Accusé de gouverner sans concertation, Alpha Condé a invité les principaux dirigeants politiques de l’opposition et de la mouvance présidentielle au Palais Sekoutouréya afin d’améliorer les rapports entre le pouvoir et la classe politique.
De retour d’une visite d’Etat de trois jours aux Emirats arabes unis, le président guinéen se veut rassembleur. Interrogé par nos confrères de RFI à son arrivée lundi soir à l’aéroport de Conakry, le professeur Condé a prôné les vertus du « dialogue » avec ses « frères » de l’opposition. « Il y a beaucoup de malentendus, on ne dialogue pas assez », a regretté Alpha Condé. Ce mardi, un an jour pour jour après la proclamation de sa victoire lors des premières élections libres du pays, le président guinéen a reçu au palais Sekoutouréya les ténors de l’opposition.
Opposant historique à Sékou Touré et aux régimes militaires qui ont suivi, Alpha Condé avait été déclaré vainqueur des élections le 15 novembre 2010 avec 52 % des suffrages. Suite à l’annonce de ces résultats, le pays avait plongé dans le chaos. Son adversaire, Cellou Dallein Diallo, qui quatre mois plus tôt avait récolté 44% des voix lors du premier tour de l’élection (contre 18 % à Condé), avait dénoncé des « fraudes » et accusé le malinké d’avoir mené une campagne « basée sur l’incitation à la haine ethnique » ayant conduit à des violences contre les peuls. La contestation avait été réprimée brutalement, faisant au moins sept morts et plusieurs centaines de blessés en trois jours.
« Il faut qu’on lève les malentendus »
Un an a passé depuis, mais les relations entre Alpha Condé, 73 ans, et son opposition demeurent pour le moins tendues. « Il faut qu’on lève les malentendus et que nous ayons à nouveau les meilleurs rapports, a estimé le président Condé à sa descente d’avion. N’oubliez pas que nous avons été membres des forces vives et que nous nous sommes battus ensemble pour la démocratie. » L’opposition taxe aujourd’hui Alpha Condé de dérive autoritaire. Le 3 avril, la police disperse le rassemblement de milliers de partisans de Cellou Dallein Diallo venus fêter son retour à Conakry. Bilan : au moins un mort et vingt-sept blessés dont huit par balles. Le 28 septembre, rebelote. Au moins deux morts et de nombreux blessés suite à la répression d’une marche, interdite par le pouvoir et maintenue par l’opposition. Cellou Dallein Diallo met en garde contre « l’instauration d’une dictature » en Guinée. Entre les deux manifestations, l’attaque par des militaires de la résidence d’Alpha Condé dans la nuit du 19 juillet n’arrange rien. Le président avait alors accusé Oury Bah, numéro deux de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG, le parti de Diallo), d’être l’un des cerveaux de cette tentative de coup d’Etat.
Cet après-midi, le premier président démocratiquement élu de Guinée a donc reçu au palais de Sekoutouréya une dizaine de chefs de partis politiques. Cellou Dallein Diallo, Sidya Touré (Union des forces républicaines) et Moussa Solano (Parti de l’unité et du progrès) se sont d’abord entretenus avec le président Condé. Puis, ils ont été rejoints par d’autres politiques dont l’ancien Premier ministre du gouvernement de transition, Jean-Marie Doré (Union pour le progrès de la Guinée), Mamadou Sylla (Union démocratique de Guinée), Kassory Fofana (Guinée pour tous) ou François Lonceny Fall (Front uni pour la démocratie et le changement).
Arrivés à 15h, les dirigeants politiques ont quitté le palais trois heures plus tard le sourire aux lèvres. Alpha Condé a invité ses interlocuteurs au « rassemblement et à la cohésion pour la paix en Guinée ». La mouvance présidentielle et l’opposition auraient abordé l’épineuse question des prochaines élections législatives, officiellement prévues pour la fin de l’année. L’opposition conteste la date du 29 décembre qu’elle juge fixée « unilatéralement » et craint « une mascarade électorale ». Aussi, le limogeage du directeur des opérations de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) il y a un mois a créé l’embarras au sein de l’institution et ravivé le climat de méfiance et de suspicions à l’approche d’un scrutin à haut risque.
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