Un rapport d’expertise, publié ce mardi dans les colonnes du Parisien, confirme l’existence d’un « lien vraisemblable » entre les retombées radioactives des essais nucléaires en Algérie et en Polynésie, et les cancers des militaires exposés.
Florent de Valthaire, directeur de recherche en épidémiologie à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) est l’auteur d’un rapport, publié ce mardi dans Le Parisien, dans lequel il établit un lien entre les essais nucléaires français en Algérie et en Polynésie, et les cancers des militaires exposés. « En rassemblant de nombreux éléments, j’ai pu construire un faisceau de présomptions qui permet de dire que le lien entre les retombées radioactives et les maladies est vraisemblable pour certains des cas expertisés », affirme le directeur de l’Inserm. Il nuance ses propos en affirmant que, « d’un point de vue scientifique, on ne pourra jamais affirmer avec certitude telle ou telle causalité et ce pour une raison simple : ces cancers ou ces leucémies ne sont pas uniquement causés par les radiations ». Sur quinze personnes analysées, tant Algériens que Polynésiens, l’existence d’un lien probable a été accréditée pour six d’entre elles.
Le rapport a été établi à la demande de la juge d’instruction Anne-Marie Bellot, suite à une plainte déposée en 2003 par l’Association des victimes des essais nucléaires (Aven). Une information judiciaire avait alors été ouverte, début 2004, pour « homicide involontaire, atteinte à l’intégrité physique et administration de substances nuisibles ». Près de 150 000 civils et militaires ont participé aux 210 essais nucléaires français conduits de 1960 à 1966 dans le Sahara algérien et en Polynésie française.
Processus de reconnaissance ?
Promulguée le 5 janvier 2010, la loi Morin permet d’indemniser les victimes atteintes de maladies radio-induites provoquées par les essais nucléaires. Mais à ce jour, sur 720 dossiers examinés, seules quatre victimes ont été indemnisées. Ce rapport d’expertise est peut-être un nouveau pas dans le processus de reconnaissance de la responsabilité des pouvoirs publics français qui, pendant longtemps, ont refusé d’admettre qu’il puisse y avoir un lien entre certaines maladies et les retombées radioactives. Lors d’une récente rencontre avec les membres de l’association Aven, l’actuel ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, s’était engagé à modifier la loi Morin afin que son ministère cesse d’invalider 95% des dossiers, rapporte le JDD.
Les avocats des victimes restent toutefois prudents. Selon eux, « il faudra apporter la preuve d’une causalité directe entre les essais nucléaires et les maladies ». De son côté, Florent de Valthaire déplore ne pas avoir eu accès à toutes les données, secret défense oblige. D’après Le Parisien, la juge d’instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy vient de lancer une commission rogatoire pour récupérer un maximum d’archives, dans le but « d’obtenir la déclassification des dossiers secret-défense les plus sensibles qui n’ont pas encore pu être exploités ».
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