Andagui Bongo Ayouma, médecin pédiatre, vient de publier aux éditions Amaya son premier roman intitulé La tentation d’Adam. Entretien avec la nouvelle plume de la scène littéraire gabonaise.
Notre correspondant à Libreville
La tentation d’Adam , d’Andagui Bongo Ayouma, est un conte philosophique qui raconte les tribulations du premier homme face aux méfaits de la mondialisation. Cette œuvre, publiée aux éditions Amaya dont l’auteur est la fondatrice, exprime à d’autres égards la nausée de l’être pris au piège du matérialisme et en quête perpétuelle d’une essence transcendantale.
Afrik.com : Médecin de formation, professeur et directrice d’un établissement sanitaire, qu’est-ce qui vous amène vers l’écriture ?
Andagui Bongo Ayouma : J’ai grandi dans la lecture et très tôt je suis tombée amoureuse de la littérature. A 17 ans, j’ai écrit mon premier livre mais, à un moment de la vie, il fallait arrêter et poursuivre les études en médecine. Ma carrière professionnelle m’a servi de tremplin pour revenir aux belles lettres. J’ai été motivée également par la quête existentielle et identitaire. Je suis comme partagée entre deux mondes et deux cultures. J’ai passé une bonne partie de ma vie en Europe et je travaille au pays depuis une dizaine d’années. En Europe, je devrais travailler fort parce que je suis noire, et au Gabon je dois trouver ma place par ce que issue d’une famille aisée. A mon avis, il faut dépasser ce conflit intérieur et chercher la voie vers ma propre essence, et c’est ma principale motivation.
Afrik.com : A quoi renvoie le titre de votre ouvrage, La tentation d’Adam ?
Andagui Bongo Ayouma : J’ai voulu mettre en exergue l’idée du libre arbitre et de la responsabilité. Chacun est libre de choisir son chemin et, il n’y a pas de destin inexorable. Notre salut en tant qu’Africains viendra de nous-mêmes et de nos efforts à transcender notre présent. La situation actuelle de l’Afrique est préoccupante. Nous devons prendre notre destin en main. Je ne crois pas à la philanthropie et ne dit-on pas, aide-toi et le ciel t’aidera ? Si l’Afrique veut être indépendante, elle doit assumer son destin. Nos choix présents déterminent notre prochaine configuration. Celui qui est tenté n’est pas obligé de céder à la tentation. Je suis contre l’afro-pessimisme et je crois que pour décoller, l’Afrque doit trouver un modèle de développement qui lui est propre. Aussi, il faut noter que le titre de cet ouvrage est en quelque sorte une ironie et une remise en cause de l’hégémonie judéo-chrétienne.
Afrik.com : Dans votre roman vous écrivez : « Notre objectif est d’éliminer ces miséreux, de la surface de la terre !…Une fois que nous aurons réussi à les éliminer, nous récupérons leur pays, qu’ils sont- incapables d’exploiter eux-mêmes. ». Pensez-vous que le projet des pays les plus nantis est d’exploiter et d’exterminer les populations du Sud ?
Andagui Bongo Ayouma : Je suis contre le matérialisme à outrance d’où qu’il vienne. Cette phrase que vous venez de citer est un cri contre l’exploitation de l’homme par l’homme et contre tous les abus causés par le pouvoir matériel. Dans notre monde actuel, il n’y a plus de place pour les sentiments. Les valeurs de famille, les richesses du cœur n’ont plus leur place et, c’est très dommage. Je ne cherche pas à mettre en relief uniquement la part d’iniquité dans les rapports nord-sud. Dans toutes les sociétés, l’égoïsme et le capitalisme effréné déshumanisent le lien social et en Afrique, cela est vécu avec beaucoup de souffrance. Nous devons déchirer le voile. Derrière la matière, il y a l’esprit et la quête spirituelle est à mon avis la chose primordiale dans la vie.
Afrik.com : Quelle philosophie a inspiré l’écriture de votre ouvrage ?
Andagui Bongo Ayouma : Je pense en toute franchise que la terre est une école et que le combat de la vie doit se faire avec loyauté. Quand on tombe, il faut savoir se relever. Il faut savoir rester juste et, j’estime que tous les moyens ne sont pas bons. Par ailleurs, je suis pour la liberté religieuse et opposée aux dogmes. Chacun doit trouver son chemin et évoluer à son rythme. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’imposer ses opinions aux autres. J’ai écrit pour faire réfléchir et susciter la remise en question, et chacun pourra interpréter la tentation d’Adam selon ses sensibilités. Cette œuvre, je crois même, ne m’appartient plus.
Afrik.com : Quelle est votre opinion sur la liberté sexuelle ?
Andagui Bongo Ayouma : Dans le chapitre intitulé Sodome la belle, je m’insurge contre la dépravation des mœurs. Il y a de nos jours une liberté sexuelle écœurante. Nous n’avons plus le sens de la dignité. Il faut respecter les autres. Notre liberté ne nous autorise pas à briser la dignité d’autrui. Nous devons sauvegarder nos valeurs culturelles. Le réveil spirituel viendra de l’Afrique et de l’Asie, j’en suis convaincue. Les hommes s’éloignent de Dieu, et le résultat, c’est la souffrance et les catastrophes.
Afrik.com : Evidemment, vous évoquez aussi dans votre ouvrage le thème de Dieu et au Gabon, nous assistons à la prolifération des églises et à la renaissance du sacerdoce. Quelle est votre opinion sur ces questions en tant que citoyenne gabonaise ?
Andagui Bongo Ayouma : Je suis contre la violence et très tolérante en matière religieuse. Je crois comme le dit l’adage que plusieurs chemins mènent à Rome. Chacun doit trouver sa voie selon ses sensibilités intimes. Mais, il faut avouer que le commerce et l’escroquerie se sont introduits dans certaines maisons de Dieu et c’est ce qui est à déplorer. Il y a des prophètes autoproclamés et des faux pasteurs qui profitent de la détresse des autres et abusent de leurs fidèles. Ce n’est pas normal, et je crois d’ailleurs que chacun de nous peut communier avec Dieu sans intermédiaire. Il suffit juste d’écouter la voie de la conscience. L’église ne doit pas aliéner les libertés individuelles.
Afrik.com : Vous êtes très critique, dans votre ouvrage, à l’égard de la mondialisation. Pensez-vous que ce concept n’a que des revers pour l’Afrique ?
Andagui Bongo Ayouma : Dans l’état actuel des choses, nous avons l’impression que les Etats économiquement plus forts sont en train d’imposer leur politique aux autres. Et cette situation, n’est guère favorable aux micro-Etats africains qui sont pour la plupart faibles sur le plan économique. Si la mondialisation devient l’expression de l’hégémonie occidentale et le véhicule de la civilisation des pays du Nord, elle ne portera pas de fruits dans le continent noir. Il faut laisser la place à l’expression des valeurs indigènes et s’enrichir de toutes nos différences. Chaque peuple a quelque chose à apporter au rendez-vous du donner et du recevoir. Je ne suis pas contre le progrès, mais nous avons notre identité aussi à défendre. Par ailleurs, je pense que l’Afrique doit se battre pour que l’union africaine devienne une réalité. Unis, nous serons plus forts et nous ferons le poids dans le concert des nations.
Afrik.com : Le mot de la fin…
Andagui Bongo Ayouma : Je suis préoccupée par les problèmes du monde dans lequel nous vivons. J’ai l’impression que notre monde est entrain de passer à côté de l’essentiel. Nous perdons nos valeurs et courrons tous derrière la matière. Nous devons aller au-delà des apparences et chercher à nous connecter à la source qui est Dieu. Aussi, devons nous protéger notre mère la terre, et soigner notre environnement C’est une question de responsabilité et de bon sens.
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Le site des éditions Amaya