Le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) a revendiqué lundi l’attentat meurtrier perpétré la veille, dans la banlieue d’Alger, contre les salariés d’une société de construction américaine. C’est la première fois depuis une dizaine d’années que les islamistes armés, qui ont fait allégeance à Al-Qaida en septembre dernier, visent des intérêts occidentaux en Algérie.
La visite de Zinédine Zidane en Algérie a failli éclipser le coup médiatique réussi par le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). Lundi, le groupe islamiste algérien a revendiqué un attentat commis la veille contre les salariés de la firme américaine Brown Root and Condor (BRC), une filiale du géant de la construction Halliburton. Dans des circonstances encore peu claires, des hommes armés ont ouvert le feu sur le bus qui transportait les employés au moment où il s’engageait sur une bretelle de l’autoroute, en direction de la commune de Bouchaoui, où se trouve leur hôtel. Le chauffeur algérien a trouvé la mort alors que neuf passagers – quatre Anglais, deux Libanais, un Algérien, un Américain et un Canadien – ont été blessés. C’est la première fois depuis une dizaine d’années que les islamistes armés s’en prennent aussi clairement aux intérêts occidentaux en Algérie.
« Les croisés travaillant pour BRC »
« Dieu a permis à un groupe de nos guerriers saints de perpétrer cette attaque visant les croisés travaillant pour BRC à Bouchaoui », explique un communiqué signé du GSPC mais qui n’a pas été authentifié. Avant d’ajouter, à l’adresse des citoyens algériens : « Tenez-vous à distance des intérêts des infidèles pour éviter tout dommage qui pourrait vous advenir en vous mêlant à eux au moment où ils sont visés ».
Dimanche, le groupe terroriste a fait coup double en narguant les forces de sécurité dans la zone du Club des Pins, l’une des plus sécurisées du nord du pays. C’est là que résident de nombreux pontes de l’armée nationale populaire (ANP) et que les autorités offraient aux journalistes de résider durant les pires années du terrorisme. C’est également là, en bord de mer, que le massif Hôtel Sheraton a été constuit, non loin du Palais des Nations où le président Bouteflika a prononcé un discours ce samedi. Le chef de l’Etat algérien dispose par ailleurs d’une résidence dans la commune de Zéralda, une dizaine de kilomètres plus à l’ouest.
« Mutation du terrorisme algérien » ?
Très présent en Kabylie, le GSPC est considéré comme le dernier groupe qui bénéficie d’une réelle capacité de nuisance en Algérie. Ces dernières années, ses attaques visaient essentiellement les forces armées (police ou militaire) ainsi que des fonctionnaires de l’Etat, à travers de faux barrages ou des guets-apens soigneusement organisés. Mais le mouvement, également présent dans le Sahara, semble avoir changé de stratégie depuis qu’il a fait allégeance à Al-Qaida en septembre dernier. « Le Groupe salafiste pour la prédication et le combat doit devenir l’os dans la gorge des Croisés américains et français », avait prévenu le n°2 d’Al-Qaida, Aymane al-Zawahiri.
Ainsi, « le GSPC exécute son contrat », titre mardi le quotidien l’Expression en Une. De son côté, El Watan se demande en éditorial si cet attentat préfigure la « mutation du terrorisme algérien ». Le quotidien propose deux hypothèses. Les opérations de l’armée et le succès de la charte pour la paix et la réconciliation nationale peuvent avoir réduit le GSPC à l’état de « bête blessée », contrainte de commettre des attentats « spectaculaires » à « fort rendement médiatique ». Autre possibilité, le groupe armé, « dopé » par son alliance avec Al-Qaida, sort de son « tête à tête » avec Alger et trouve une légitimité internationale en tant que « défenseur de la cause musulmane ». Il attire ainsi les ressources financières, les armes et les hommes.
La presse algérienne reste tout de même prudente vis-à-vis de la revendication du GSPC. Elle rappelle que BRC avait récemment été mise en cause par le quotidien arabophone El Khabar dans une affaire de marchés truqués. La filiale de la compagnie américaine Halliburton, autrefois dirigée par le vice-président américain Dick Cheney, travaille pour le compte de la compagnie pétrolière publique algérienne Sonatrach et le ministère de la Défense.