Algérie : vers l’émergence d’un hub maritime en mer Méditerranée et une opportunité stratégique pour CMA CGM


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Port de Djen Djen en Algérie
Port de Djen Djen en Algérie

Dans un contexte de transformation des routes commerciales mondiales, l’Algérie affirme ses ambitions de devenir un hub maritime majeur en Méditerranée. Cette stratégie, soutenue par un programme ambitieux de modernisation des infrastructures portuaires, converge avec les intérêts de grands acteurs maritimes internationaux comme CMA CGM, qui cherchent à diversifier leurs activités face à un environnement fiscal européen de plus en plus contraignant. La récente Conférence internationale sur l’économie maritime tenue à Alger a souligné cette alliance potentielle entre les aspirations algériennes et les besoins des grandes entreprises maritimes mondiales.

L’Algérie dispose d’une position géographique exceptionnelle pour concrétiser ses ambitions de hub maritime. Avec une façade méditerranéenne de 1 200 kilomètres et une localisation stratégique au carrefour de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Afrique subsaharienne, le pays se trouve idéalement placé pour devenir une plaque tournante des échanges commerciaux. En plus de ses atouts maritimes, l’Algérie bénéficie de la route transsaharienne reliant Alger à Lagos, ouvrant ainsi une voie terrestre vers les marchés du Sahel, un avantage stratégique de premier plan pour les échanges entre l’Afrique et les autres régions.

Ahmed Tibaoui, directeur du World Trade Center Algiers, a rappelé cette vocation naturelle en soulignant que « l’Algérie a vocation à devenir le point d’entrée privilégié de l’Afrique pour les échanges maritimes internationaux« . Cette ambition s’appuie sur une série de réformes économiques et d’investissements dans le secteur portuaire pour attirer les acteurs internationaux et renforcer le poids de l’Algérie dans le commerce méditerranéen.

Le port de Djen Djen : pierre angulaire de la stratégie maritime algérienne

Le développement du port de Djen Djen, situé dans la wilaya de Jijel, est un exemple concret de la stratégie algérienne pour moderniser ses infrastructures et se hisser aux standards internationaux. Le projet, initié sous l’impulsion du Président Abdelmadjid Tebboune, inclut un approfondissement des quais à 20 mètres pour permettre l’accueil des plus grands porte-conteneurs mondiaux, une expansion des installations, ainsi que l’intégration de technologies de pointe pour optimiser les opérations portuaires.

Ce projet bénéficie également d’un partenariat stratégique avec DP World, un leader mondial de la gestion portuaire, qui apporte son expertise dans l’optimisation des infrastructures. Cette modernisation fait de Djen Djen un sérieux concurrent pour Tanger Med au Maroc, principal hub de transbordement en Afrique du Nord, et pourrait redistribuer les flux maritimes en Méditerranée occidentale, créant une alternative attractive pour les transporteurs internationaux.

Une présence déjà consolidée de CMA CGM au Maroc

La forte implantation de CMA CGM au Maroc constitue un pilier de sa stratégie en Afrique du Nord. Le groupe y détient des participations stratégiques, notamment une part du terminal Eurogate de Tanger Med et la totalité du terminal de Casablanca via sa filiale SOMAPORT. Récemment, CMA CGM a renforcé sa présence en investissant, aux côtés de Marsa Maroc, 280 millions de dollars pour développer le terminal de Nador West Med, un projet qui s’ajoute à une implantation établie depuis 1983 avec près de 1 800 salariés au Maroc et des liaisons régulières dans tous les grands ports du pays.

Cependant, cette présence marocaine ne suffit pas à CMA CGM pour relever les défis économiques actuels. Dans ce contexte, l’Algérie représente un marché complémentaire attractif offrant à CMA CGM une opportunité de renforcer son réseau en Afrique du Nord tout en s’étendant vers des marchés en Afrique subsaharienne.

Un environnement favorable aux investisseurs internationaux

L’Algérie entreprend, en effet, actuellement une profonde transformation de son cadre économique pour attirer les investissements étrangers. Le gouvernement à notamment lancé des réformes qui facilitent les procédures d’implantation pour les entreprises internationales. Les partenariats public-privé se multiplient, marquant une ouverture accrue aux acteurs mondiaux, et le secteur maritime est à la pointe.

Ainsi, cette politique d’ouverture, associée aux ambitions de développement de Djen Djen, place l’Algérie en position favorable pour séduire des géants comme CMA CGM et d’autres leaders du transport maritime comme MSC.

Cependant, le pays doit encore relever certains défis, notamment dans le domaine logistique. Abdallah Seriai, président du Syndicat du transport et de la logistique (Translog), souligne que les coûts logistiques en Algérie représentent actuellement jusqu’à 35% des coûts des produits, bien au-dessus de la moyenne mondiale. Réduire ces coûts est donc un objectif essentiel pour renforcer la compétitivité algérienne et attirer davantage d’investisseurs dans le secteur.

Un partenaire stratégique pour l’avenir

La transformation du secteur maritime algérien, portée par des investissements importants et une volonté politique forte, positionne l’Algérie comme un acteur émergent de poids dans le transport maritime en Méditerranée. Pour les géants du transport maritime comme CMA CGM, l’Algérie offre une opportunité d’élargir son réseau régional tout en profitant d’un environnement moins contraignant que celui de l’Europe.

La position géographique de l’Algérie, conjuguée aux réformes en cours et au projet de Djen Djen, en fait un point d’ancrage stratégique vers les marchés d’Afrique subsaharienne, une région en forte croissance.

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