Pour faire pression sur la communauté internationale qui instaure des sanctions économiques contre l¹Unita, le mouvement rebelle multiplie les attaques. Cibles privilégiées : les missions humanitaires. Face au nouveau défi du chef rebelle angolais, l¹ONU parie sur la fermeté.
A quoi joue Savimbi ? C’est la question qui vient à l’esprit après que l¹Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita) a lancé une nouvelle attaque, lundi, sur la localité côtière de Benguela. Selon la radio catholique » Ecclesia « , ce coup de force aurait fait trois morts et une cinquantaine de blessés. Par ailleurs, au moins 100 personnes seraient portées disparues, vraisemblablement enlevées par les rebelles de Jonas Savimbi.
En février dernier, des opérations similaires dans la même région s’étaient soldées par une quinzaine de tués et 200 otages. Depuis, le camp rebelle a encore intensifié ses attaques : le 5 mai dernier, des éléments de l’Unita prenaient d’assaut Caxito à 50 kilomètres de la capitale, Luanda, tuant 100 personnes, majoritairement des civils et enlevant 60 orphelins de guerre. Deux jours plus tard, Jonas Savimbi lançait simultanément une proposition de réouverture de négociations de paix et… une nouvelle attaque dans la province d’Uije, à 350 kilomètres de Luanda.
L’art de la nuisance
Il va sans dire que l¹école de Caxito (cible de cette attaque), gérée par une Organisation non gouvernementale (ONG) » Help for the People « , à l’instar de la plupart des cibles visées par l¹Unita ces dernières semaines, ne constitue en rien un objectif militaire. Elle a été construite sur fonds danois. Plusieurs enseignants étrangers y exerçaient. La quasi totalité des 20 000 habitants ont déserté Caixo, préférant l’immensité du bush ou la route de Luanda. Le rapt d¹enfants et d’adolescents est fréquent de la part de l’Unita, qui les utilise pour les tâches ménagères avant de les intégrer dans ses troupes.
Mais la généralisation du système ainsi que l¹intensification des attaques au moment même où l’émissaire de Kofi Annan, Ibrahim Gambari, achève une tournée de six jours en Angola afin de relancer le processus de paix dans l’impasse est appréciée sans nuances par ce spécialiste des dossiers africains auprès du Secrétaire général des Nations Unies : » Il s’agit d’otages enlevés à des fins politiques, ce qui constitue un développement négatif de la crise « , a-t-il commenté lors d’une conférence de presse. Traduction : si Jonas Savimbi croit qu¹en faisant la démonstration de son pouvoir de nuisance, il renforcera sa crédibilité auprès de l’ONU, il se trompe.
Les rapports entre la communauté internationale et l’Unita se sont considérablement détériorés depuis le non respect des accords de paix de 1994, imputables à l’échec des élections de 1992 et au refus du vieux chef rebelle d’abandonner la voie des armes.
Sanctions efficaces
Le 18 avril 2000, un renforcement des sanctions contre l’organisation rebelle a été approuvé par le Conseil de sécurité. Il vise l’Unita au portefeuille, s’attaquant à ses soutiens à l¹étranger ainsi qu’à ses filières d’exportation de diamants et de pétrole, exerçant de fortes pressions sur ses fournisseurs d’armes.
Malgré les nombreuses possibilités de détournement des sanctions, offertes par la situation anarchique qui prévaut en RDC et les soutiens dont les cadres de l’Unita et leurs familles continuent de bénéficier dans certains pays africains, les revenus liés aux diamants de l’organisation rebelle sont passés de 300 millions de dollars par an à 100 millions en 2000.
Mais pour l’Unita, il y a pire : le mouvement de Jonas Savimbi s’est mis à dos les puissances régionales de l’Afrique australe et leur puissant relais institutionnel, la Communauté économique des Etats d’Afrique australe (SADC). Suite à la découverte par l’armée namibienne de plusieurs stocks de carburants sur les bases arrière de l’Unita en territoire contrôlé par Windhoek, les responsables du secteur énergétique de la SADC ont décidé de la création d’une commission d¹enquête pour déterminer qui approvisionne Jonas Savimbi. Le 10 février 2001, l’Angola, la Namibie et la Zambie signaient un accord tripartite pour renforcer la sécurité sur leurs frontières communes. Une initiative qui fait suite à une réunion de l’ensemble des chargés de police des pays membres de la SADC. En décembre 2000, ils se sont entendus pour un plan de contrôle commun des transport de matières premières dans la région.
Le pari de la fermeté
De plus en plus isolé, Jonas Savimbi joue son va-tout en ciblant ses attaques sur les personnels humanitaires et les ONG, pariant sur la lassitude d’une population épuisée par 26 ans de guerre, dont le bilan s’élève à au moins 500 000 morts. Mais la motivation de ses hommes qui tentent de se procurer ainsi vivres, vêtements et couvertures, trahit un désarroi croissant dans les rangs de l¹Unita. Il est loin le temps où les multinationales pétrolières négociaient avec Savimbi des rentes de prince d’Arabie. La fermeté de l’émissaire de l’ONU donne à penser que la communauté internationale interprète ce regain de tension comme un ultime baroud afin de négocier un cessez-le-feu dans les conditions les plus favorables aux cadres de l’Unita. La fin du tunnel est proche. Humanitaires, serrez les dents. Tel semble être le second message de l’ONU, adressé, lui, aux ONG, ultimes enjeux d’un bras de fer indifférent au bien être des populations civiles. Le mur de Berlin est tombé… Mais quand la guerre froide cessera-t-elle de brûler l’Angola ?