Depuis ce lundi matin, Jose Filomeno dos Santos, fils de l’ancien Président se trouve dans le box des accusés, du tribunal suprême de Luanda, pour corruption. Alors que l’ex-patron du Fonds souverain angolais est le premier membre du clan dos Santos à faire l’objet d’un procès depuis le départ volontaire du père, Jose Eduardo dos Santos de la tête de l’Angola, sa sœur aînée, Isabel, est visée par une enquête pour corruption. Que vise réellement Joao Lourenço, un cacique du précédent régime en s’acharnant sur la famille dos Santos ?
Les déboires de la famille dos Santos
Le procès de Jose Filomeno dos Santos a débuté ce lundi 9 dcembre 2019 au matin, au tribunal suprême de Luanda. Egalement présents au procès, trois co-accusés dont Valter Filipe da Silva, ex-gouverneur de la Banque centrale du pays. Les quatre hommes comparaissent pour une affaire de détournement de fonds et de blanchiment d’argent. Ils sont accusés d’avoir détourné, par une manœuvre frauduleuse, jusqu’à 1,5 milliard de dollars.
Limogé de son poste en janvier 2018, soit quatre mois seulement après le départ de son père du pouvoir, Jose Filomeno dos Santos a d’abord été mis en détention provisoire en septembre 2018, avant d’être remis en liberté sous contrôle judiciaire depuis mars 2019 jusqu’à son procès qui a débuté aujourd’hui.
Si Filomeno est le premier du clan à être présenté à la justice, ils sont très nombreux, les proches de l’ex-Président dos Santos à être démis de leur fonction par le Président Lourenço après sa prise de pouvoir. A titre d’exemple l’autre enfant de Jose Eduardo dos Santos, Isabel, la femme la plus riche d’Afrique, a été la première touchée puisque démise de son poste de PDG de la société pétrolière du pays, la SONANGOL, depuis novembre 2017, et visée également par une enquête pour détournement de deniers publics. La situation est devenue si critique pour la famille de l’ancien dirigeant qu’elle crie à la persécution. Isabel est pour l’instant loin de l’Angola, puisqu’elle vit en Europe, tout comme son père qui s’est établi, depuis quelques mois, en Espagne.
Désir de vengeance ou quête de la sympathie du peuple?
Pour qui connaît le parcours de Joao Lourenço, ces actions contre les proches de son ancien mentor pourraient à première vue sembler surprenantes. En effet, militant de première heure du MPLA, ayant participé à la guerre d’indépendance, Joao Lourenço fut nommé au poste de gouverneur de la province de Benguela par dos Santos, en 1986. Secrétaire général du MPLA, de 1998 à 2003, vice-président de l’Assemblée nationale entre 2003 et 2014, ministre de la Défense en 2014, il devient aussi vice-président du MPLA, en août 2016. Beaucoup pensaient qu’avec Lourenço au pouvoir, dos Santos allait continuer à diriger les choses de loin.
Penser cela, c’est ignorer un fait apparemment anodin, mais qui pourrait être important aux yeux de l’actuel Président angolais. En effet, si Lourenço a fait son chemin aux côtés de dos Santos, il sait que son ascension jusqu’à devenir président de la République n’était pas voulue par le Président dos Santos. En effet, ce dernier avait d’abord pensé à son fils Filomeno pour lui succéder, option rejetée d’emblée par les caciques du parti. Le deuxième choix de dos Santos a été Manuel Vicente finalement disqualifié par des affaires de corruption. Il dut se résoudre au choix du parti qui avait, de façon consensuelle, opté pour Joao Lourenço.
Est-ce une raison suffisante pour se jeter aux trousses des proches de dos Santos, ce dernier n’étant plus au pouvoir ? Ou alors le Président veut-il s’attirer la sympathie du peuple ? Car il est de notoriété publique qu’en trente huit ans de règne, le clan dos Santos s’est beaucoup enrichi et contrôle bien des secteurs de l’économie angolaise. La fortune personnelle d’Isabel dos Santos, considérée comme la femme la plus riche d’Afrique, est estimée à plus de 3 milliards de dollars. Toutes choses que le peuple et l’opposition ne voyaient pas d’un bon œil. Ce qui est sûr, c’est que le successeur de Jose Eduardo dos Santos n’a mis que quelques jours pour déjouer tous les pronostics et montrer sa totale indépendance vis-à-vis de l’ancien chef d’Etat.
Maintenant que le fils de Jose Eduardo dos Santos est devant les tribunaux, tous les regards sont tournés vers la justice angolaise. Même si Sindika Dokolo, époux d’Isabel dos Santos et beau frère de Filomeno estime que « la marge de manœuvre [du Président João Lourenço] reste limitée, car le pays dispose d’institutions fortes », et que « la justice va faire son travail », tout l’Angola attend le verdict de ce procès qui risque de faire beaucoup de vagues.