Kah Walla est sans aucun doute la femme de l’année 2011 au Cameroun, c’est la femme du peuple, au-delà même de toutes les médailles de chocolat qu’elle a reçues depuis les Etats-Unis d’Amérique. Elle est d’après des données recueillies sur google trends la femme camerounaise la plus demandée sur Internet depuis décembre 2010. Mais elle a beau dire, elle aura fort à faire pour discréditer la saillie algébrique qui fait actuellement fureur dans les rangs du RDPC (parti au pouvoir): 99 moutons + 1 opposant camerounais, cela fait cent bêtes !
Une gaie figure ovoïde ceinte par d’éternels bandeaux qui soutiennent ses cheveux ou couvrent son chef, sa couleur caractéristique est le jaune. Le canari, ce passereau, tout petit et tout coloré comme elle, aurait pu être sa mascotte. Le canari chante si bien ! Pour n’être pas artiste, elle n’en sait pas moins placer un mot après un autre, avec un accent délicieux, son élocution est un régal, un talent qu’elle conserve invariablement dans la langue de Shakespeare ou celle de Molière, quand même c’est pour comparer deux pays de taille et d’histoire aussi différentes que le Cameroun et l’Afrique du Sud.
Si elle a autant fait parler d’elle, c’est parce qu’elle a quitté le Social Democratic Front, avec perte et fracas. C’est pourtant ce parti politique qui l’avait révélée au grand public. Mais le SDF prônait le boycott de la présidentielle, quand elle ne rêvait que d’Etoudi. Elle n’en est donc pas à un coup d’éclat près. C’est encore elle qui, en février 2011, au plus fort des révolutions arabes, a distribué des tee-shirts rouges à des jeunes qu’elle a voulu instrumentaliser à on ne sait quelle fin. Elle avait alors parlé de « marche pacifique ». En fait de coup d’éclat, ça avait été un flop, et si elle ne réalise pas son coup de maître lors de cette présidentielle, c’est qu’elle aura perdu toute son année en coups d’essais, la belle.
FEMME SEULE, FEMME NULLE ?
Pour l’heure, il est malaisé de prévoir le sens et la portée des vannes (« Prési, ton mari est où ? ») qui reflètent quand même des préoccupations réelles d’un certain électorat qui considère qu’il doit y avoir à la tête de la république un président ou une présidente qui incarne parfaitement les valeurs nationales en construction, notamment la famille. C’est malheureux, mais c’est comme ça. On ne pardonnerait pas à un candidat masculin de solliciter des suffrages si on l’étiquetait comme « célibataire endurci », le devrait-on avec une femme ? Rien n’est moins sûr, c’est néanmoins tout le mal qu’on lui souhaite. Dans l’acception populaire, pas spécialement misogyne (tout de même le Cameroun est mal classé dans le Global Women’s Progress publié par Newsweek ce 13 septembre 2011), l’imagerie ordinaire considère de manière phallocentrique qu’on est femme ou on ne l’est pas, et celle-là ne serait pas une femme puisqu’elle n’est pas mariée ; elle est une femme qui ne peut poser sa féminité, sa sensibilité, sa maternité comme autant d’atouts. Il est pourtant injuste d’exiger à une politicienne aussi surmenée de trouver du temps pour un homme ! Tout ce qui compte, c’est bien que cette femme soit un honnête homme, non ?
A défaut d’avoir su trouver un époux, c’est le peuple camerounais qui pourrait l’épouser, la consoler de son infortune, puisqu’elle a pu dire dans un plateau de télévision (Equinoxe TV) que ce n’est pas l’envie qui lui avait manqué, le mariage est une affaire de « chance ». Une chose est claire, elle ne vit pas exclusivement d’amour, au surplus, elle l’a dit : tous ceux qui ont mis notre pays à genoux étaient des hommes et des femmes mariés, alors quoi ! En raisonnant par analogie, on pourrait conclure que des Camerounais ont gouverné depuis les indépendances, alors on devrait confier les clés de l’Etat aux Brésiliens qui réussissent si bien, n’est-ce pas mademoiselle Kah ? C’est une independant woman ! Vive le célibataire power ! Tout cela participe de sa popularité, mais cela suscitera-t-il une adhésion réelle ? Elle n’a aucune chance de l’emporter le 09 octobre, pourra-t-elle au moins réunir 5% de suffrages pour se positionner comme l’avenir de l’opposition, en attendant l’inévitable reconfiguration de la cartographie politique et l’émergence d’acteurs nouveaux qui suivront le départ de monsieur Biya ?
L’ex-stratège du SDF a su canaliser avec méthode tous les lieux communs sur le développement (construction des routes, emplois, assurance universelle, etc.) qu’elle martèle avec un charme fou, une autorité évidente, et une conviction certaine. Elle veut par exemple faire des journalistes des assistés sociaux, elle estime que l’argent des contribuables camerounais devrait servir à subventionner massivement les entreprises de presse. Kah Walla est en plus décidée à créer 500.000 emplois en un tournemain (3 ans !), mais comme elle ne précise pas d’où elle dégagera les fonds d’un programme qui n’est en réalité qu’un projet sommaire de société, sa campagne reste tout entière axée sur la manière de dilapider la fortune publique, un peu comme ces immigrants haïtiens à Montréal, qui initient les étudiants récemment arrivés de leur Afrique à bien dépenser pour bien paraître. Il y a fort à parier qu’elle va, pour contenter ses électeurs, accentuer le parti pris de l’actuel gouvernement qui a su clochardiser les fonctionnaires et autres agents publics par des salaires de missionnaire. C’est-à-dire qu’elle va encore ponctionner leur portion congrue : plus il y a de fous autour du gâteau national, plus on trinque ! Si elle veut rester méthodique, peut-être devrait-elle commencer par agrandir le gâteau en question, à en faire une véritable pièce montée.
Son audace, c’est dans la vie des jeunes qu’elle est prête à exposer qu’elle va la chercher ; son programme ne nous apprend pas comment gagner de l’argent, mais comment en dépenser, ce qui en soi est un bon début… pour bien s’endetter. Mais si elle est dangereuse, cette femme, c’est aussi parce qu’on ne voit pas très bien ses attaches, ses intérêts affectifs et familiaux au Cameroun. Elle paraît trop…comment dire… déconnectée pour aimer le peuple qu’elle veut diriger. N’ayant ni enfants ni famille, n’ayant jamais occupé des fonctions publiques ni de mandat électif, on a pu la soupçonner de n’être aiguillonnée que par l’ambition. Les soupçons ont pris corps à l’occasion de ses postures singulières. Quand, par exemple, le 29 septembre dernier, on l’interrogeait dans les antennes de STV (Spectrum Television) sur un incident survenu dans la ville côtière de Limbé, elle a interloqué tous les téléspectateurs engagés qui l’écoutaient.
La veille en effet, un quidam avait lancé deux grenades dans un Bureau de l’organe chargé de l’organisation des élections (ELECAM). Mal lui en a pris, ses grenades n’ont pas été fichues d’exploser. La candidate à la présidentielle a estimé sans aucune émotion que c’était un « wake up call », que c’était un appel fort au réveil… Ainsi a-t-elle voulu justifier, légitimer, un acte antirépublicain, un comportement de pur vandalisme. Auprès de ce bellicisme, cette caution de la violence, que valent les autres considérations sur ses promesses pharamineuses et ses éventuelles compétences ? Les signaux forts, ça n’est pas la déprédation, c’est dans les urnes qu’ils sont attendus et pas en dehors !
EN TOUT KAH, EN TOUT KAH
Un proverbe bien de chez nous et d’un machisme caractéristique indique : « Celui qui a suivi le plan d’une femme se noiera », en d’autres termes, l’intuition féminine est un mythe que perpétuerait leur propension toute camerounaise à dire « je t’avais bien dit !» Kah Walla est jeune, avec son architecture capillaire qui n’est pas sans rappeler madame Chantal Biya, elle devrait songer à améliorer la perception qu’ont d’elle les Camerounais qui risquent de se tromper de genre : l’acclamer comme une artiste estimée quand elle veut se poser comme un homme providentiel, en faire une tête de turc quand elle voudrait montrer toutes les garanties de sérieux, prouver qu’elle a les épaules suffisamment larges ( !) pour diriger la première puissance économique d’Afrique centrale. Voilà bien son fond, son charisme divise, elle ne rassure pas, même quand elle charme, c’est là un vice de constitution, un obstacle rédhibitoire, qui a facilité la correction que Paul Biya vient de lui infliger, du moins si l’on s’en tient aux tendances lourdes qui s’observent qui la placent provisoirement en quatrième position.
Lire aussi :
A quoi pourrait-on comparer Kah Walla ?
A quoi pourrait-on comparer Paul Biya ?