Angola : le kuduro selon Dog Murras


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Dog Murras
Dog Murras

Dog Murras est reconnu comme l’ambassadeur du kuduro, la musique détonante des banlieues angolaises aux textes très engagés. Pour ce jeune homme de 29 ans, c’est un véritable devoir de porter la voix du peuple. Son succès est tel que les autorités font appel à lui pour se faire entendre. Rencontre avec l’artiste qui se produira le 11 novembre à Paris, dans le cadre de l’événement 100% Angola.

Lorsqu’on écoute Dog Murras chanter certains titres, on imagine un homme avec les traits assez durs, marqués par la colère accumulée au fil des années. A sa rencontre, on aperçoit au contraire que cet Angolais fashion de taille moyenne est d’un calme olympien et d’une douceur déconcertante. Comme quoi, la voix ne fait pas le moine. Mais ne vous fiez pas aux apparences, Dog Murras est une bête de scène. Et mieux vaut quand on a choisi le kuduro comme créneau.

Faire aussi passer les messages aux analphabètes

Cette musique est née dans les banlieues angolaises. C’est Tony Amado qui a sorti en 1996 le premier le CD de ce rythme détonnant, mélange de techno et de kizomba, qui véhicule des textes très engagés. Un style qui a séduit Dog Murras, né il y a 29 ans à Luanda sous le nom de Murthala de Oliviera. « J’ai choisi cette musique car c’est la musique du peuple. Tout le monde l’écoute dans toutes les couches de la société et à tous les âges. C’est donc un excellent moyen de faire passer les messages, d’autant que 80% de la population est analphabète », explique l’artiste, qui est aujourd’hui l’ambassadeur du mouvement dans son pays et à l’étranger.

Dog Murras compte quatre albums à son actif. Dans les deux derniers, il opère un retour aux sources. Il a enrichi la musique moderne avec des instruments traditionnels, qui servaient aux ancêtres pour communiquer. D’où l’utilisation du djembé, du sifflet et du reco reco, contre lequel il faut frotter une fine baguette de bois.

Dans ses chansons, Dog Murras « parle des problèmes sociaux de l’Angola et du monde entier ». « Ma plus grande préoccupation est de voir ce qui se passe dans le monde. Cela vient notamment des études d’art que j’ai faites en Afrique du Sud, à l’époque où le pays était en transition post-Apartheid. C’est quelque chose qui m’a beaucoup marqué. J’ai aussi beaucoup d’admiration pour les gens qui luttent ou ont lutté pour le peuple, comme Martin Luther King, Bob Marley, Nelson Mandela ou Che Guevara », poursuit le jeune homme, qui porte d’ailleurs un sac à l’effigie Che Guevara et s’est fait tatoué sur le bras le visage du révolutionnaire cubain.

Le kuduro au service de la sensibilisation

La promotion du Kuduro est assurée par les taxis. Ils s’échangent les cassettes et roulent avec le son poussé au maximum. Ils jouent un peu le rôle de sonos ambulantes. Les décibels sont parvenus aux oreilles des plus hautes autorités. La preuve, selon lui, que la musique peut faire bouger les choses. « Les politiciens avaient du mal à faire passer leur message, alors, pour mobiliser les gens, ils ont fait appel à moi pour que je crée une chanson incitant les gens à s’inscrire sur les listes électorales. Dès mon retour en Angola, je travaillerai sur le clip », confie le fan de kwaito (le rap des ghettos), qui a inventé une danse différente pour chaque opus.

Sa musique, qui fait un tabac dans les pays de langue portugaise, a aussi séduit Coca Cola ainsi que le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef) et le ministère de la Santé, qui lui ont demandé de participer à la prévention du VIH/sida chez des jeunes : le chanteur sacré disque d’or au Portugal, qui porte un pin’s avec le ruban rouge symbolisant la lutte contre le sida, a pour mission de fédérer les autres artistes à cette cause. Autre combat qui lui tient à cœur : redorer le blason du drapeau angolais.

Il a inventé une ligne de vêtements où apparaissent les symboles de la nation. Il arbore d’ailleurs une écharpe les représentant. « Pendant longtemps, à l’époque coloniale, on nous disait de ne pas porter nos vêtements, de ne pas porter notre langue… C’est pour cela que je fais la promotion du drapeau et de nos langues nationales », souligne Dog Murras, qui parle le kimundo. Aujourd’hui, grâce à son kuduro, il estime les gens n’ont plus honte de leur drapeau et sont fiers de leur culture.

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