Gervais est un ancien enfant soldat. Âgé de 28 ans, ce jeune a troqué son arme de guerre contre la houe, en vue de se frayer un chemin dans l’agriculture. Rencontre !
C’est un samedi ordinaire à Mitendi, quartier situé dans la commune de Mont-Ngafula, dans la façade Sud-Est de la ville de Kinshasa. Il est 7 heures et quart, les cris d’oiseaux se font encore entendre pendant que Gervais se prépare pour aller travailler dans son champ. « J’ai une journée chargée qui m’attends », lance-t-il, en nous fixant de son regard plein de rêves.
Ce 12 février l’humanité commémore la journée internationale des enfants soldats. « Cette journée a tout sens en République Démocratique du Congo, où les rêves de millions d’enfants sont brisés après avoir été recrutés par force dans les groupes armés », déclare Gervais, malgré qu’il ne comprenne pas grand-chose de l’objectif de cette journée instituée par le Fonds international de secours à l’enfance des Nations Unies (UNICEF).
Recruté de force dans le groupe armé
C’est en 2009 que Gervais rejoint le Mouvement de libération indépendante et alliés (MLIA). Âgé alors de 15 ans, l’adolescent est recruté de force par les rebelles de ce groupe armé. « Je revenais de l’école quand des hommes armés m’ont demandé de les aider à transporter leurs bagages. Cette aide a été transformée en recrutement forcé (…) Nous étions plus de 15 jeunes de notre village Dongo à avoir été recrutés de force par ce mouvement », se rappelle-t-il. Pendant près d’un an, Gervais et d’autres enfants ont vécu dans la brousse. Ils étaient mis en avant pendant les affrontements entre ce groupe rebelle et les forces armées régulières. « Ils nous avaient emmenés loin de nos villages pour nous former pendant un an », confie-t-il.
Le MLIA était un groupe rebelle actif dans le secteur de Dongo et le reste du Sud-bangi, dans la province de l’Equateur, entre 2010 et 2012. Ce mouvement tribalo-militaire était dirigé par Udjani Magbama. Ce dernier a été condamné à mort par le tribunal militaire de Kinshasa, dans le cadre du procès des présumés commanditaires de l’insurrection de l’Equateur, en novembre 2009. Sa condamnation a marqué une vague de défection dans son mouvement. Certains de ses adaptes ont été démobilisés par le programme national Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR), alors que d’autres ont profité de l’opportunité pour tourner cette page sombre. C’est le cas de Gervais. « Sa condamnation a été un motif de soulagement pour plusieurs d’entre nous (les enfants) qui avaient été recrutés de force », déclare-t-il.
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Une longue marche vers la réintégration
Profitant de cette situation, Gervais quitte ce groupe rebelle et s’installe dans la ville de Mbandaka. Malheureusement, il fait face à un sérieux problème de réinsertion sociale. « Ce n’était pas facile de m’insérer dans la vie civile après près de deux ans dans l’armée. Il a fallu un suivi régulier de mes parents et les membres de ma famille restreinte pour arriver à réussir tant soit peu ma réinsertion », confie-t-il, ajoutant qu’il était toujours hanté par l’idée « d’intégrer l’armée régulière de la RDC ».
Grace au soutien moral de sa famille, Gervais a été initié à l’agriculture. « Depuis 2019, je fais de l’agriculture. Au début, je la considérais comme un passe-temps, mais depuis peu, je la considère comme mon métier », précise-t-il avec un sourire au coin. Son champ est basé à Maluku, une commune urbano-rurale de Kinshasa. Il y cultive « des choux, de l’aubergine, du poivron et d’autres légumes » qui lui permettent de joindre les deux bouts. Du haut de ses 28 ans printemps, l’ancien-enfant pense déjà à fonder une famille. Il se dit très satisfait de sa réintégration dans la communauté, en dépit de certains rêves d’enfance qu’il a abandonnés en raison de son recrutement forcé par le mouvement de libération indépendante et alliés.
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