Anthony Kavanagh : comédien, « Ouate else ! »


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Un chef d’entreprise dans Agathe Cleary, un homosexuel québécois dans la dernière trilogie estivale de la chaîne cryptée Canal + et un soldat noir américain dans Les Amants de l’ombre, téléfilm diffusé ce mardi sur les antennes de France 3. L’humoriste canadien Anthony Kavanagh fait depuis quelques années ses armes de comédien dans le paysage audiovisuel français. Alors qu’il est sur scène pour son dernier spectacle Ouate else ! , une sorte de bilan de « quadra » qu’il est devenu, il parle de son nouveau défi, la comédie, et regrette que les petits et les grands écrans français ne reflètent pas plus la société française.

Anthony Kavanagh, l’humoriste, n’a plus de secrets pour le public français. Le Québecois leur propose depuis quelques mois une autre facette : celle d’acteur. Il incarne ce mardi sur les antennes de France 3 un soldat noir américain qui vit une folle histoire d’amour avec une française blanche à la fin de la Seconde Guerre mondiale dans Les Amants de l’ombre de Philippe Niang. Le racisme et la ségrégation raciale dans l’armée américaine se chargeront de rendre impossible cet amour naissant. En attendant de le retrouver de nouveau sur un écran, il est sur scène, au Théâtre du Gymnase, à Paris, jusqu’au 2 janvier avec son dernier show : Ouate else !.

Afrik.com : Comment avez-vous obtenu votre dernier rôle,
celui de Gary, dans Les Amants de l’ombre ?

Anthony Kavanagh :
France Zobda et Jean-Lou Monthieux, les fondateurs d’Eloa Prod, m’ont approché pour me le proposer. L’histoire m’a tout de suite intéressée. Jean-Lou est l’un des meilleurs directeurs de production de Paris. Il a géré, par exemple, le budget de 35 millions d’euros d’Un Long dimanche de fiançailles. Je connaissais France qui est comédienne et qui a joué dans les années 80 dans une série québécoise dans laquelle elle incarnait un médecin haïtien. A l’époque, quand j’étais adolescent, nous étions tous sous le charme de ses yeux bleus. J’ai ensuite fait la connaissance de Philippe et de toute l’équipe. Les Amants de l’ombre est une très belle production afro-française qui m’offre un très beau rôle. J’ai adoré exprimer la fragilité de Gary. Une fragilité que l’on retrouve chez Sidney, son meilleur ami. Face à l’adversité, aux accusations et au racisme auxquels ils sont confrontés dans l’Hexagone, ils se disent : « On est venus libérer la France et c’est ainsi qu’on nous remercie ».

Afrik.com : Ce qui vous a séduit aussi, c’est le fait que ce ne soit pas un rôle comique…

Anthony Kavanagh :
J’ai eu les uns à la suite des autres trois beaux rôles intéressants, trois défis… Il faut tenir la route devant des acteurs solides. D’autant plus quand on entend tout le temps, Julie en a d’ailleurs fait l’expérience : « Tu va jouer avec un comédien non professionnel, qui n’a pas fait d’école de théâtre, de cinéma, le cours Florent ?! »

Afrik.com : En 1989, vous avez remporté les « Auditions nationales Juste pour rire » au Canada – une distinction qui a lancé votre carrière – en faisant rire sur le thème du racisme. Pour vous, la question est réglée depuis longtemps . Mais vous rendez-vous compte de la charge que cela représente de porter ce type de rôle dans l’audiovisuel français ?

Anthony Kavanagh :
Oui. J’ai appris qu’il y avait des soldats noirs américains en France. Je savais pour les tirailleurs sénégalais, qu’il y avait eu des GI’s en Italie, Spike Lee a d’ailleurs fait un film sur le sujet. Cette histoire est inspirée de faits réels. Les gens étaient au courant des inégalités qu’il y avait dans la société américaine. Mais ils savent moins que cela s’est aussi produit sur le sol français. C’est bien pour toute la société française de voir des films avec des gens de toutes les couleurs. La France n’est pas représentée à l’écran, même si elle existe néanmoins un peu plus à la télé qu’au cinéma. Si on regarde 200 films français, on se dit qu’en France il y a 5 Arabes et un Noir et que tout le monde est blond ou brun.

Afrik.com : Si vous deviez faire une comparaison avec le Canada…

Anthony Kavanagh :
Il y a 25 ans qu’il y a des présentateurs noirs, il y a beaucoup plus de comédiens noirs à la télévision qu’en France. Ils sont plus rares au cinéma, mais la situation s’améliore.

Afrik.com : Vous dites à un moment dans le film à Louise, alias Julie Debazac qui est votre partenaire : « Tu n’es pas Noire, tu ne peux pas comprendre ». Quel écho cette phrase a dans votre vie ?

Anthony Kavanagh :
Elle est d’abord très facile à dire. Je n’avais qu’à me rappeler de certaines périodes de ma vie, à des évènements où les Blancs qui étaient autour de moi ne pouvaient pas comprendre. Je l’ai déjà dite dans la vraie vie. Il n’y a pas si longtemps, je revenais des Caraïbes et nous avons fait escale à Miami. L’avion était rempli de Français blancs. A la douane, j’ai été le seul à être contrôlé.

Afrik.com : Ce rôle et les précédents, qui marquent votre intérêt croissant pour la comédie, constituent-ils un tournant dans votre vie d’artiste ?

Anthony Kavanagh :
A chaque fois qu’il y a un zéro à côté d’un chiffre dans la vie, on fait généralement le bilan. J’ai 40 ans, je suis à la moitié de ma vie sur le papier, je suis donc sur la pente descendante (rires). Je suis papa. C’est une nouvelle expérience. Il y a des projets intéressants comme celui-là, on regarde ce qu’on a fait et on se demande ce qu’on n’a pas encore fait et ce qu’on a envie de faire…

Afrik.com : Mais vous avez déjà presque tout fait…

Anthony Kavanagh :
Je veux jouer en anglais. J’ai tourné à moitié en anglais avec Gary (rires) : 60% de mes répliques sont en anglais. Je veux surtout apprendre ce métier de comédien. Je souhaiterais être aussi à l’aise sur scène, en tant qu’humoriste, que devant une caméra.

Afrik.com : Un mot sur votre dernier spectacle ?

Anthony Kavanagh :
Banane. C’est le mot que j’ai choisi. La trame de Ouate else, c’est justement ce dont on parlait tout à l’heure. A 40 ans, je réalise que mon fils vient de naître dans un monde qui n’a plus rien à voir avec celui dans lequel je suis né à tous les niveaux. C’est ce que je dis en début de spectacle…

Consulter:

 Le site officiel d’Anthony Kavanagh

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