Antoine Gizenga, le nouveau Premier ministre désigné par Joseph Kabila, est une figure discrète, mais importante de la scène politique en République Démocratique du Congo (RDC). Cette fonction, qu’il avait déjà occupée en 1960 alors qu’il évoluait aux côtés de Patrice Lumumba, sonne comme le dernier grand défi du Mbuta.
Antoine Gizenga, 81 ans, a été nommé Premier ministre de la République Démocratique du Congo (RDC), le 30 novembre dernier, par le Président Joseph Kabila. Il aura la lourde tâche de constituer un gouvernement de coalition pour lequel il a entamé des consultations ce mardi. La nouvelle fonction du secrétaire général du Parti lumumbiste unifié (Palu), d’obédience socialiste, ne lui est pas inconnue. Il l’avait déjà occupé brièvement en 1960. Gizenga était alors vice-Premier ministre de Patrice Lumumba, le père de l’indépendance congolaise assassiné en 1961.
Les circonstances sont aujourd’hui différentes, mais toujours est-il qu’il s’agit de construire (encore) un nouveau Congo. Celui qui vient de renouer avec la démocratie après plus de 40 ans de dictature. Cette mission est la résultante de la contribution décisive de son parti à l’élection de Joseph Kabila. En se révélant, en juillet dernier, lors du premier tour des présidentielles comme la troisième force politique en RDC (13,6% des voix), ce dinosaure de la scène politique est devenu de fait l’homme dont le favori devait avoir les faveurs.
Une certaine idée du lumumbisme
Premier ministre, Antoine Gizenga aspirait depuis 1991 à cette fonction. Lors d’une conférence de presse qu’il tenait alors, il avait annoncé qu’il souhaitait « diriger un gouvernement de transition et forcer le président Mobutu Sese Seko à quitter le pouvoir ». Il mettait ainsi fin, en février 1992, à plus de 25 ans d’exil. Mais très vite, en 1995, il se retrouve dans les geôles de Mobutu, comme il l’a souvent été au cours de sa carrière politique. Elle démarre timidement à la fin des années 50. Son parti, le Parti Solidaire Africain (PSA) gagne très vite en popularité dans la province de Léopoldville. La formation est, en effet, plébiscitée dans la capitale congolaise par les ressortissants de sa province natale du Bandudu (ouest de la RDC). Notamment du district de Kwilu où Antoine Gizenga voit le jour le 5 octobre 1925 à Mbanze. Cette popularité grandissante lui vaudra de devenir un allié politique de Patrice Lumumba et non pas, pour beaucoup, un lumumbiste de « pure souche ». Ainsi, en juin 1960, il est nommé vice-Premier ministre, mais son gouvernement est dissout trois mois plus tard par Joseph Kasa-Vubu, alors président de la République. Antoine Gizenga sera arrêté en 1962. Libéré en 1964, il est de nouveau incarcéré jusqu’en 1965, date à laquelle il prend le chemin de l’exil.
Celui qui n’a jamais participé aux grandes rencontres lumumbistes, décisives pour le Congo naissant, s’est tout de même imposé au fil des ans dans le paysage politique national. Antoine Gizenga n’a pas signé l’acte d’indépendance, ni participé à la Table Ronde de Bruxelles ou encore aux conclaves de Tananarive (Madagascar), de Lovanium ou de Coquilathville (Mbandaka). Son empreinte, estompée par l’exil, s’est fait de plus en plus visible ces seize dernières années. Opposant invétéré aux gouvernements successifs, il prend part pour le compte de « l’opposition politique non armée » en 1998, au déclenchement de la guerre civile, aux négociations de paix qui ont conduit, en 2003, à la mise en place d’un gouvernement de transition. De même, bien qu’il la juge imparfaite, il appelle à voter « oui » au référendum constitutionnel de décembre 2005, gage pour lui de l’organisation d’élections démocratiques. L’avenir donnera raison à ce fervent défenseur de la légalité.
Le dernier défi
Le Mbuta – patriarche – qui continue d’appeler la capitale Kinshasa, Léopoldville, représente à n’en point douter une certaine idée du Congo. Pour les plus nostalgiques, sa réapparition au devant de la scène politique fait renaître un quelque peu l’espoir qui emplissait les cœurs des Congolais quand Lumumba était encore parmi eux. « Quand vous arrivez dans une maison qui est sale, que devez-vous faire ? Il faut nettoyer. C’est ce que je compte faire à la tête du gouvernement…». Ces propos d’Antoine Gizenga datent de 1991, néanmoins la formule n’a pas perdu de son d’actualité.
Le nouvel hôte de la Primature est connu pour être un homme de principes. Une qualité qui conforte dans leurs opinions ceux qui ne donnent pas cher du duo Gizenga-Kabila. Entre autres parce que les proches du président Kabila, impliqués dans des crimes économiques seront « interdits de gouvernement » par le nouveau Premier ministre. Les détracteurs de ce dernier lui reprochent aussi sa longue hibernation politique. Cependant , nombreux sont ceux qui comptent sur la probité et les convictions socialistes d’un homme, qui se veut proche du peuple, pour insuffler une nouvelle dynamique à la RDC. Ils comptent sur Antoine Gizenga pour faire, désormais, de la bonne gouvernance une donne politique fondamentale La tâche sera des plus ardues. Même pour un homme qui joue ses ultimes cartes politiques et qui, à l’automne de sa vie, rêve de marquer l’histoire de son pays.