Amnesty International accuse les rebelles tigréens de crimes sexuels et d’exécutions sommaires


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Les familles éplorées du Tigré
Les familles éplorées du Tigré

Amnesty International vient de rendre public un rapport qui révèle des crimes sexuels et des exécutions sommaires dont se sont rendues coupables les troupes tigréennes en région Amhara, à l’occasion du conflit qui déchire le Nord de l’Éthiopie, depuis plusieurs mois.

Un rapport d’Amnesty International publié ce mercredi sur l’Éthiopie accuse les rebelles du Tigré d’actes de viol perpétrés contre des femmes et filles de la région Amhara, ainsi que des exécutions sommaires. Au sujet des viols, les chercheurs de l’ONG ont interrogé 30 victimes dans la localité de Chenna. Sur ce nombre, 14 ont déclaré avoir subi des viols collectifs, et 7 étaient des mineures. Dans cette dernière catégorie se trouve Lucy, 14 ans, élève en classe de cinquième, qui s’est confiée à Amnesty International : « J’étais chez moi avec ma mère et ma grand-mère, lorsque deux jeunes hommes armés de fusils sont arrivés chez nous dans la matinée, vers 11 heures. L’un d’entre eux portait un uniforme militaire et l’autre des vêtements civils. Ils parlaient un mélange de tigrinya et un peu d’amharique », confie la jeune fille.

« Ils ont dit : « Nos familles ont été violées, maintenant à notre tour de vous violer. » L’un d’eux m’a violée dans la cour, tandis que l’autre s’occupait de ma mère à l’intérieur de la maison. Ma mère est très malade depuis, elle est très déprimée et désespérée. Nous ne parlons pas de ce qui s’est passé, c’est impossible », poursuit-elle. Salam, 29 ans, affirme pour sa part, avoir été violée pendant 15 heures par quatre combattants tigréens. La conséquence pour ces victimes, ce sont de graves préjudices physiques et psychologiques ayant entraîné l’hospitalisation de certaines parmi elles pendant trois mois.

Des exécutions sommaires

Le rapport a également documenté dans la ville de Kobo, tombée sous le contrôle des Tigréens à partir de juillet 2021, de nombreux cas d’exécutions, des actes constitutifs de crimes de guerre. Selon ce rapport, les combattants du TPLF se seraient vengés sur des populations civiles désarmées en représailles à la résistance des milices locales face à l’avancée des troupes tigréennes. « Les premiers cadavres que nous avons vus se trouvaient le long de la palissade de l’école », rapporte un témoin sous anonymat. « Une vingtaine de corps, allongés en sous-vêtements, faisant face à la palissade, et trois autres dans l’enceinte de l’école. La plupart se sont fait tirer dans la nuque et quelques-uns dans le dos. Ceux qui avaient reçu une balle dans la nuque n’étaient pas identifiables, parce qu’une partie de leur visage avait été emporté », poursuit-il.

À sa suite d’autres témoins ou victimes – 27 personnes au total ont été interrogées, selon le rapport – se sont également ouverts à Amnesty International au sujet des atrocités qu’ils ont vues ou subies. « Ils ont commencé par tuer mon frère Taddese. Il est mort sur le coup. Mon autre frère et mon beau-frère ont tenté de s’enfuir et ont tous les deux été abattus d’une balle dans le dos. Ils m’ont touché à l’épaule gauche. Je suis resté à terre et j’ai fait le mort », confie un rescapé. Au regard de tous ces éléments, l’organisation de défense des droits humains lance un appel solennel à la communauté internationale : « La communauté internationale doit agir rapidement afin d’enquêter sur les atteintes aux droits humains commises par toutes les parties, d’identifier les responsables et de soutenir les initiatives visant à lutter contre l’impunité ».

Et d’ajouter : « Le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies doit rapidement mettre en place la Commission internationale d’experts en droits humains sur l’Éthiopie et lui donner les ressources nécessaires pour lui permettre d’enquêter sur les crimes de droit international commis par l’ensemble des parties ». En effet, les combattants tigréens ne sont pas les seuls coupables de crimes et autres violations des droits humains dans ce conflit. Et ça aussi, le rapport le mentionne très clairement : « Toutes les parties impliquées dans le conflit ont commis de graves violations des droits humains, notamment des crimes de guerre, et d’éventuels crimes contre l’humanité. La majorité des violations documentées à ce jour ont été commises par les forces gouvernementales éthiopiennes et érythréennes et les milices associées contre des civils tigréens, principalement dans la région du Tigré », peut-on y lire.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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