Le ministre tunisien de l’Intérieur, Ali Larayedh, a annoncé mercredi la levée de l’interdiction de manifester sur la mythique avenue Bourguiba. Au moins quinze personnes et huit policiers ont été blessés lundi lors de la dispersion violente d’une manifestation par les forces de l’ordre. Les manifestants étaient venus commémorer la fête des martyrs et protester contre l’interdiction de défiler sur l’avenue.
Les Tunisiens sont de nouveaux autorisés à défiler sur l’emblématique avenue Bourguiba, à Tunis. Ali Larayedh, le ministre tunisien de l’Intérieur l’a annoncé ce mercredi suite aux pressions de l’opposition. « L’avenue est rouverte à tous les Tunisiens, ceux qui veulent manifester, se promener ou travailler », a déclaré M. Larayedh à l’issue d’un conseil des ministres. L’artère emblématique de la révolution de Jasmin était interdite depuis le 28 mars, à la suite d’incidents survenus le 25 mars pendant une marche d’islamistes. Des activistes s’en étaient alors pris à des artistes devant le théâtre de la ville municipal.
L’intervention policière de lundi a soulevé l’indignation en Tunisie. Des centaines de personnes avaient bravé l’interdiction de manifester sur le lieu de toutes les contestations sociales depuis le départ de Ben Ali. Les protestataires ont été violemment dispersés faisant au moins quinze victimes côté manifestants et huit chez la police, selon le ministère de l’Intérieur. Les manifestants souhaitaient commémorer la Journée des martyrs, en souvenir de la répression par les troupes françaises d’une manifestation à Tunis le 9 avril 1938. Ils voulaient, par la même occasion dénoncer l’interdiction de défiler sur cette avenue. Le président Moncef Mazouki a dénoncé « un degré de violence inacceptable ». « Je regrette profondément que des manifestants pacifiques aient été blessés », a-t-il dit, avant d’ajouter qu’une dizaine de policiers avaient aussi été blessés. Dès le lendemain, une quinzaine d’élus de l’opposition ont marché sur cette même avenue, suivie par une centaine de personnes pour condamner les violences de lundi et réclamer la liberté de manifester.
Quand Larayedh s’exécute…
Le parti Al-Aridha Al–Chaabia, arrivé en troisième position aux dernières élections, appuyé par les groupes parlementaires du CPR et d’Ettakatol, avaient exigé mardi l’annulation « immédiate » et sans condition par le ministre de l’Intérieur de l’interdiction de manifester sur l’avenue Bourguiba.
Le même jour, une réunion s’est tenue en présence du ministre et d’au moins quarante députés, en majorité de l’opposition. D’après le journal électronique Babnet.net, les constituants d’Al-Aridha avaient menacé Larayedh de recourir à « une motion de censure » contre lui et « le contraindre à présenter sa démission dans le cas où il viendrait à ne pas donner une suite favorable à leur requête ». Une menace confirmée par Ahmed Sefi du PCOT qui a affirmé que l’opposition se mobilisera pour présenter une motion de censure contre Larayedh.
Par ailleurs, ils ont réclamé au ministre l’ouverture d’une enquête sur les actes de violence perpétrés dans la capitale. Mohamed Fadhel Moussa du Groupe démocratique a indiqué au cours de cette réunion la quasi-certitude qu’il existe deux appareils sécuritaires, l’un est officiel et l’autre non. Il a constaté « l’apparition de certains éléments en compagnie des agents de forces de la sécurité, qui intimaient même des ordres, durant les récentes manifestations ».
De son côté, le ministre de l’Intérieur a déclaré que le ministère est disposé à ouvrir une enquête sérieuse pour « déterminer les responsabilités aussi bien au niveau de la décision sécuritaire qu’au niveau des composantes de la société civile ».
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