C’est mardi dernier que le Président angolais Joâo Lourenço a démis Monsieur Jose Filomeno dos Santos de ses fonctions à la tête du fonds souverain. Le fils de l’ex-président dos Santos occupait ce poste depuis 2013, il était soupçonné d’avoir utilisé le fonds souverain pour favoriser son ami et homme d’affaires basé en Suisse, Jean-Claude Bastos. Constitué en 2011, le fond souverain angolais, doté d’un portefeuille de 5 milliards de dollars, était censé servir pour les générations futures.
Aussitôt remplacé à ce poste par l’ancien ministre des finances, Carlos Alberto Lopes, « Ezonerador implacavel », le liquidateur implacable comme le surnomment les Angolais, a encore frappé. Cette série de limogeages s’inscrit dans la volonté affichée du nouveau Président de combattre la corruption comme il l’a promis lors de sa campagne.
Depuis sa prise de pouvoir en septembre 2017, le Président Lourenço en a surpris plus d’un dans sa volonté d’aller vite dans les reformes pour relancer l’économie en baisse depuis la chute du prix du baril en 2014, mais aussi en affichant sa ferme détermination à combattre la corruption et les vieilles pratiques.
S’exprimant lundi 8 janvier à l’occasion de ses 100 premiers jours au pouvoir, le Président Lourenço a ainsi rappelé sa détermination à lutter contre la corruption, annonçant notamment la mise en place d’appels d’offres ouverts et concurrentiels pour les projets de construction financés par l’État angolais. Ceux qui pensaient que nouveau Président n’allait pas faire le ménage et surtout s’attaquer à ce chantier de la corruption, ont été pris de court, par la rapidité avec laquelle le nouveau Président a agi et continue d’agir.
Ces réformes et surtout le combat contre la corruption sont très appréciés par la population, au point que l’opposition a du mal à trouver sa place actuellement. Le Président Lourenço lui-même tient à le faire savoir. A un journaliste qui lui demandait s’il y avait des tensions avec son prédécesseur, il a répondu : « je ne vois aucune tension dans nos relations » et d’ajouter que « le Président du parti est guidé par les statuts du parti, et en tant que Président de la République, je cherche à faire respecter et obéir la constitution » précisant au passage avoir « des relations de travail normales » avec l’ancien Président José Edouardo Dos Santos.
Une détermination assumée
Cette volonté est saluée par l’ensemble de la population mais aussi les observateurs avertis. Dans un pays où l’on était habitué à un laisser-aller, où la corruption avait fini par atteindre des proportions inimaginables, le style et la méthode du Président Lourenço détonnent et étonnent en même temps, tant par son pragmatisme que par sa rapidité dans l’exécution. Réputé bosseur, avec un sens aigu du respect de la chose publique, le Président Lourenço reste un militaire dans l’âme, ordre et discipline. Connu aussi pour être un homme franc et direct, ce caractère n’est pas sans rappeler que la plupart de ce qui se passe en ce moment, il l’avait déjà annoncé.
Et prochainement, l’on sera pas surpris de voir certains millionnaires et milliardaires angolais qui ont des actifs dans les paradis fiscaux être poursuivis voire être seulement dépouillés s’ils ne font pas le choix volontaire de rapatrier leurs actifs au pays, comme le nouveau Président l’a annoncé.
En effet, le PrésidentJoão Lourenço a demandé aux Angolais indélicats, ayant détourné de l’argent, de rapatrier les fonds illégalement détenus à l’étranger dans les mois à venir sauf à risquer des poursuites judiciaires. Une stratégie qui vise à stimuler l’investissement national et lutter contre l’évasion des capitaux détournés par la corruption. Cette annonce est l’une des mesures politiques les plus audacieuses de Lourenço depuis qu’il a pris le pouvoir en septembre et suggère qu’il a l’intention d’essayer de tracer une ligne droite, après des années de corruption endémique et d’impunité dans le pays.
Selon les propos du gouverneur de la Banque centrale, José Massano, rapportés par l’agence de presse officielle angolaise Angop, 30 milliards de dollars d’argent angolais seraient détenus à l’étranger, bien que ce chiffre comprenne les dépôts légaux.
S’exprimant lors d’une conférence du parti au pouvoir sur la corruption en décembre dernier, le Président Lourenço a indiqué qu’une période de grâce serait annoncée au début de cette année, au cours de laquelle des fonds pourraient être rapatriés et investis dans l’économie angolaise sans poser de questions.
Pendant la période de grâce, « les citoyens ne seront pas harcelés, ne seront pas interrogés sur les raisons pour lesquelles cet argent a été détenu à l’étranger, ne seront pas poursuivis », a déclaré le Président Lourenço. Mais une fois que ce délai de grâce sera passé, alors « l’État angolais se considérera justifié de considérer l’argent comme appartenant à l’Angola et aux Angolais et ainsi, avec les autorités des pays où l’argent est détenu, agira pour le ramener en sa possession. » a ajouté le Président Lourenço
Le vent du changement et de la lutte contre la corruption qui souffle en Angola semble être contagieux pour les autres pays de l’Afrique Australe, notamment au Zimbabwe et très prochainement en Afrique du Sud, où les nouveaux dirigeants semblent emboîter le pas du Président Lourenço. Reste à savoir si le Président ira jusqu’au bout de ses promesses, c’est-à-dire jusqu’à traduire les responsables visés par des enquêtes devant la justice… Même si jusqu’à présent il a déjà démontré sa capacité à s’affranchir du clan Dos Santos pour tenir ce cap !