ 200 grammes de viande par semaine. D’un seul coup, en une journée, il en reçoit plus d’un kilogramme. Ah oui, certains n’y vont pas avec modération, car ils ont sous leurs yeux de grosses quantités de viande. Eh bien, c’est le choc et on finit à l’hôpital. Sans compter certains diabétiques surpris par la malbouffe de ces derniers jours. Entre le gras et les sucreries, bonjour les dégâts », poursuit la blouse blanche.
« Ils pensent déjà à la dette à rembourser »
Il n’y a pas que des ennuis de santé que la Tabaski engendre. La fête du mouton est auss à l’origine d’une grave crise financière au pays de la Téranga. En effet, nombreux sont ceux qui n’hésitent pas à contracter des dettes pour s’offrir soit le mouton, ou payer de beaux habits à tous les membres de la famille. Après la fête, il faudra penser au remboursement. Et c’est le casse-tête de beaucoup de Sénégalais.
« Nous sommes nombreux à nous endetter pour organiser une belle fête à la maison. S’il faut un gros bélier, des habits pour les enfants et nous-mêmes les adultes, sans compter les chaussures, les condiments et la collation pour le jour de la fête, il faut débourser beaucoup d’argent. Ces charges dépassent de loin le salaire. Normal qu’on contracte des prêts pour arrondir les angles. Après, c’est la galère. Certains pères de famille ne pensent plus à la fête, dès l’après-midi de l’Aïd. La raison, ils pensent déjà à la dette à rembourser », confie Abdou Kane, sexagénaire.
Vers un mois de juillet très difficile
Au marché aussi, c’est la saison morte. Les poches étant vides au lendemain de la fête, difficile pour les commerçants de se frotter les mains. « En temps normal, j’écoulais deux sacs de pomme de terre et cinq d’oignons, chaque jour. Actuellement, il m’est difficile de vendre un demi-sac de pomme de terre. Quant à l’oignon, c’est à peine que je vends deux sacs », se plaint ce commerçant trouvé au marché central de Thiès. Même son de cloche chez son voisin qui dit avoir constaté que son chiffre d’affaires a baissé de plus de la moitié.
« Les gens n’ont plus d’argent dans les poches. Le plus grave est que la fête de la Tabaski a coïncidé avec la fin du mois. Les Sénégalais ont, dans leur quasi-totalité, perçu leur salaire qu’ils ont dépensé pour que la fête soit belle. Seulement, l’après-fête pose forcément problème. Certains ont gardé un peu de viande, leur permettant de gérer la subsistance pendant quelques jours encore. Imaginez les familles nombreuses où le mouton immolé n’a même pas suffi pour la journée. Si on retrouve les poches vides, que va-t-on faire pour nourrir la famille ? », demande Moussa Dia, enseignant-chercheur.