Le Malien Amadou Guitteye est un voyageur, un aventurier, un explorateur. Sa musique n’a de cesse de le prouver. Comme une invitation à prendre la route, elle sait orienter les non-initiés, tout comme elle convainc les mélomanes. Celui que tout le monde appelle affectueusement « You » n’en est pas à son premier coup d’éclat. En 2001 déjà, avec Mopti, il nous présentait son univers empreint de sincérité et d’hospitalité malienne. Taama, son nouveau joyau, a pour but de propulser son style musical, le « Manding Groove » sur le devant de la scène artistique internationale. Nostalgie et espoir résultent de cette expérience auditive.
Amadou Guitteye, dit You, a grandi à Tikabango, la Vénus malienne. A l’âge de 14 ans il fait son apprentissage de la guitare aux côtés de ses aînés comme Koko, un guitariste solo émérite du groupe Kanaga de Mopti, ville où You a passé sa jeunesse. Au fil des années, sa passion pour la musique amène Amadou Guitteye à Bamako, où il perfectionne sa maîtrise de la guitare dans différents groupes comme l’orchestre Bama Saba. Puis vient la France, et la vie mouvementée du Paris des années 1980, qui ne permet pas à l’artiste de trouver la voie musicale qu’il cherche. C’est finalement en Allemagne, précisément à Cologne que You a trouvé son inspiration, mais surtout son style, le « Manding Groove », qui lui rappelle ses origines. En 2001, il sort son premier album intitulé Mopti. L’accueil chaleureux du public le pousse à la récidive avec Taama, en 2005. Cet opus de neuf titres raconte sa vie de nomade, entre Paris et Cologne, mais marque surtout une continuité dans sa quête musicale. Afrik est allé à la rencontre de You pour vous.
Afrik.com : Le Mali regorge d’artistes tout aussi talentueux les uns que les autres mais leurs parcours ne convergent pas toujours. En ce qui vous concerne, comment êtes-vous venu à la musique ?
Amadou Guitteye : J’ai commencé plutôt jeune. Vers mes 12-13 ans, un cousin qui se trouvait aux Etats-Unis m’a envoyé un électrophone, ainsi que quelques 45 tours que j’écoutais en boucle. On tentait d’interpréter, sans prétention, les morceaux qu’on entendait. C’était nouveau, et cela m’a donné envie d’aller plus loin. A 14 ans, j’ai donc fait mon apprentissage de la guitare aux côtés d’aînés comme Koko Dembele- guitariste du groupe Kanaga de Mopti-, avant de rejoindre l’Orchestre de Mopti, qui deviendra plus tard l’Orchestre National. Mopti, que l’on appelle également « la Venise du Mali », est un véritable carrefour artistique. Ensuite, mes études de comptabilité m’ont contraint à m’aventurer à Bamako pour quelques temps. J’y ai également fait de petites scènes afin de gagner de quoi vivre. En 1979, je quitte le Mali pour la France, où je suis resté 16 ans, enchaînant les jobs et menant une vie musicale loin de tout repos. Finalement, c’est en Allemagne que ma carrière a véritablement pris son envol.
Afrik.com : Vous avez décidé d’appeler votre deuxième album « Taama », qui signifie « le voyage », est-ce en rapport avec votre parcours ?
Amadou Guitteye : Taama veut dire voyage, mais également expérience, aventure… Ce disque est avant tout un appel à la tolérance, dans cette grande roue que représente la vie. Taama, c’est l’expérience perpétuelle. Les neufs titres de l’album racontent en quelque sorte ma vie de nomade entre ma terre natale, le Mali, ma première expérience occidentale, à savoir la France, et mon pays d’adoption, l’Allemagne. Taama se veut être une continuité, un prolongement de Mopti, mon opus précédent.
Afrik.com : Vous avez réussi à vous distinguer musicalement, grâce à un style particulier que vous nommez « Manding Groove », peut-on avoir de plus amples informations à ce sujet ?
Amadou Guitteye : La musique que je fais trouve ses racines dans la culture mandingue, mais est également influencée par des rythmes variés. La base musicale est africaine, malienne plus précisément, cependant j’aime explorer des horizons nouveaux, faire en sorte que les gens puissent danser, tout en se concentrant sur mes textes. Pour ma part, textes et musique son liés. La corrélation de ces deux éléments permet l’harmonie, et facilite une certaine alchimie musicale. D’une manière générale, ma musique inspire la nostalgie, tout en étant ancrée dans le présent. Par Manding Groove, il faut entendre tradition, mais également ouverture sur le monde. Je chante en Bambara, Sonraï et Peul, tout en faisant usage d’instruments divers et variés. Je chante la paix, l’espérance, la vie, l’amour, la tradition… Je chante le monde qui m’entoure, un monde de beauté, mais aussi de cruauté.
Afrik.com : Vous alliez tradition et modernité, aussi bien musicalement que textuellement, où puisez-vous votre inspiration ?
Amadou Guitteye : J’aime la musique en général. Je lui accorde beaucoup d’intérêt. J’essaie de me tenir au courant des différentes sorties. Bien entendu, j’ai un penchant pour la musique malienne, mais j’ouvre mon esprit à d’autres courants musicaux. Ali Farka Touré demeure cependant pour moi une source d’inspiration inépuisable.
Afrik.com : Quel regard portez-vous sur l’évolution de la musique malienne ?
Amadou Guitteye : Elle est en évolution, et suscite de plus en plus d’intérêt. Nous pouvons nous vanter d’avoir autant d’artistes que de styles musicaux. Les artistes maliens sont à la base de nombreux rythmes. Par exemple, on retrouve le takemba, le worsolon, les rythmes mandingues… Beaucoup de choses ont été accomplies, tout comme il nous reste de nombreux défis à relever. Je pense que l’espoir est permis, surtout lorsque l’on voit ce qu’accomplissent des artistes comme Amadou et Mariam, Oumou Sangaré ou Salif Keïta qui permettent au grand public de découvrir les trésors dont regorge le Mali. Les artistes sont également les ambassadeurs d’un pays et d’une culture.
Par Akeem Kossoko