Les meilleurs ingénieurs africains sont absorbés par les pays du Nord. Un autre type de saignée des ressources du continent que dénonce Amadou Top, ingénieur sénégalais en informatique et fondateur d’ Osiris, une société de prestation de service Internet.
Deuxième volet de notre article consacré au Sénégal et aux nouvelles technologies.
Afrik : Au regard de l’avance du Sénégal sur les autres pays dans le domaine des nouvelles technologies, dans quelle mesure le Sénégal fait-il bénéficier la sous-région ouest-africaine de son expertise ?
Amadou Top : Les sociétés sénégalaises – dont la mienne – interviennent beaucoup dans la sous-région. Il y a des étudiants qui viennent des pays alentours pour s’inscrire dans nos Universités. Mais le Sénégal pourrait faire bien plus en matière d’expertise et d’aide au développement des nouvelles technologies chez ses voisins, s’il n’était pas confronté au problème qui est celui que tous les pays africains connaissent aujourd’hui : nos Etats pauvres forment avec beaucoup de difficultés des ingénieurs. Malheureusement, ces derniers sont aspirés immédiatement par les pays du Nord.
Il est à craindre que tous les efforts de formation consentis soient anéantis par cette bombe aspirante que constitue cet appel incroyable à nos ressources humaines à partir des pays du Nord. Ce qui a pour effet de décapiter notre encadrement spécialisé dans les nouvelles technologies, nos pays ne bénéficiant pas des retombées de nos efforts.
Afrik : Ne pensez-vous pas que les coûts élevés des équipements informatiques constituent un blocage pour l’accès des populations à Internet ?
AT : Je suis parfaitement d’accord avec vous. Les coûts pratiqués actuellement ne permettent pas de vulgariser Internet. Mais, au Sénégal, il y a quelques jours, l’opérateur public a couplé les coûts de communication locale avec les nouveaux tarifs de la téléphonie universelle. Résultat, des tarifs nettement plus intéressants sont d’ores et déjà disponibles sur le marché, 450F CFA (4, 50 FF Ndlr) l’heure de connexion, pour l’instant aux heures de nuit.
Nous sommes donc sur la bonne voie pour généraliser l’accès à Internet, par une baisse progressive des coûts des communications téléphoniques. Restent les problèmes liés à l’équipement, mais là encore je crois possible de les résoudre petit à petit.
Afrik : En quoi Internet peut-il offrir des opportunités aux opérateurs économiques, aux entreprises sénégalaises et autres petits commerçants de Sandaga (grand marché de Dakar) ?
AT : J’ai été surpris de voir l’intérêt que les gens ont porté rapidement à cet outil. Parce que les Sénégalais sont de grands voyageurs et de grands commerçants. Même sans savoir lire ni écrire, ils sont allés spontanément auprès des cybercentres, des télécentres équipés d’ordinateurs connectés. Ils posaient des questions aux médiateurs très précises sur les coûts de tel ou tel produit : où trouver des fournisseurs pour tel ou tel produit ? Où trouver des partenaires pour les fabriquer etc.
Les exemples ne manquent pas, comme le Trade point Sénégal que beaucoup d’opérateurs économiques consultent parce qu’on y trouve le cours des devises, les opportunités d’affaires etc.
Beaucoup de commerçants utilisent cette méthode pour s’informer. Evidemment, il y en a qui utilisent Internet pour vendre les produits locaux. On a répertorié une vingtaine de sites de Sénégalais qui vendent des produits de l’artisanat sur la toile. Je ne parle pas des hôtels qui, dans le cadre du tourisme, vendent bien la destination Sénégal. On a aussi des secteurs comme la pêche qui utilise le même créneau. Mais déjà, à un niveau individuel, nous constatons que cette volonté de vendre son produit grâce à Internet, prend greffe au sein de la société sénégalaise.